Bougies froides, pneus neufs, 8000 tours sur l’autoroute pour rencontrer les américains d’Akron et les faire rêver avec la Ferrari 250 gte.
Rossano Candrini
Traduit de l’italien par Jean-Paul Orjebin
Dans la même série :
Rossano Candrini 1
Rossano Candrini 2
Rossano Candrini 3
Rossano Candrini 4
Rossano Candrini 5
En mai 1965, la multinationale Goodyear inaugurait à Cisterna di Latina une usine de pneumatiques pour automobiles.
Mon père et moi, en tant que représentants du produit américain, étions invités à cette occasion. Pour nous accompagner, afin de faire plaisir à nos bons clients, nous avions réservé deux cars pour leur faire connaitre ce nouveau site de fabrication situé au sud de Rome, à 500 kms de chez nous.
Mon père, qui à cette époque roulait en Ferrari 250 gte 2 + 2, voyait d’un bon œil l’occasion de faire un » galop », seul aux commandes de ses 12 cylindres. Il voulait absolument éviter de m’entendre tout le long du chemin lui réclamer le volant, moi qui venais d’obtenir mon permis. Pour être certain de se trouver seul et tranquille dans son auto, il m’a demandé d’accompagner un important client de Sassuolo, le Signore Zeno Camellini, dans sa Mercedes.
Pour papa, l’occasion était bonne, trop bonne de rouler à fond : rappelons-nous que dans ces années bénites, il n’y avait pas de limitation de vitesse sur les autoroutes. La Ferrari venait d’être préparée par le fidèle mécanicien Ascanio Lucchi (1) qui avait mis des bougies ′′ froides ′′ pour l’été, et nous avions monté quatre tout nouveaux Cinturato Pirelli HS.
A peine le péage autoroutier de Bologne était – il passé, qu’il disparaissait du pare-brise de la Mercedes. Mon compagnon de voyage s’inquiétait sérieusement de ne pas trouver la route, une fois sorti de l’autoroute aux alentours de Rome. Je le rassurai aussitôt.
Mon père avait l’habitude de ne jamais garder d’argent sur lui. En effet, au péage de Rome, nous l’avons retrouvé, appuyé sur l’aile de sa 250 avec son éternelle Gitanes allumée aux lèvres.
Il nous a demandé si nous nous étions arrêtés pour le petit déjeuner car il était là depuis deux heures. Je pense qu’il bluffait à peine, la couleur blanche des quatre sorties d’échappement témoignait qu’il avait dû tenir les 8000 tours un bon moment.
Arrivés à l’usine Goodyear, les membres de la direction américaine venus des US, le Président, directeur général et les techniciens étaient tous autour la 250 gte.
Ce n’était pas si fréquent dans ces années-là de voir des Ferrari dans la rue. À tour de rôle, tous les Hommes d’Akron se sont mis au volant de la Ferrari.
Seul Mr. Marks étant donné son incroyable taille, bien plus de deux mètres, a eu du mal à entrer dans la 2 + 2.
C ‘était une belle excursion, au retour Mario mon père m’a pris avec lui sans jamais abandonner le volant cependant.
Avec cette Ferrari qu’il utilisait véritablement tous les jours il a parcouru 175 000 kms, sans aucune défaillance, juste changer les bougies, les pneus, les freins, il se vantait d’avoir fait ce kilométrage avec le même embrayage.
La voiture a été reprise par l’usine de Maranello et Papa a acheté la toute nouvelle et beaucoup plus confortable 365 gt 2 + 2.
Le directeur commercial alors Dr. Amerigo Manicardi a laissé exposée la 250 de mon père dans l’entrée principale de leur bureau de la Via Abetone inferiore pendant plus d’un mois, avec écrit au blanc d’Espagne sur le pare-brise le kilométrage parcouru.
Même le Commandatore en était très heureux, cela prouvait la qualité des voitures qu’il produisait.
Rossano Candrini
Traduit de l’italien par Jean-Paul Orjebin
Note
- Ascanio Lucchi : copilote aux mille miglia 1933 sur Alfa 8C et en 1940 sur 6C de l’écurie Ferrari. Mécanicien de Tazio Nuvolari avant d’ouvrir son atelier via Jacopo Barozzi à Modène où ses oreilles et ses doigts étaient bien meilleurs pour régler les six doubles corps Weber que les instruments au mercure.