Le Mans Classic 2023
4 juillet 2023

Le Mans Classic 2023 par Jean-Paul Orjebin

Le Mans Classic : on savait que l’équipe de Peter Auto allait se surpasser en cette année du centenaire. On vous le rabâche depuis plusieurs mois, désolé d’insister mais c’est quand même un vrai évènement. Vous imaginez les athlètes des J.O. avec des skis des années 1920 ou des perches (?) de la même époque ? Laissez tomber, ça n’irait pas.

Le Classic c’est avec les avions, les bateaux et les autos que ça marche. Alors 100 ans et des autos, il fallait qu’on y soit ! Et on ne l’a pas regretté. Enfin surtout Jean-Paul Orjebin qui s’est régalé tout en bossant pour nous. Vous n’imaginez pas les efforts qu’il a fait pour vous ramener ce reportage.

L’étendu du circuit, la foule, les rendez – vous d’un côté du circuit quand il était de l’autre… Qu’il arrivait essouflé pour constater que son interlocuteur était déjà reparti ailleurs… Oui il n’a pas pu tout faire, mais juste avec la partie émergée de l’Orjeberg, on peut se régaler.

Classic Courses


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Passion Le Mans

Le monde qui gravite autour de l’automobile classique est motivé par l’amour de la belle mécanique, par l’ambiance bagnolarde, par le plaisir de conduire des engins pas aseptisés, par l’amitié et la solidarité qui règnent le plus souvent, parfois par la nostalgie. Lors des grands rassemblements, qu’elles soient de route, de courses, prestigieuses, populaires, ces autos engendrent de la Passion.

La Passion se mesurait cette année au Mans Classic par la foule présente, je dirais au bas mot 300 000 spectateurs et par la qualité des plateaux.

Le Mans Classic 2023

Savoir vivre

L’observateur ne pouvait pas manquer de ressentir  ce grand écart en pensant aux barbares qui à l’extérieur pillaient, brulaient caillassaient leurs voisins et la Police au milieu d’une France calme alors que dans l’enceinte du circuit du Mans, dans une sorte d’extraterritorialité, au milieu de la fureur et des bruits assourdissants des moteurs, dans l’échauffement des esprits que la promiscuité pourrait faire naitre, régnaient le calme et la sérénité, la bienveillance , la courtoisie et la civilité.

Les Porsche 917, les Bentley 29, les Bugatti 35, les GT40 et autres Ferrari 275 LM circulent dans les allées entre la prégrille et leur paddock, au milieu d’un public dense, les pneus frôlant au plus près les souliers des spectateurs sans un seul incident ni protestation de part et d’autre. Nous-mêmes, pour rejoindre le parking club sous la passerelle Dunlop, dûmes rouler durant un bon quart d’heure au milieu d’une foule compacte, mais bon enfant, chacun s’écartait aimablement à notre passage, tel le Tertre Rouge devant Moïse …. Pardon, telle la Mer Rouge. Formidable exemple de vivre ensemble, lorsque l’ensemble est harmonieux.

Quel autre évènement que Le Mans Classic pouvait fêter légitimement le centenaire des 24h du Mans ? Peter Auto a mis le paquet pour que la fête soit mémorable.

Le Mans Classic 2023
Porsche 908 © Jean-Paul Orjebin
Le Mans Classic 2023
Brian Redman Porsche 908 © Jean-Paul Orjebin

Benjafield’s Racing Club

A mon sens, le climax de l’évènement était la réunion et la course des 80 Bentley d’avant-guerre dans un plateau exceptionnel créé pour l’occasion avec le Benjafield’s Racing Club. Pour info, Dudley Benjafield a gagné les 24h du Mans 1927 au volant d’une Bentley 3 litre-Supersport. Il est aussi le fondateur du très chic BRDC (British Racing Drivers Club) dont tout passionné rêve de porter le logo cousu sur sa combinaison de course. La présence de celle qui a participé aux premières 24h du Mans en 1923 et qui les a gagnés en 1924 est un joyau qui méritait l’écrin du centenaire et vice-versa.

Le Mans Classic 2023
Bentley © Christophe Rabreau

Le premier tour de la course organisée pour ces Old Ladies fut un enchantement, sur la piste les 80 paraissaient être 200, l’impression de puissance hors d’Age qu’elles dégagent lorsqu’elle court isolée est déjà impressionnante mais à plus de 80 c’est à la fois le D-Day et un verre de Bas Armagnac 1935.

Le Mans Classic 2023
Bentley © Christophe Rabreau
Le Mans Classic 2023
Bentley © Christophe Rabreau

Le Mans Classic est composé de plateaux en fonction des millésimes, chaque plateau a son paddock dans lequel le bonheur est de trainer, d’observer, d’écouter, de sentir.

Lanvin et Avezou ou les ailes de Classic Courses

Dans le paddock du plateau 5, véhicules millésimés 1966 à 1971, nous ne pouvons pas éviter un box occupé par une superbe BMW 2800CS portant les couleurs de Classic Courses. La rencontre avec les pilotes se trouve par conséquent facilité. L’un des deux, Jean-Marc Avezou nous raconte l’histoire de l’équipage, née d’une amitié forgée au golf.

Hubert Lanvin – Jean-Marc Avezou – BMW 2800 CS © DR

Jean-Marc, pilote amateur chevronné que notre redac’chef avait rencontré aux 10000 tours du Castellet il y a quatre ans, a poussé son ami Hubert Lanvin à s’essayer au sport automobile et suivant un credo inspiré par l’expérience, l’a convaincu de commencer par des modernes avant de s’attaquer aux courses en historique. C’est donc ce que son ami a fait, fréquentant les circuits et la série Fun Cup.

Mais le vrai projet était l’historique et en 2022 ils s’inscrivent au Tour Auto 2022 à bord d’une BMW 2002 Ti louée et préparée pour l’occasion. Tout se passera bien, avec un classement a la fin du deuxième jour plus qu’honorable puisqu’ils seront premiers de leur catégorie et de leur classe. Nous passerons vite sur le troisième jour où une erreur de road-book enverra nos amis au tapis, comme les 17 passés avant eux, la meule de foin a explosé et la BMW après ce tout droit marchait beaucoup moins bien … forcement ! 

Pensez-vous que cela puisse dégouter nos amis, pas du tout. Comme Hunt et son ami Hesketh voyant que James ne réussissait toujours pas en F2 après moults échecs en F3, firent le pari de se lancer en F1 et fabriquèrent ainsi un CdM, Hubert décida de continuer et cette fois d’acheter une auto. Attention dit-il a Jean-Marc, je veux une Allemande confortable et ils ressortent du magasin avec une superbe BMW 2800 CS 1969 qu’ils feront préparer par les ateliers ARES à Grigny pour le Tour Auto 2023. Peut-être trop préparée la BM, elle est difficile à maitriser 300 ch mais rien avant 5500t/mn, défaut de pompe à huile, sur le premier circuit, Dijon, ça déjauge, un bruit bizarre, aïe ! une bielle en vrac.

Dijon, c’était le premier jour du Tour Auto, abandon, Hubert comprend, admet que la course en ancienne n’est pas un chemin tranquille et exige que son préparateur dégonfle un peu son moteur pour obtenir une plage d’utilisation à taille humaine … il le fera, un peu à l’arrache pour Le Mans Classic où nous retrouvons nos deux compères entre les essais et la course. Pour dire vrai, les visages sont un peu fermés, le préparateur s’en est pris une bonne, la séance d’essais achevée et une forte perte de puissance due à une mauvaise alimentation d’essence, réparée certes en quelques minutes après la séance mais trop tard pour faire un temps et être totalement serein.

Le Mans Classic 2023
BMW 2800 CS © Jean-Paul Orjebin

La conversation avec ces deux pilotes est passionnante, l’un Jean-Marc blanchi sous le harnais de nombreuses années de courses sur terre, sur glace, sur route sur piste, ayant le rôle de coach sportif pour Hubert, propriétaire de l’auto mais rookie. Hubert Lanvin a réussi à mettre sa colère de coté pour affronter sa première course, il avoue avoir un peu la trouille. Pas pour lui, il a confiance en la structure de l’auto qu’il voulait solide, résistante mais il a encore un doute sur ses capacités à rouler en peloton, dame on est au Mans, entouré de Lola T70, de GT40, de 917 et de petites Chevron que l’on aperçoit à peine dans le rétro lorsqu’elles vous doublent. A la fois, la trouille et la curiosité de mettre en œuvre ses techniques de golf, sentir son corps en entier et réagir calmement en fonction, regarder l’objectif plutôt que la balle, tout ça ressemble bigrement à la règle de pilotage, regarder à l’avance le point de corde et l’endroit où l’on doit placer ses roues. Ça va le faire Hubert. Jean-Marc discret observe son ami confiant, protecteur, il assurera les relais les plus critiques mais demande à son pilote en herbe de rouler, rouler, rouler pour se roder à la discipline.

Ce sera Hubert qui assurera le premier run, il s’en sort très bien et surtout prend un plaisir fou, au point d’oublier le pit Stop obligatoire et de laisser le cerceau un peu tard à Jean-Marc qui fera le dernier tour sous slow-zone.

La séance de nuit est confiée à l’expérimenté Jean-Marc qui perdra les freins au cours du tour rapide, sera gêné par une boite de vitesse récalcitrante, il n’y en a que quatre pourtant. L’équipage remonte au classement abordable à ce type d’auto : l’indice de performance. Jean-Marc est surtout content de pouvoir laisser son ami faire le troisième et dernier run dimanche après-midi et rallier la ligne d’arrivée à une belle troisième place à l’indice de performance. Ce qui les situe dans ce classement juste devant Belmondo quatrième et Pirro cinquième. (Voir résultats en fin d’article)

Je parie que nous reverrons ce tandem l’année prochaine sur une monture permettant d’aller chatouiller les grands au classement général, leur amitié, complicité et leur complémentarité va payer, le talent fera le reste, c’est Hunt et Lord Hesketh, j’vous dis.

Le Mans Classic 2023
Hubert Lanvin – Jean-Marc Avezou – BMW 2800 CS © Jean-Paul Orjebin

La suite est moins drôle ; sortant du circuit à moto, Jean-Marc s’est fait renverser méchamment et s’est retrouvé aux urgences avec une minerve en place de Hans, à l’heure où nous écrivons l’article, il est sorti et rentré chez lui, la moto en revanche… !

Le Mans Classic 2023

Delage et Tapie

Dans le village constructeur, Peter Auto propose un étrange voyage dans le temps, Porsche, Alfa-Roméo, Ferrari, Lancia, BMW, Maserati et Bentley présentent un modèle historique flanqué de son pendant moderne, Une sublime 250 LM et une efficace 499P pour Ferrari, mais ce sont les deux autos Bleu de France qui nous attirent, une Delage des années 30 et une Hypercar impressionnante, le boss Laurent Tapie est dans les parages, il nous accorde un entretien.

Le Mans Classic 2023
Alfa Romeo © Jean-Paul Orjebin
Le Mans Classic 2023
Bentley © Christophe Rabreau

Il nous confie son amour immodéré pour l’automobile et ce depuis l’âge de 3 ans où il poussait à fond les miniatures que ses parents lui offraient, sa passion pour les sportives lui a fait connaitre les plus grands plaisirs au volant de Ferrari, Porsche, Lamborghini, McLaren et Aston Martin, notez bien l’ordre, après avoir acheté, testé, utilisé, écumé toutes les routes et autoroutes de France et du monde, c’est son hit-parade.

Une fois vendue une affaire florissante, l’homme d’affaires décide d’investir dans l’idée, à priori saugrenue, de construire une Hypercar française. A l’époque, il en parle à son père qui lui conseille d’abandonner ce projet casse-gueule, mais notre homme ne lâche pas l’affaire, c’est un Tapie.   Il nous avoue une culture un tant soit peu superficielle de l’Histoire de l’automobile mais se rend compte, Bugatti étant déjà en main, qu’il reste une marque prestigieuse française qui mériterait de renaitre : Delage. Sa décision est prise, il évoque malgré tout le sujet avec son père Bernard qui brusquement change de ton et reconnait que la Marque et l’associer au Bleu de France, ça a une sacrée gueule.

L’accord est passé avec l’Association des Amis de Delage, propriétaire de la marque, cette dernière ayant été apportée à l’Association par Patrick Delage. A propos d’associés, ils sont vite trouvés, même si c’est symbolique, le Patron veut garder l’entier pouvoir de décision, ce seront entre autres, François Henri Pinault et Xavier Niel. Quand nous nous étonnons de ne pas trouver Bernard Arnault dans le carré d’as, Laurent se marre et nous dit l’œil pétillant de malice : « Arnault ? il n’aime ni le foot, ni l’automobile, on ne pourra jamais s’entendre » Bon d’accord.

Nous rentrons ensuite dans la technique, là c’est plus compliqué pour le qui fait quoi.  « Le moteur entièrement fabriqué par nous mais sur une base existante, c’est une 12 cylindre de 7,6 litres 1000 ch » avance Laurent Tapie. Nous tentons notre chance en lançant : Ah bon, quel est l’angle des deux rangées de cylindres ? Réponse dans un grand rire « 66°, mais ne cherchez pas, nous avons modifié l’angle de l’original » On ne le piège pas comme ça le garçon. Pour l’instant il y a une auto de construite et deux en fabrication. Il s’agit pour les dix employés et la quinzaine de sous-traitants, d’assemblage plutôt que de construction mais à partir d’octobre la mise en production châssis, moteur se fera dans les nouveaux locaux de Magny Cours, la Manufacture Delage. Production limitée à 30 modèles.  

Nous essayons de le taquiner en évoquant 2034 et l’interdiction du moteur thermique, encore un grand rire mâtiné de colère froide, sur un ton péremptoire, Laurent Tapie nous dit » Mais enfin, cela ne se fera jamais, vous verrez que toutes ces conneries vont être abandonnées, en France nous sommes les seuls à promouvoir cela, c’est une connerie ».

Nous lui souhaitons très sincèrement toute réussite dans cette extraordinaire affaire et de bonnes ventes, il est confiant, c’est dans les gènes.

Le Mans Classic 2023
Laurent Tapie et la Delage D12 © Jean-Paul Orjebin

Le Mans Classic c’est aussi …

Le Mans Classic, c’est un parking, un terrain de jeux, un immense camping, à partir de 23h une boite de nuit, une concentration des plus belles voitures de Courses du monde, un restaurant géant, un lieu de rencontres pour les passionnés qui s’y retrouvent avec bonheur tous les deux ans et aussi un endroit où un investisseur propose à des milliardaires une auto unique de 1000 ch.

Le Mans Classic 2023
4cv Renault 1063 © Christophe Rabreau
Le Mans Classic 2023
Ferrari 250 GT Passo Corto et Jaguar Type E © Christophe Rabreau
Le Mans Classic 2023

Reportage de Jean-Paul Orjebin

Pour voir les videos du site officiel Le Mans Classic, c’est ici : https://www.youtube.com/playlist?list=PLPWty8VEXJE4H88P-YS0mPSqLdqhB0YIK

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