18 décembre 2019

Il y a cinq ans, Jean-Pierre Beltoise… (1/7)

Il y a déjà cinq ans, le 5 janvier 2015, bien davantage qu’un grand pilote nous quittait.
Jean-Pierre Beltoise était, depuis les années 60, l’incarnation du renouveau du sport automobile français . Un talent. Une volonté. Une personnalité.
Pour lui rendre hommage, nous avons décidé de republier le témoignage émouvant de Johnny Rives.

Classic Courses


Et puis, un jour, ce moment tant redouté finit par se produire, la mort d’un frère. C’est peu dire qu’une partie de soi s’en va. C’est en tout cas ce que j’éprouve avec la disparition de Jean-Pierre Beltoise.

J’ai eu cette chance, au cours de ma vie professionnelle, de côtoyer de façon intime des pilotes de course avec lesquels je partageais la même passion. C’est elle qui nous réunissait, faisant de nous comme des frères. Jean-Pierre Beltoise était l’un d’entre eux, l’ainé.

Il fut le premier dans l’ordre chronologique. Il fut surtout le plus décisif car tout est parti de lui. Avec Matra d’abord, bientôt rejoint par Elf, et à la tête de ces entreprises les deux grands capitaines que furent Jean-Luc Lagardère et François Guiter. Tous ont disparu aujourd’hui, laissant des vides béants dans l’histoire de la course automobile française. N’oublions jamais de rendre honneur à leur mémoire.

Johnny Rives

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6 – Jean-Pierre Beltoise : Monaco 1972
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Cet hommage à Jean-Pierre Beltoise en 7 épisodes, a été publié pour la première fois le 6 janvier 2015.

Mort d’un frère

Frères, Jean-Pierre Beltoise et moi l’étions depuis nos 15 ans sans même le savoir. L’éloignement nous en empêchait. La distance entre sa maison familiale, à Orly, et la mienne, dans le sud. Mais nos élans étaient les mêmes. Ils le furent dès cette année-là, 1952. Des élans puisés à travers un homme que nous ne connaissions ni lui, ni moi. Un pilote de course. Il s’appelait Jean Behra.

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J’en avais vu une image fascinante aux actualités cinématographiques. Sa Gordini monoplace de couleur claire filant à grande vitesse dans une ligne droite du circuit de Reims. L’opérateur devait utiliser un gros téléobjectif. Cela lui avait permis, en la cadrant de façon serrée, de faire un magnifique panoramique de très loin. Probablement depuis les grandes tribunes jusqu’à la ligne droite connue alors sous le nom de « route de Soissons », au-delà d’un champ de blé. Les épis masquaient le bas du fuselage, et le suivi de la caméra produisait, grâce à eux, un effet de vitesse concret. L’habitacle, encore échancré à cette époque, permettait le voir le pilote dans sa position assise, les bras à demi fléchis accrochés au volant. Son casque blanc était orné d’une bande à damier noir et blanc qui l’encerclait.

Une admiration commune

Jean Behra avait soulevé de l’enthousiasme en gagnant à Reims, cette année-là. Les actualités en témoignaient. On était début juillet. Quelques semaines plus tard, les mêmes voitures qui avaient couru à Reims – rouges Ferrari, bleues Gordini, vertes HWM – se mesuraient de nouveau mais sur un tout autre circuit, à La Baule. Jean-Pierre s’y trouvait en vacances. Son frère Jean-Claude et lui  ne pouvaient manquer une telle aubaine : assister à un nouvel affrontement de Jean Behra et de ses équipiers de chez Gordini, Maurice Trintignant et Robert Manzon, contre les irrésistibles Ferrari emmenées par l’Italien Alberto Ascari. L’illustre et invincible Ascari. Invincible sauf à Reims où Behra avait gagné.

Jean-Pierre Beltoise
Jean Behra @ DR


La confrontation de La Baule fut sublime. Elle laissa des images ineffaçables dans la mémoire de Jean-Pierre. Qui n’eut plus qu’une idée en tête : faire comme Behra, suivre son exemple, s’en inspirer pour devenir pilote de course. J’étais dans le même état d’exaltation. A une nuance près. Ma rencontre avec Jean-Pierre Beltoise, dix ans plus tard, la mit en évidence : pour moi, il s’agissait d’un rêve. Pour lui c’était un objectif.

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Une jeunesse marquante

Quand on s’est rencontrés nous étions encore jeunes, mais bien des événements nous avaient marqués. Le lycée pour commencer. Les études, aussi fastidieuses pour l’un que pour l’autre. En bon « Parigot », Jean-Pierre était allé à Condorcet. Puis, bien plus sérieux que les années de lycée, il y avait eu l’appel sous les drapeaux. C’était l’époque de la guerre d’Algérie, près de deux ans et demi de service militaire dans des conditions extrêmement difficiles. J’en étais revenu abasourdi, presque anéanti. Lui avait une carapace plus forte. En outre, peut-être avait-il subi des coups moins forts que moi ? Quand il retrouva la vie civile, son objectif n’avait pas changé. Il voulait toujours devenir le Jean Behra qu’il avait tant admiré à 15 ans. Et qui, hélas ! s’était entre-temps tué en course. Cela, pas plus que la guerre d’Algérie, n’avait rien changé à son projet : devenir pilote de cours. En commençant comme Behra. Par  la moto.

Jean-Pierre Beltoise Magny Cours 1962 Morini 175 @ Archives personnelles JP Beltoise


J’avais opté pour une autre voie : le journalisme. J’avais 19 ans quand mon nom apparut au bas de quelques articles de la page des sports du quotidien République à Toulon. L’algèbre, la géométrie et la trigonométrie que j’affrontais alors en mathélem étaient éclipsées par mon bonheur d’écrire des articles. Paul Frère, un journaliste belge que je ne connaissais pas encore m’avait montré la voie : il avait accédé aux circuits de vitesse par le biais de son métier. Je voulais en faire autant. Soldat, j’envoyais au cours de mes 28 mois d’armée mon dernier article de République à un rédacteur en chef de L’Equipe, Pierre About. Chance, il me répondit ! Nous échangeâmes plusieurs lettres au fil de mon séjour en Algérie. Au bout duquel il accepta de m’engager à L’Equipe.

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Comme des frères

Quelques mois après mes débuts, Pierre About me dit : « Venez avec moi, je suis avec Georges Monneret. Il est accompagné de deux jeunes gens qui aimeraient vous rencontrer. » Georges Monneret était « LA » figure du sport motocycliste en France à cette époque. Pour deux raisons, son palmarès et son entregent. J’étais flatté qu’il veuille me présenter à deux de ses protégés. Ils s’appelaient Jean-Pierre Beltoise et Jean-Paul Behra. Ce dernier n’était autre que le fils du grand Behra, l’homme qui avait joué le précieux rôle de catalyseur dans nos passions communes.

J.Rives JP Beltoise F Cevert @ Fonds Johnny Rives


Voilà comment les circonstances ont fini par nous réunir, nous les frères que nous n’allions pas tarder à devenir. On était en 1962 et Jean-Pierre Beltoise avait déjà une petite célébrité : comptant deux titres de champion de France moto à son actif, il était à l’orée d’une carrière pleine de bruit et de fureur, de gloire et de tragédies.

(à suivre)

Retrouvez le témoignage dans son intégralité dans « Beltoise comme un frère » par Johnny Rives paru aux éditions du Palmier .

https://www.editions-palmier.com/beltoise-comme-un-frere-biographies,fr,4,lautodro037.cfm

A lire aussi : On a lu : Beltoise, comme un frère – Johnny Rives

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