C’est un livre d’amitié, de fraternité même que vient de publier Johnny Rives sur son ami et, en quelque sorte, frère d’armes qu’était Jean-Pierre Beltoise. Un an après sa disparition si soudaine, au tout début d’un 2015 qui restera pour bien des raisons annus horribilis, le souvenir de « JPB » est toujours vivace chez tous les passionnés de sports mécaniques. Car Jean-Pierre, à l’instar de son idole de jeunesse Jean Behra, mais aussi de ses contemporains John Surtees et Mike Hailwood, qu’il côtoya sur les circuits, avait été d’abord coureur motocycliste, avant de passer à l’automobile.
Jacques Vassal
La carrière de Jean-Pierre sur quatre roues fut belle et brillante même si, pour diverses raisons que notre ami Johnny rappelle au passage avec beaucoup de clarté (et notamment l’accident de Reims en 1964, dont Jean-Pierre maîtrisa les séquelles avec un immense courage), elle ne fut pas aussi éclatante que l’homme le méritait.
Mais elle n’en est pas moins émaillée de quelques très grands moments, parmi lesquels la toute première victoire internationale de Beltoise en Formule 3 (sur Matra, à Reims, en 1965), ou encore les débuts de Matra en Formule 1, en 1968, avec un V 12 « maison » et la MS 11 d’usine, ainsi qu’avec l’écurie Ken Tyrrell et le moteur Ford-Cosworth V8 sur la MS 10, puis en 1969 avec la novatrice MS 80.
Dans chaque cas, Jean-Pierre joua un rôle majeur : au Grand Prix des Pays-Bas 1968 à Zandvoort, sous la pluie, il se paya le luxe de placer la V 12 2e à l’arrivée, après avoir menacé le leader Jackie Stewart en personne ! Avant cela, au Grand Prix d’Espagne, demandé par Ken Tyrrell pour remplacer Jackie Stewart blessé, Jean-Pierre avait hissé la nouvelle Matra-Ford MS 10 à la 5e place. En 1969, intégré à l’écurie F 1 de Ken Tyrrell aux côtés de Stewart, il fit mieux que seconder le champion écossais. A Charade, au Grand Prix de France, Jean-Pierre livra un combat homérique à Jacky Ickx (alors sur Brabham-Ford), à qui il ravit la 2e place grâce à une manœuvre habile et audacieuse.
Avec les prototypes Matra V 12, et son ami Henri Pescarolo entre autres, Jean-Pierre signa d’autres exploits, comme le doublé victorieux au Tour de France 1970, après un redémarrage d’un V 12 crachant l’huile, par un froid matin au Mont Dore. Beltoise savait dans de tels moments parler à la mécanique, qu’il « sentait » depuis ses années de courses à moto (anecdote personnelle : au début 1964, la toute première interview de ma vie, pour Périscope, un journal d’une maison de jeunes ronéotypé à 500 exemplaires, Beltoise me recevant chez lui à Paris, enfin chez ses parents, rue des Pyramides, il courait encore à moto et déjà en auto, me confia très sérieusement avoir une approche « scientifique » de la course).
Tous les jolis épisodes de la carrière de Jean-Pierre sont détaillés au fil des pages écrites par Johnny Rives avec le style alerte qu’on lui connaît, toujours aussi clair et précis sur les secrets techniques, humains et autres de ce sport, mais jamais pédant pourtant, ni partisan. Ce qui n’est pas facile lorsque l’on raconte la carrière d’un ami. A cet égard, l’un des plus beaux chapitres du livre est celui consacré à la victoire de « JPB » au Grand Prix de Monaco 1972, sous une pluie battante et en devançant à nouveau Jacky Ickx (cette fois sur Ferrari 312 B), pourtant réputé maître du mouillé !
Dernier point à l’actif de l’auteur : la manière précise, documentée dont il raconte deux épisodes plus difficiles, dont l’un même dramatique : l’accident qui coûta la vie à Ignazio Giunti aux 1000 Km de Buenos Aires en 1971, et à propos duquel Beltoise fut injustement mis en cause – mais heureusement défendu par le directeur de course, Fangio en personne ! Et les premiers essais de la Ligier-Matra Formule 1, en octobre 1975, sur le circuit Paul-Ricard, à l’issue desquels Jean-Pierre fut évincé, de manière plutôt cavalière, au profit de Jacques Lafitte (auquel Beltoise, faisant la part des choses, n’allait d’ailleurs pas en vouloir).
La biographie est un genre difficile en soi. Celles des pilotes ne sont pas toujours convaincantes. Ce livre, qui est plutôt un portrait vivant, évite tous les écueils du genre. Autant vous dire que sa lecture est chaudement recommandée.
(« Beltoise comme un frère », par Johnny Rives ; éditions du Palmier, 168 pages,15 euros).
https://www.editions-palmier.com/beltoise-comme-un-frere-biographies,fr,4,lautodro037.cfm
Lors de ce fameux GP d’Espagne 1968 au volant de la Matra de Stewart, Beltoise avait surtout mené la course et signé le record du tour.
Oui, surtout, merci à Marc de le préciser ; JPB aurait pu gagner ce jour-là, sans cette satanée fuite d’huile.
Autre précision : 312 B2 pour Ickx à Monaco en 1972.
Que dire de plus sinon répéter tout le bien que je pense de Johnny Rives, de son (ses) livre(s), et bien sûr de JPB !
Messieurs :
le parcours de JPB est suffisamment beau tel quel et n’ a pas besoin qu’on en rajoute certainement dans l’euphorie du moment .
Je corrige donc une partie de ce texte par ailleurs excellent
A Zandvoort en 68 JPB n’a jamais menacé JACKIE :
à un moment il était certes second à 10 secondes mais deux tete à queue à TARZAN l’ont éloigné et il a fini à plus d’1 mn 30 secondes soit un bon demi tour sous la pluie à Zandvoort .
Après une lecture attentive et passionée de ce livre, celui-ci a pris sa place naturelle dans ma bibliothèque automobile au coté de « Défense de mourir ».
Ironie du sort ou du hasard, je n’ai jamais réussi à faire dédicacer son livre par JPB, ou je n’avais pas le livre avec moi quand je l’ai croisé ou j’avais le livre et je ne l’ai pas rencontré.
Eh bien cela commence pareil avec celui de Johnny Rives que j’ai manqué à Rétromobile.
Trés honoré d’apparaitre avec vous à la une de Classic Courses lors de la dédicace de votre dernier livre. J’ai découvert le sport automobile un peu plus tard que vous mais dans les memes conditions , avec les actualités cinématographiques précédant le « Grand Film ». C’était en 1961 pour le grand prix de Monaco: la lotus 18 ( Rob Walker) de Stirling Moss poursuivie par les Ferrari 156 de Richie Ginther et de Phill Hill était parfaitement filmée. Les carénages de sa monoplace ayant été retirés pour gagner du poids laissaient apparaitre le style si élégant de Moss. « The best race… Lire la suite »
J’ai acheté le livre sur le stand de Rétromobile, et j’ai eu le plaisir de pouvoir le faire dédicacer par Johnny Rives, mais aussi par Jacqueline Beltoise. Et j’ai été ébloui par le sourire de cette femme. N’ayant malheureusement pas eu l’occasion de croiser son mari dont j’étais fan absolu, je dois confesser que je garderai en échange un doux souvenir de cet journée.
» Ce ( l’accident mortel de GIUNTI ) fut un malheur inconcevable dont le principal coupable est resté impuni , comme fut épargné tout reproche à celui qui , s’il n’ a pas favorisé l’accident , n’a rien fait pour l’éviter . »
ENZO FERRARI
Piloti, che gente .
Avalé, dévoré, bouffé en 2 jours c’était trop Johnny mais merci d’avoir partagé tes émotions avec nous
comme le disait si bien Jean Pierre: « Moi les gars je suis un pure sang! »
Il y a la fulgurance de la réalité de Kessel et d’Hemingway chez Johnny Rives, et la qualité de l’éditorialiste Robert Escarpit dans ces articles brûlés de la chaleur des gommes du dimanche .
Il y a surtout la connaissance de l’autre qui rayonne dans ce livre, comme seul Faulkner ou Capote auraient pu y parvenir s’ils avaient partagé la vie de JPB.
J’aurai tant aimé , Johnny, vous connaître ainsi en chroniqueur judiciaire pour parfaire vos écrits qui composent -fait rare ou unique dans le sport automobile – une œuvre à part entière .
Merci, Maestro.
J’ai eu la chance de rencontrer Beltoise à Magny Cours lors des Classic Days et je fus surpris de sa simplicité et de sa disponibilité. C’est un moment inoubliable. Le hasard fait que j’ai dégoté récemment chez un bouquiniste ‘le roman d un champion ‘ de Monsieur Rives également. Cela ne m’empêchera pas d’acheter ce nouveau livre. Merci