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L’éternité était à nous par Johnny Rives
Matra avait bousculé l’ordre établi en engageant dans le Tour Auto des prototypes conçus pour les 24 Heures du Mans. J’étais inclus dans cette équipe extraordinaire comme coéquipier de Jean-Pierre Jabouille qui devrait passer le relai à Henri Pescarolo lorsque nous arriverions à Pau.
Sur les routes étroites et encombrées de camions qui nous conduisaient de Bandol au circuit Paul-Ricard j’étais un peu tendu. Mais pas Jean-Pierre. Très attentif, il conduisait avec précaution. Il ne touchait jamais à l’embrayage et surveillait constamment les températures et les pressions du moteur. Lequel, conçu pour les Grands Prix de F1, ronronnait paisiblement dans notre dos.
La confrontation avec le circuit fut une formalité pour les Matra 650, irrésistibles sur une piste aussi roulante. Les autres étaient loin.
Alors, une longue étape vers l’ouest nous entraina direction Albi via la Camargue, les Cévennes et la course de côte du Minier. Nous la vécûmes comme dans un rêve. Tignasse au vent, visage barré de grosses lunettes, étroitement sanglés dans les baquets de nos extraordinaires prototypes, nous sentions la route se développer sous nos roues dans un feulement velouté. Jean-Pierre conduisait avec doigté, procédant en douceur avec le volant, le levier de vitesses. Il caressait notre Matra.
Face à nous, le soleil s’inclinait vers le couchant. Les paysages s’épanouissaient comme au ralenti tout autour. Notre route semblait évoluer dans des décors surnaturels. Dorés, les rayons solaires brillaient sur les feuillages, nous enivrant de leurs couleurs. Avec, dans nos oreilles, pour sublimer ces visions merveilleuses, le chant des 12 cylindres de notre moteur, mêlant mélodieusement les graves et les aigus. Jean-Pierre pilotait du bout des doigts, domptant la Matra en souplesse. J’étais dans un tourbillon enchanteur. Dans un univers irréel. L’infini était notre domaine. L’éternité. Nous ne l’oublierions jamais.
Adieu Jean-Pierre.
Johnny RIVES.
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Un autre grand (dans les deux sens du terme !) qui s’en va. Une autre de mes idoles de la F1 de la fin des années 70, début 80. Ici au Québec, nous nous souvenons de Montréal 1980. Cet accident qui a, dans les faits, mis un terme à sa carrière de pilote de F1. Laffite aurait-il remporté le titre en 81 si Jean-Pierre Jabouille avait été son coéquipier toute la saison ? La question se pose. Toutes mes condoléances à la famille et ses nombreux amis. Et merci à M. Rives pour le bel article.
En 1976 je suis accroché aux résultats du Grand Prix du Japon pour savoir si Lauda va être champion. J’entends les commentaires de Jabouille disant que Lauda a abandonné parcequ’il a eu peur. Lauda, pour moi l’incarnation du courage. Outré par ce propos, je raye Jabouille de la liste de mes pilotes ! 1977, 78, 79 je le suis, il lutte pour mettre au point cette Renault turbo, ce yellow tea pot, cette machine rétive pour finalement gagner. Gagner enfin. Et son Grand Prix qui plus est. Victoire quelque peu masquée par le fantastique duel Arnoux Villeneuve. Alors le respect… Lire la suite »
J’ai appris hier soir le décès de Jean Pierre et cela m’a fait l’effet d’une gifle : je ne le savais pas malade. J’ai suivi sa carrière depuis les années 68-69, en formule 3, et j’ai aussitôt éprouvé de la sympathie pour sa cause, sans doute en raison de son fair-play, de son talent et de sa détermination, peut-être aussi à cause du sort qui venait trop souvent contrarier ses performances. Je suivais avec attention ses courses et me suis enthousiasmé à chacune de ses victoires. J’ai particulièrement en mémoire celle de la finale du Championnat d’Europe de F2 en… Lire la suite »
Lire ce texte, c’est comme voir le soleil se lever pour la deuxième fois de la journée .
Merci Johnny pour cet hommage aussi délicat que l’âme du Grand blond
Le style du regretté Jean-Pierre Jabouille transcende celui de Johnny Rives, son hommage devient chanson de geste, c’etait mérité.
Merci Johnny pour cet hommage vibrant. J’ai eu l’occasion de rencontrer professionnellement Jean-Pierre Jabouille à quelques reprises dans la maison qu’il avait achetée sur le tard à proximité de Montfort-l’Amaury dans les Yvelines (chose marrante, il habitait de fait à quelques encablures de Laffite et Ducarouge). L’interviewer était toujours un plaisir car son esprit était extrêmement clair et analytique sur les faits passés. Je le savais malade, mais je ne pensais pas qu’il s’en irait aussi rapidement.
Le mot que j’associe spontanément à Jean-Pierre Jabouille, c’est « respect ». Il n’a jamais déchaîné les passions, positives ou négatives, comme un Beltoise, un Cevert, un Prost ont pu le faire. Mais il était unanimement respecté pour ses qualités techniques de pilote-ingénieur, un peu à la manière d’un Mark Donohue. Et c’est lui qui a défriché le terrain inconnu qu’était le turbo en F1, tous les pilotes qui ont gagné ensuite avec un turbo lui doivent beaucoup. Je n’ai pas assisté à sa victoire de Dijon en 79, je n’ai commencé à m’intéresser sérieusement à la F1 que six mois plus tard.… Lire la suite »
Mon père était ami avec Roger Loyer depuis avant guerre lorsqu’ils couraient sur les circuits à moto. Il m’emmena au printemps 1967 à son garage Auto Sport Service à Levallois derrière la Porte Champerret pour m’acheter une Lancia Fulvia. Roger Loyer lui conseilla une Alfa Romeo 1600 Sprint GT Veloce. Je lui en suis encore reconnaissant. C’est à cette occasion qu’il nous présenta Jean-Pierre Jabouille, jeune pilote auto qui vendait des voitures sportives à ses relations. J’étais loin d’imaginer qu’il allait faire cette carrière de très bon pilote jusqu’en F1…
Merci Johnny. Adieu au « Grand Blond »……..
Très beau texte, tant dans le style que dans l’émotion que Johnny Rives laisse transparaître.
Merci Johnny pour cette balade avec J.-P. Jabouille… et la Matra !