… mais qui n’ont pas. Elles furent aux avant-postes grâce à leurs qualités, mais n’ont jamais pu concrétiser à cause de leurs défauts. Nous en avons sélectionné douze, choix forcément subjectif qui suscitera sans doute remarques et débat.
Olivier Favre & Pierre Ménard
.
Vous pourriez aussi aimer :
Ces F1 qui auraient pu – 1e partie
Ces F1 qui auraient pu – 2e partie
.
On les vit plusieurs fois, voire régulièrement, en haut des grilles de départ et des classements. Ces F1 ne manquaient donc pas de qualités intrinsèques. Pourtant, jamais elles ne purent amener leur pilote sur la plus haute marche du podium (en championnat du monde du moins). Qu’il s’agisse de moyens insuffisants, d’un défaut de fiabilité ou tout bêtement faute d’un brin de réussite, la gloire d’une victoire en grand prix leur resta inaccessible. Arrêtons-nous pour quelques gros plans sur ces monoplaces qui sont restées dans l’ombre des stars. Moteur !
Brabham BT45B-Alfa Romeo, 1977, Mariage à l’italienne
En signant avec Alfa Romeo dès 1975, Bernie Ecclestone pensait avoir dégoté le 12 cylindres surpuissant qui allait enrhumer tout le monde, Ferrari compris. Des années plus tard, il suffisait d’en parler à Gordon Murray pour qu’il lève les yeux au ciel d’un air de dire « Mon pauvre monsieur » ! Car c’est à l’arrière de cette jolie monoplace que se situait le problème. Ce Flat 12 apparut dès 1976 comme lourd, compliqué, fragile et gourmand, excusez du peu ! En 1977, Carlo Chiti produisit un bloc plus compact à l’injection Lucas plus fiable que la capricieuse SPICA. Murray réussit de son côté à dessiner une auto fluide et basse, de sorte que la puissance brute du moteur milanais autorisa à croire en des lendemains qui chantent.

Malheureusement, l’écurie dut faire face en début de saison à la disparition tragique de son pilote numéro 1, Carlos Pace, et en fut un temps désorientée. John Watson prit le leadership à son compte et réussit quelques belles performances. Dont celles de Dijon, où il menait la danse quand son moteur désamorça dans le dernier tour, ou encore de Silverstone, avec un problème d’alimentation privant à nouveau l’Irlandais d’une victoire probable. La BT45B était une auto rapide promise aux plus hauts résultats, mais son moteur capricieux et vorace en décida autrement.
Ligier JS27-Renault, 1986, Les vieux fourneaux
Michel Tétu à la technique, Gérard Larrousse comme directeur sportif, le V6 Renault et les appuis du SEITA, du Loto, d’Elf et de Ricard (sans compter l’occupant de l’Elysée), Ligier, c’est plus que jamais l’équipe de France de F1 en 1986. Même si c’est au prix fort (il paye ses moteurs beaucoup plus cher que Lotus), Guy Ligier semble enfin avoir les cartes en main pour faire mieux qu’une énième « année de transition ». De fait, la JS27 apparaît immédiatement comme une voiture homogène et bien née. De leur côté, les plus qu’expérimentés Arnoux et Laffite (80 ans à eux deux !) font taire les mauvaises langues qui les jugeaient finis. Régulièrement qualifiés dans la première moitié de grille, ils signent plusieurs places d’honneur et luttent même pour la victoire à Detroit, où Laffite finit deuxième. Sans pouvoir concurrencer Williams, McLaren et Lotus, l’écurie vichyssoise est devant Ferrari.

Hélas, l’élan se brise à Brands Hatch, en même temps que les jambes de Laffite. L’équipe est désorientée, l’annonce du partenariat avec Alfa Romeo pour l’année suivante n’améliore pas les relations avec Renault, qui renâcle à fournir les ultimes évolutions de son V6. En outre, en proie à des soucis financiers, la Régie annonce son départ de la F1, tout comme Pirelli. Ambiance crépusculaire donc pour une fin de saison qui voit les Ligier casser régulièrement, réactivant ainsi les doutes quant aux capacités de l’écurie auvergnate à tirer le meilleur profit d’un moteur dont Lotus et Senna démontrent pourtant l’excellence à chaque grand prix.
Porsche 718, 1961, À bout de souffle
Le bref passage de Porsche en F1 en tant que constructeur fut une affaire de circonstances. Dérivée d’un spider sport, la 718 marchait bien en F2 qui allait devenir F1 en 1961. Les Anglais n’étant pas prêts, on se dit à Zuffenhausen qu’il y avait un coup à jouer. Avec Gurney et Bonnier au volant d’une voiture solide et éprouvée, on pouvait profiter d’un éventuel faux-pas des Ferrari 156. Sur le papier, ça tenait la route et Gurney acheva la saison à la 4e place du championnat, à égalité de points avec Moss. Mais sans jamais pouvoir faire mieux que la 2e marche du podium, à trois reprises. C’est à Reims que le coup passa le plus près, mais un quasi inconnu nommé Baghetti surgit pour sauver la mise à Ferrari.

Au-delà de ce manque de réussite en Champagne, la 718 souffrit d’une conception ancienne et dépassée. Encore équipée de freins à tambours quand toutes ses concurrentes étaient passées aux disques, son châssis l’apparentait aux VW Coccinelle et Auto-Union d’avant-guerre. On en était conscient chez Porsche et cette monoplace ayant déjà deux saisons dans les pattes n’était pas censée en faire une troisième. Schade ! la 787, une 718 évoluée, fut ratée et abandonnée après le deuxième grand prix de cette saison 1961. Quant au 8 cylindres en développement, il refusait obstinément de donner tous ses chevaux et on ne le vit donc pas de l’année. Il fallut donc se contenter d’un flat 4 qui pouvait rivaliser avec les 4 cylindres anglais, mais qui ne soutenait pas la comparaison avec le V6 Ferrari.
Alfa Romeo 183T, 1983, Piège en eaux troubles
Suite à l’aventure avortée avec Brabham, Alfa Romeo continua la F1 en 1979 sous sa propre identité. Mais avec les mêmes problèmes de fiabilité et de performance. Appelé à la rescousse en 1981, Gérard Ducarouge renversa la table et fit construire une voiture très fine au châssis entièrement en carbone. Il demanda l’étude express d’un bloc turbo et on en arriva à cette 183T mue par un V8 suralimenté. Ces brusques changements mal compris par la direction lui coûteront son poste en 1983. Et pourtant, le Français était dans le vrai !

Élégante, la 183T pécha par son moteur, surtout au niveau des turbos. Après un début de saison catastrophique dont Chiti profita pour faire sauter le fusible Ducarouge, la voiture commença à bien se comporter. Son heure de gloire faillit sonner sur le tracé sélectif de Spa Francorchamps où Andrea De Cesaris bondit en tête au départ et mena d’autorité durant la première moitié de la course. Jusqu’à un ravitaillement calamiteux qui le fit plonger en septième position, mais l’Italien ce jour-là inspiré remonta en deuxième place. L’effort demandé au V8 fut trop grand et une fumée blanche signa la fin de la démonstration. Ainsi put se résumer la saison de cette monoplace intéressante mais trop sujette aux aléas de son moteur, vieille antienne chez Alfa Romeo.
Ensign N176/177-Cosworth, 1976-77, Mo’ money
Sa présence dans cette liste peut surprendre car cette voiture ne fit jamais figure de vainqueur possible. Mais elle fit souvent mieux que figurer. Petite, maniable, constante dans son comportement, cette gracile monoplace était très rapide en entrée de virage et à l’aise sur la plupart des circuits. En outre, elle vit se succéder à son volant d’excellents pilotes : Amon, Ickx, Regazzoni, ainsi que Tambay en 77 sur la seconde voiture engagée par l’écurie Theodore dirigée par Teddy Yip. Avec à la clé plusieurs places dans la première moitié de grille, ce qui la distingue nettement de toutes les autres Ensign F1. Elle manqua même de peu deux ou trois podiums (Tambay à Zandvoort, Rega au Japon, tous deux en 77), faute de fiabilité.

La raison de cette fiabilité problématique était évidente : le manque d’argent. Celui qui occupe l’esprit en permanence et oblige à rogner sur tout. Au risque de la tragédie. L’Ensign était belle et performante, mais aussi fragile, voire dangereuse. Amon à Zolder et Anderstorp, Ickx à Watkins Glen, Tambay à Monza, autant d’accidents qui auraient pu très mal se terminer. Toute petite structure d’à peine dix personnes, mal servie par Goodyear et toujours à la recherche de dix pence pour faire une livre, Ensign réalisait des prodiges permanents pour se maintenir en F1. Compétence et passion étaient là. Sans doute peut-on regretter qu’en 1977, meilleure saison de l’histoire de la marque, Mo Nunn et Teddy Yip n’aient pas uni leurs moyens au sein d’une même entité.
Toyota TF105, 2005, Lost in translation
Le géant japonais fréquentait depuis longtemps les hautes sphères du sport automobile international et la F1 restait la dernière discipline à découvrir. Il le fit en 2002 avec une voiture entièrement construite par ses soins dans son entité européenne de Cologne. L’écurie progressa lentement au fil des trois premières saisons et ce n’est qu’en 2005 qu’eut lieu le déclic. Le duo expérimenté Jarno Trulli/ Ralf Schumacher termina l’exercice à la quatrième place finale en accumulant 88 points ! Mais sans jamais parvenir à la jouissance ultime de la victoire.

La TF105 était de la famille des monoplaces filant comme le vent sur les billards et encaissant mal les tracés bosselés. Malgré cette inconstance, des podiums et des poles furent signés et c’est en voulant pousser le bouchon plus loin dans l’optique de la victoire que l’équipe technique se perdit : rapides sur un tour, les TF105 exploitaient mal leurs pneus Michelin et devenaient délicates à piloter. Le mérite des performances réalisées revint aux pilotes qui réussirent des miracles pour emmener leurs monoplaces vers les bons résultats, mais jamais vers le meilleur.
A suivre …
Photo d’ouverture : A Zandvoort, Bonnier devance Herrmann – © DR