Rétromobile 2024
5 février 2024

Rétromobile 2024 – 1 : Une histoire en perpétuel mouvement

Rétromobile : Chaque année, au vu de la quantité – et de la qualité – du matériel présenté à Rétromobile, on se dit qu’il va être très difficile de faire mieux la prochaine fois. Voire plus modestement aussi bien… Et pourtant, cette fois encore, organisateurs, exposants, participants venus de partout ont franchi tous les obstacles pour faire de cette édition 2024 un nouveau chapitre d’une histoire en perpétuel mouvement.

Jacques Vassal

Rétromobile 2024, le Mans toujours

Notre première visite à Rétromobile , dès le mardi soir, débute sous les meilleures auspices : nous croisons… Jacky Ickx en personne, invité pour plusieurs raisons cette année, entre autres pour raconter au public ses aventures au Paris-Dakar. Mais tout de suite, c’est Le Mans dont il est question : le sextuple vainqueur se trouve en compagnie d’un vainqueur plus récent (sur Porsche) : Romain Dumas ! Le temps de quelques dédicaces et autres “selfies”, dont un effectué par notre confrère et ami Jean-Marc Tesseidre, on parle évidemment des 24 Heures.

Rétromobile 2024
Jacky Ickx – Jacques Vassal – Romain Dumas © Jean-Marc Tesseidre

D’autant que notre programme comprend un passage obligé au stand de l’Automobile Club de l’Ouest. Non seulement pour y admirer un des deux “tanks” Chenard et Walcker 1100 cm3 conçus par l’ingénieur Toutée qui brillèrent aux 24 Heures du Mans 1925, ou encore la Porsche 919 Hybrid victorieuse de l’édition 2016.

Rétromobile 2024
Tank Chenard et Walcker© Olivier Rogar – Classic Courses

Et bien sûr, ce soir-là, pour assister à la conférence de presse de Pierre Fillon, sous la forme d’une interview rondement menée par Bruno Vandestyck, speaker officiel des 24 Heures. Avant d’aborder les perspectives pour la course de 2024, les deux hommes se livrent à un bref retour sur la formidable édition 2023, celle du centenaire marquée en particulier par la victoire d’une Ferrari, la dixième de la marque dans la Sarthe mais la première depuis… 58 ans. “Une année magique”, selon le président de l’ACO, qui note des records d’affluence autour du légendaire circuit de la Sarthe, puisque 325.000 spectateurs ont vécu cette course. Si l’on additionne les foules drainées par les 24 Heures moto et celles des camions, plus Le Mans Classic, le million de visiteurs est aisément atteint ! A quoi on peut ajouter les 70.000 visiteurs du musée lors des trois semaines de l’exposition du centenaire.

Rétromobile 2024
Ferrari 499P © Olivier Rogar – Classic Courses

Bref, la passion de l’endurance sait aussi être populaire. Pour 2024, la liste des concurrents retenus sera connue après la réunion du 19 février prévue à l’ACO. Mais d’ores et déjà, on peut annoncer des constructeurs supplémentaires en catégorie “hypercars” (dont Lamborghini, Isotta-Fraschini et BMW) ou en GT 3 (dont Ford). La semaine des 24 Heures 2024 (dont la billetterie est d’ores et déjà pré-vendue en totalité)  sera aussi égayée par la course du Trofeo Lamborghini et par des concerts (parmi les têtes d’affiche, Louise Attaque le mercredi et Simple Minds le samedi), sans oublier la parade des concurrents en ville. Au milieu de tout ça, dans un objectif de réduction d’émissions de gaz à effet serre, les billets dits “Green Pass” ont le vent en poupe. Avec ces billets-là, les spectateurs peuvent de venir au circuit avec des navettes de bus en laissant leurs voitures à distance. Du côté de celles en course (lesquelles, selon Pierre Fillon, ne représentent que 1,3 % du total de CO 2 émis), le projet Mission H, une auto de course fonctionnant à l’hydrogène, présenté l’an dernier, est bien avancé et la voiture devrait être opérationnelle pour 2025. Affaire à suivre donc…

Mais les 24 Heures, si elles ont encore un avenir, sont et restent tout de même riches de leur passé. C’est ainsi que nous avons croisé Gérard Larrousse. Le co-vainqueur, avec Henri Pescarolo,  de l’édition 1974 sur Matra, fut plus tard l’un des artisans de la victoire de la Renault-Alpine de Jaussaud-Pironi en 1978 puis directeur sportif de l’équipe Renault en F 1.

Matra 670 © Olivier Rogar – Classic Courses

Croisé aussi Eric Hélary. Le vainqueur de 1993, avec Christophe Bouchut et David Brabham, sur Peugeot 905, en reste encore tout ému et nous a confié : “C’était formidable, ça oui ! Mais il n’y a qu’un ennui, c’est que j’ai gagné Le Mans dès ma première participation. Après quoi, je n’ai eu que des places de deuxième, deux fois ! Que voulez-vous, ça donne de mauvaises habitudes…” Mais la Peugeot 905 reste chère à son coeur… et au nôtre. Par sa beauté, son efficacité, ses performances mais peut-être, surtout, par son bruit. Une sorte de mugissement suraigu que nous classons sur le podium des plus beaux sons entendus au Mans, avec (ou après ?) les Matra V 12, évidemment, et les Mazda 787 B quadrirotor de l’édition 1991. “Tout à fait d’accord avec vous”, abonde Eric Hélary. “D’ailleurs, en lever de rideau de la course de 2023, j’ai été invité à faire quelques tours de démonstration sur la 905. Ce n’était pas la gagnante de 1992, qui reste au musée de Sochaux, mais sa soeur. Et j’ai retrouvé tout de suite mes sensations : les commandes, le son, le comportement de la voiture, tout… c’était exceptionnel .”

On veut bien le croire et d’ailleurs, on a vu…  et entendu !

Rétromobile 2024, sélection arbitraire

Forcément arbitraire, tant la richesse et la diversité de ce musée éphémère que constitue chaque édition de Rétromobile, notre sélection n’en va pas moins brasser des époques et des nations différentes. Car les constructeurs automobiles, au-delà du succès commercial et populaire évident pour le grand public (cf. cette année les anniversaires symboliques : les 90 ans de la Citroën Traction et – déjà ! – le demi-siècle de la Volkswagen Golf) ont toujours cherché l’excellence, par le biais du luxe parfois, de la performance souvent et des avancées techniques (cf. encore la célébration de la Lancia Lambda). La place manque ici pour rendre justice à toutes et à tous, mais voici notre choix – pleinement assumé :

Porsche 919 Hybrid 2016 – Rétromobile 2024

Porsche 919 Hybrid © Olivier Rogar – Classic Courses

Elle trônait, à côté d’un tank Chenard et Walcker de 1925, sur le stand de l’ACO et des 24 Heures. En 2016, Porsche était une fois de plus défié et par Audi, et par Toyota. Le constructeur japonais, lui, n’avait encore jamais réussi à s’imposer dans la Sarthe, en dépit de nombreuses tentatives, ayant débuté ici en 1985. Cette fois, les choses semblaient bien en main pour la TS 050 n° 5, parfaitement  pilotée par Sébastien Buemi, Anthony Davidson et Kazuki Nakajima. Las ! En tête à 5 minutes de l’arrivée, bouclant le 383e tour, le Japonais se trouvait immobilisé, pour une stupide panne de turbo, laissant la victoire à la Porsche 919 Hybrid de Romain Dumas/Neel Jani/Marc Lieb, qui osaient à peine y croire, pas plus que le clan Porsche, ni d’ailleurs les spectateurs médusés. Mais une victoire est une victoire…

Alfa Romeo 8 C 2300 B – Rétromobile 2024

Rétromobile 2024
Alfa Romeo 8 C 2300 B © Olivier Rogar – Classic Courses

Sur le stand Lukas Hüni, on est toujours sûr de trouver de l’exceptionnel. 2024 n’a pas failli à la tradition : avec entre autres une Bugatti 57 SC coupé Atlantic ressuscitée, une Maserati 250 F, une Aston Martin D B 3 S ou une Ferrari 250 GT berlinetta Competizione de 1961 qui fut pilotée par Ricardo et Pedro Rodriguez (victoire aux 1000 Km de Paris), nous jetions notre dévolu sur cette sublime Alfa Romeo, un chef d’oeuvre de l’ingénieur Vittorio Jano et, à notre humble avis, une des essentielles de toute l’histoire de la course. Rien que son moteur à 8 cylindres en ligne et 2 ACT et compresseur est une oeuvre d’art. Quant à la carrosserie, après avoir subi des transformations au fil du temps, elle est ici rétablie dans sa configuration d’origine. Tant mieux, car il s’agit du châssis 211018, vainqueur des 24 Heures du Mans 1932 avec Raymond Sommer et, plus brièvement, Luigi Chinetti.

Pegaso Z 102 B cabriolet Saoutchik – Rétromobile 2024

Pegazo Z102 B © Aguttes
Pegazo Z102 Barquette © Aguttes

Le stand Aguttes présentait notamment cette somptueuse réalisation du carrossier français Jacques Saoutchik, sur base de châssis et moteur Z 102. Et soulignait l’apport du constructeur espagnol du début des années 1950, avec un coupé Z 102 et une barquette compétition (deux prototypes furent engagés aux 24 Heures du Mans 1953 mais ne prirent pas le départ). Le moteur, conçu par Wifredo Ricart, était un V 8 de 3200 cm3 à 2 ACT, hélas fragile. Les Pegaso de route ne furent vendues qu’à quelques dizaines d’exemplaires et la marque disparut en laissant bien des regrets.

Mercedes W 114 pré-300 SL – Rétromobile 2024

Rétromobile 2024
Mercedes 300 SL Hobel 1953 © Olivier Rogar – Classic Courses

70e anniversaire oblige, Mercedes a sorti du musée de Stuttgart ce prototype remarquablement restauré. C’est le n° 11 d’une mini-présérie, qui annonçait le futur coupé célèbre par ses portières s’ouvrant vers le haut en ailes dites “papillon” (les Anglais disent “gullwing”, c’est d’ailleurs plus approprié car elles évoquent plutôt une mouette). Le prototype, déjà, ressemble plus à la future version de production, qu’au coupé victorieux au Mans en 1952 avec Lang et Riess, dont ce dessin s’écarte. A vous de juger… En tout cas, le moteur est toujours et déjà ce bloc à 6 cylindres en ligne et injection de 2996 cm3 et, pour l’ensemble, tout le monde s’accordera à dire que cette auto aura marqué son époque et au-delà.

Jaguar C Ecurie Ecosse – Rétromobile 2024

Rétromobile 2024
Jaguar C Ecurie Ecosse – Fiskens © Olivier Rogar – Classic Courses

L’Ecurie Ecosse, en engageant surtout des Jaguar Types C puis D fut, en particulier dans les années 1950, une équipe très talentueuse – pilotes, mécanos, management – et régulièrement brillante dans les courses “Sport” du championnat britannique, mais aussi dans les grandes épreuves internationales d’endurance. A telle enseigne qu’il lui arriva de vaincre aux 24 Heures du Mans lorsque les voitures d’usine avaient failli (en 1956 Ninian Sanderson/Ron Flockhart, en 1957 le même Flockhart avec Ivor Bueb). Ici nous voyons la magnifique Jaguar C avec laquelle Ian Stewart s’illustra dans de nombreuses épreuves nationales. Un camion Commer transportant sur son toit une voiture de course (et à l’intérieur aménagé en luxueux camping-car) ornait ce même stand.

Itala Pékin-Paris 1907 – Rétromobile 2024

Itala 1907 © Olivier Rogar – Classic Courses.

Bien avant les rallyes-raids, africains ou autres, comme le Dakar, des hommes ont osé organiser (et d’autres disputer) une course devant rallier Pékin à Paris. C’était au printemps 1907. Le journal Le Matin avait lancé l’idée et cinq concurrents relevèrent ce défi insensé : la distance était de 15.000 kilomètres, à travers notamment le désert de Gobi, la Sibérie et la Russie, sur des routes parfois inexistantes, sans reconnaissance préalable ni assistance ! Au terme d’une épreuve qui prit l’allure de véritable épopée, aux péripéties invraisemblables, ce fut l’équipage italien du Prince Scipion Borghese (avec son mécanicien Ettore Guizzardi et Luigi Barzini, journaliste embarqué) qui,  au bout de deux mois de course, rallia Paris avec une avance de… quatre jours sur ses poursuivants ! Le Museo Nazionale dell’Automobile (ex-Biscaretti Di Ruffia) de Turin nous a permis de redécouvrir cette Itala de légende : 4 cylindres, 40 CV, poids 2 tonnes !

MG Type K3 1937 – Rétromobile 2024

MG K3 © Gilles Fraval

N’en déplaise à nos chaînes de télé incultes en la matière, MG ne se résume pas à “un constructeur chinois de voitures électriques”. Des décennies durant, la firme britannique (ô combien !) produisit des voitures sportives à moteurs joyeusement thermiques. Bien avant les plus modernes et, pour nous, plus familières TC, TD, TF, MGA et MGB , voir les modèles profilés pour les records, la période d’avant-guerre fut souvent glorieuse, avec des autos la plupart conçues par Cecil Kimber. Le vaste stand de la rétrospective MG en proposait de nombreuses déclinaisons. Nous avons retenu cette K 3 de 1937. Il s’agit d’une 1100 cm3 à double ACT et compresseur. Le modèle disputa plusieurs fois les 24 Heures du Mans et remporta même l’Ulster Tourist Trophy 1933 aux mains de… Tazio Nuvolari en personne !

Renault KZ 1926 – Rétromobile 2024

Rétromobile 2024
Reanault KZ © Olivier Rogar – Classic Courses

L’allée menant au Pavillon 2 de Rétromobile est toujours réservée à une thématique particulière. Cette année, la rétrospective du Paris-Dakar. Le célèbre rallye-raid a sa légende bien bâtie, surtout pour les années où il reliait bel et bien Paris à Dakar. Car aujourd’hui… Bref, entre les autos transformées pour l’occasion, telle une DS hyper-raccourcie, la Lada Niva ou la Peugeot 405 T 16, mention spéciale à cette émouvante Citroën d’avant-guerre, la KZ, 4 cylindres à soupapes “tristement latérales” comme aurait dit Serge Pozzoli. N’empêche, elle était si fiable qu’elle put s’aligner au départ du Paris-Dakar le 26 décembre 1979, elle avait 53 ans ! Elle rallia l’arrivée (janvier 1980) et fut classée 71e sur 74. On tire son chapeau…

Ferrari 250 GT spider California – Rétromobile 2024

Ferrari 250 GT spider California © Artcurial

La traditionnelle vente aux enchères Arcturial, la plus célèbre de Rétromobile, présentait, une fois de plus, des dizaines de voitures (et quelques motos) de rêve, voire d’exception. Par exemple une Alfa Romeo 33 TT 12 de 1975 (ex-Willi Kauhsen) ou une Mondial 250 cm3 de Grand Prix de 1956. Pour le plaisir et pour la rareté et la beauté, nous avons sélectionné cette “star” incontestable : la Ferrari 250 GT spider California châssis long de 1958. Certains lui préfèrent le modèle à châssis court, apparu un peu plus tard, toujours avec le fameux V 12 “Colombo” de 3 litres, mais de toute façon le concept est sublime. Encore une auto qui aura marqué son époque.

Delage 15 S 8

Delage 15S8 1927 Rétromobile 2018 © Olivier Rogar – Classic Courses

Il faut remercier les Amis de Delage pour avoir présenté cette superbe auto de Grand Prix. La 15 S 8, modèle avec lequel  le constructeur et son pilote Robert Benoist remportèrent le Championnat d’Europe des Grands Prix en 1927, disposait d’un extraordinaire moteur 1500 cm3 à 8 cylindres en ligne, double ACT et compresseur. Elle est considérée par beaucoup de connaisseurs comme plus avancée, techniquement, que ses contemporaines Bugatti 35 par exemple. Toujours est-il qu’elle marqua les circuits de l’époque. Le prince Bira Birabongse en racheta un exemplaire qu’il fit évoluer au fil du temps (suspensions notamment) et put continuer à courir avec succès, notamment en Angleterre, jusqu’à la fin des années 1930. ( Voir article sur le championnat du monde 1927 ici : https://www.classiccourses.fr/magazine/delage_champion_du_monde_1927/

S.E.F.A.C. Grand Prix 1934/39 – Rétromobile 2024

S.E.F.A.C. Grand Prix 1934 © DR

Sur le stand Vintage à Montlhéry (prochain meeting les 12 et 13 octobre, pour les 100 ans de l’autodrome), on pouvait admirer cette monoplace unique. Elle fut conçue par l’ingénieur Emiile Petit (transfuge de Salmson) pour tenter, avec l’aide d’un financement d’état et d’une souscription, de reconquérir sur les circuits la gloire envolée des Delage et Bugatti. Le moteur était un 8-cylindres en ligne de belle facture, dans les canons de son temps. Hélas ! la voiture manquait et de performance et de fiabilité. Elle n’apparut qu’aux essais du GP de l’ACF 1935, à Montlhéry, avec Lehoux au volant, mais bien trop lourde et tenant très mal la route, elle ne prit pas le départ. Une version 3 litres fut inscrite au Grand Prix de l’ACF 1938 avec Eugène Chaboud au volant, puis une dernière fois en 1939 avec Jean Trémoulet, hélas toujours sans succès.

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