Patrick Tambay 1949 – 2022
Parler de celui qui a disparu pour en faire l’éloge ou parler de soi pour exprimer sa peine. Telle est l’hésitation qui s’insinue à l’annonce d’une aussi triste nouvelle. Patrick Tambay, le pilote, le gentleman, l’homme aux mille vies est mort aujourd’hui.
Pour avoir à plusieurs reprises évoqué avec lui cette issue que l’implacable maladie lui destinait, je sais qu’il avait résisté à la tentation d’abréger l’inéluctable naufrage duquel il était prisonnier. « J’aurais préféré disparaître au champ d’honneur, me disait – il, que de finir comme ça ».
Quelqu’un d’aussi résilient, combatif et courageux pouvait-il accepter un destin qui avait fait de lui un enfant béni des Dieux et refuser le sort qui semblait parfois s’acharner ? Sa vie d’homme n’était pas de celles qui optent pour le compromis. Dans l’épreuve il a aussi choisi de faire face. Jusqu’au bout avec une dignité qui forçait l’admiration de ceux qui savaient.
Rencontre

Parlerai-je de notre première rencontre avec Johnny Rives ? Dois-je évoquer cette réunion en Corrèze chez Jean-Paul Brunerie où nous jetions les bases de Classic Courses et où il était présent ? Cette réunion au cours de laquelle il avait exprimé son souhait que l’un de nos auteurs puisse s’intéresser à la réalisation de sa biographie, Jean-Paul Orjebin peut – être ?

De G à D : François Blaise, Patrick Tambay, Olivier Rogar, Jean-Paul Brunerie, Olivier Favre, Jean-Paul Orjebin, Francis Rainaut, Pierre Ménard, Mme Rainaut
Quand Yves Jouanny avait fêté les 50 ans de la « Remise » à Antraigues, en invitant tous ceux qui s’étaient illustrés au rallye de Monte Carlo, Patrick m’avait fait l’honneur de me proposer de l’y accompagner. Il avait fait ce rallye en 1972 au volant d’une R12 Gordini pilotée avec brio et acquis le respect de ses pairs dans cette exigeante discipline.

Les visites régulières faites au Cannet où il résidait nous donnaient la joie de partager un moment d’évasion autour d’un bon repas, il aimait raconter. Se raconter. Dans l’un de ses multiples rôles. Skieur. Pilote. Homme politique. Toujours avec un certain détachement, une pointe d’ironie et beaucoup d’humilité. Plus le temps passait, plus son désir de voir réaliser sa biographie devenait impérieux. Avec Massimo Burbi il avait produit « 27, The Ferrari years » mais cela ne concernait vraiment que les deux années passées à la Scuderia. Il avait tant d’autres choses à exprimer. Ni pour la postérité, ni pour la gloire. Mais pour ses enfants. Les deux ainés, Esti et Loïc qui vivaient loin de lui. Et Adrien, le fils qu’il a eu avec Dominique Chesnais et auquel il craignait de ne pouvoir tout transmettre.
Alors de proche en proche, il devint évident que je devais trouver une réponse à cette demande. Pour l’homme que j’avais appris à connaître et l’amitié qui s’était instaurée entre nous. Pour le pilote qui m’avait fait rêver. Pour celui qui savait qu’il ne pourrait mener seul cette tâche à son terme.
Rappelons-nous

Son engagement inattendu en CanAm. Son arrivée tonitruante en F1 en Grande Bretagne en même temps que Gilles Villeneuve, en 1977. Les résultats qu’il avait su engranger au terme de cette magnifique saison. Son titre CanAm.
S’en était suivi un contrat chez McLaren aux côtés du grand James Hunt. Ces années qui auraient dû être de lumière s’étaient avérées calamiteuses pour l’écurie. Et Patrick de me dire avec son sourire un peu fataliste « James Hunt aurait dû me montrer le bon exemple, mais il m’a montré le mauvais ! »
Son deuxième titre en CanAm en 1980 était le miroir d’une absence de perspectives nouvelles en F1. C’est pourtant là qu’en 1981 Theodore vint le chercher puis Ligier. Nouvelles désillusions. Puis nouveau départ vers les USA qu’il connaissait si bien depuis ses études à Boulder.

Il semblait perdu pour la F1 quand le sort qui s’acharnait l’y rappela pour remplacer son ami Gilles Villeneuve. En une demie saison chez Ferrari en 1982, aux côtés de Didier Pironi il fut en lutte pour le titre quasiment jusqu’à la fin.
Alors…
Pour ce rêve porté. Ces paroles justes. Ce courage. Réaliser son vœu était devenu le mien. Ma rencontre avec José Valli le permit. Patrick avait désormais son auteur. Je fis les présentations en juillet 2020. En décembre 2021 la biographie « Pilote et Gentleman » sortait.
Bien qu’affaibli Patrick était en forme lorsque nous la lui remimes. « Merci. Maintenant je peux partir en paix ». Inutile de dire que ces mots poignants nous marquèrent.

De Jean-Claude Killy à Alain Prost ses exemples, de Mario Andretti à Derek Warwick, John Watson, Jacques Laffite, Alan Jones, ses anciens équipiers en F1 tous loueront au cours de nos entretien son extrême droiture et son honnêteté.

On est parfois déçu par ses héros de jeunesse mais j’ai eu le bonheur de rencontrer en Patrick un être d’exception. Un homme dont l’exemple et l’inspiration qu’il prodigue rendent plus fort.
Je pense aujourd’hui à Esti et Loïc et je pense à Dominique et Adrien. Nul doute que le titre de champion FIA d’Adrien et l’annonce de la naissance de sa petite fille auront éclairci d’un grand rayon de soleil les dernières semaines de Patrick.
Je leur présente en mon nom et en celui des auteurs et lecteurs de Classic Courses mes condoléances les plus attristées.
R.I.P Patrick.
Merci pour ces quelques lignes d’hommage à un homme qui fut en F1 un vrai gentleman et sans doute le seul dans ces années 80 .
Condoléances à Adrien et sa maman .
Merci Olivier pour ces témoignages et une belle réactivité à cette triste disparition. Pour avoir eu l’honneur d’échanger 2 fois avec Patrick, j’espérais toujours le revoir plus en forme.
Paix à son âme.
Bel hommage ! Très mérité. La double carrière de Tambay (ski et course automobile) méritait les éloges. Mais à l’heure de résumer sa vie, je crois surtout qu’il attendait impatiemment de tirer sa révérence. Ruiné, parkinsonnien grave, presque oublié de tous les siens, il n’avait plus que ses chats à choyer, dans une austère pension. Elf voyait pourtant en lui un possible successeur de François Cevert. Doué, il fut le premier lauréat du Pilote Elf sur le circuit Paul Ricard, début d’un processus fulgurant qui le mena de la F. Renault à la F2 puis à la F1 chez McLaren.… Lire la suite »
Voix autorisée, car tu l’as côtoyé en qualité d’observateur- journaliste mais aussi comme partenaire lorsque tu étais RP chez Renault. L’homme était complexe, alternant les élans d’enthousiasme et les moments de doute, incontestablement plus porté vers l’élégance et la probité du sport que vers les subtilités -euphémisme- du business. Tu l’as dit, on en avait fait le possible successeur de François Cevert. Emporté en pleine ascension, Cevert nourrit encore fantasmes et idolâtrie cinquante ans plus tard. Tambay, lui, s’est éteint dans la douleur, l’austérité et l’oubli. Le contraste est poignant. Respect à ceux qui l’ont accompagné et qui l’ont soutenu… Lire la suite »
Luc, c’est bien joli, mais il n’est pas parti ni dans la douleur, ni dans l’austérité et l’oubli, C’est insultant. Le regard d’Eric Bath sur le pilote est en effet éclairé mais pour la suite, c’est l’ignorance. L’oubli d’une bonne partie du sport auto, bien sur, rien d’extraordinaire… Ensuite, il aura une vie d’adjoint de Mairie et de conseiller départementale bien remplie et très prenante etc… etc… En même temps tu dis merci à ceux qui l’ont accompagné ? Etrange comme paradoxe 😉
Luc, merci de supprimer « dans l’austérité et l’oubli » car les gens qui disent cela ne l’entouraient certes pas, en revanche c’est blessant, faux et injuste …
Je savais qu’il était malade mais je ne voulais pas imaginer que la fin était proche. Aussi l’annonce de sa disparition hier m’a-t-elle complètement pris au dépourvu. Même si j’ai aussi éprouvé une sorte de soulagement de savoir que son calvaire avait pris fin. Ayant eu la chance de le rencontrer en deux occasions, dont ce fameux week-end en Corrèze chez Jean-Paul Brunerie, j’avais pu percevoir et apprécier les qualités humaines de Patrick Tambay. Le qualificatif « gentleman » lui allait vraiment bien, il n’était en rien usurpé. Il est presque étonnant que quelqu’un comme lui, droit, honnête et bien élevé, ait… Lire la suite »
Mon affection pour Patrick était mêlée de remord, celui de ne pas avoir répondu à son souhait de l’aider à écrire cette biographie qu’il rêvait de publier avant de disparaitre. L’urgence qu’il m’exprimait correspondait à la lucidité qu’il avait du temps qui lui restait à vivre. Je ne m’en sentais ni la force ni la capacité et cela me navrait. Mon remord s’est transformé en soulagement quand le projet de – Pilote et Gentleman – est né, puis en admiration lorsque le livre fut publié. Ce matin, je vois l’expression du visage de Patrick, lorsque José ou Olivier lui tend… Lire la suite »
Patrick Tambay a fait preuve, encore une fois d’un courage énorme pour nous quitter sans aucune aide . Il faut savoir que la fin des personnes atteintes de Parkinson est très difficile et douloureuse.
Je l’ai vu courir depuis ses débuts en formule Renault , il restera comme un merveilleux pilote avec cette volonté permanente d’arriver en F1. Sa saison 77 sur l’ Ensign en est la preuve. L’année précédente j’étais à Nogaro pour sa magnifique victoire en F2, sa joie est un beau souvenir.
Qu’il repose maintenant en paix.
Toutes mes condoléances vont à sa famille.
Aucune aide ? N’importe quoi… Soyez rassuré, rien que moi, et pas que… j’étais là jusqu’à ses dernières heures….
Olivier tu as ecrit le plus bel hommage de tout ce que j’ai vu aujourd’hui … chapeau bas
Merci pour cet hommage à un homme , un vrai
Magnifique témoignage Olivier, en apprenant sa disparition tout à l’heure j’ai immédiatement pensé à toi …
Un grand Monsieur quitte la piste, les circonstances de sa disparition me font penser à cette du grand Hubert Auriol que j’ai eu la chance de côtoyer, lui aussi ne m’a pas déçu et je m’associe à ta peine ce soir.
Amitiés
Lolo
C’est splendide olivier.
Très émouvant