En octobre dernier, les 10 000 Tours avaient clôturé l’année Peter Auto. Un changement de date était prévu pour 2020. Le Castellet ferait désormais l’ouverture de saison.
L’épidémie est passée par là. D’avril, les 10 000 Tours ont ripés à juillet. Aux abords de la piste les mesures de précaution ont éloigné les spectateurs et sur piste, effet d’une longue intersaison, il y eut beaucoup d’imprévu.
Entre les rugissements de la piste et le silence du paddock, la part belle était faite aux cigales qui allaient jusqu’à couvrir les borborygmes des moteurs au ralenti.
Et quoi de mieux que le chant des cigales pour vous souhaitez, amis lecteurs, de bonnes vacances ?
Nous vous donnons rendez-vous début septembre !
Olivier ROGAR
Les 10 000 Tours portent bien leur nom. Dix plateaux. Des années 50 aux années 2000. Des voitures exceptionnelles. Et habituellement une ambiance détendue permettant aux spectateurs de déambuler dans le paddock. Pas cette année. Vous savez pourquoi.
Suivre tous les plateaux est une gageure. Nous nous sommes donc limités aux Fifties Legends, années 50, aux Classic Endurance Racing, années 60, et à l’Heritage Touring Cup, années 60 et 70. Alors oui, nous avons fait des impasses. Malgré notre faible pour les 911 2.0L, les groupes C des années 80-90 ou le « Greatest’s Trophy » qui regroupe certaines de plus belles voitures du monde. Vous les apercevrez tout de même, pour ces dernières, dans la vidéo ci-dessus.
Quelques pilotes ont bien voulu nous donner de leur temps et nous faire partager un peu de cette belle manifestation estivale.
Classic Endurance Racing – Gérard Larrousse
L’invité le plus prestigieux de ces 10 000 Tours est Gérard Larrousse. Un jeune homme dont il est difficile de croire qu’il fête cette année son 80e printemps. Pilote éclectique comme les années 60 et 70 ont su les fabriquer, Gérard Larrousse a gagné en rallye et sur circuit quantité d’épreuves majeures. Son parcours victorieux est associé à Alpine, Porsche et Matra, entre autres.
Du Tour de France Auto au Tour de Corse – ou inversement – en passant par la Targa Florio ou le Marathon de la route. Six titres consécutifs de champion de France des Rallyes. Plusieurs courses du championnat du monde d’endurance. Deux fois les 24 Heures du Mans pour Matra en 1973 et 1974, associé à Henri Pescarolo. Et deux titres mondiaux conquis pour Matra en endurance.
Un palmarès comme on n’en fait malheureusement plus…
Quand il décide de mettre un terme à sa carrière de pilote en 1975 c’est pour diriger Renault Sport. La marque remporte alors les 24 Heures du Mans 1978 avec Pironi et Jaussaud. Puis la première victoire d’un moteur turbo 1500 cc en F1 avec Jean-Pierre Jabouille. Lors du fameux Grand Prix de France à Dijon en 1979 où Villeneuve et Arnoux ont livré un combat d’anthologie. En 1983, le titre suprême est manqué de peu par Alain Prost face à une écurie Brabham soupçonnée de tricherie. Mais l’écurie Renault a l’élégance de ne pas vouloir gagner sur le tapis vert. Lorsque Renault quitte la F1 en 1985, Larrousse passe une année chez Ligier avant de créer sa propre écurie de F1 avec Didier Calmels. L’aventure s’achève en 1994.
Ce week-end il retrouve une Porsche RS 3.0L et la flamboyante Porsche 917 LH Martini à la décoration psychédélique. Il l’a menée à la deuxième place des 24 Heures du Mans 1970 en compagnie de Willy Kauhsen.
Classic Courses : Gérard Larrousse, quelle impression vous a laissé cette incroyable 917 que vous connaissez bien ?
Gérard Larrousse : La 917 « psychedelic » est en parfait état et marche très bien. Le moteur pousse très, très fort. Malheureusement les rapports sont même trop courts. C’est-à-dire qu’ici au Castellet il faut lever le pied trois fois, dans la ligne droite des stands, à la chicane et dans la ligne droite du Mistral après la chicane. Donc un peu gênant, c’est toujours comme ça qu’on risque d’abimer le moteur.
Sinon je ne me souvenais pas que la position de conduite était aussi difficile. A mon âge « avancé » je n’arrivais pas vraiment à pouvoir la conduire dans les virages car elle tient encore très, très bien la route et de ce fait la direction est très dure.
Dans le bout du circuit vers Sainte Beaume elle est extrêmement difficile à piloter. Parcequ’elle tient très bien. La preuve, elle a réalisé le 4e temps avec notre jeune coéquipier au volant.
Elle fait ce temps derrière des Lola T70 qui sont révisées, préparées avec la technologie actuelle et qui n’ont plus rien à voir avec les Lola de l’époque et qui tournent quasiment tous les dimanches qui plus est.
C’est une magnifique voiture. Il faut la préserver. La ranger au Musée ?
CC : Deux fois second au Mans sur Porsche 908 en 1969 et cette 917 en 1970, l’année où on annonçait les 380 km/h.
Gérard Larrousse : Celle-là en 1970 prenait 360 et la suivante en 1971, 390 km/h. Elles marchaient très fort ! Ce qu’on ressent dans la voiture, c’est que plus on va vite plus elle s’allège. Aérodynamiquement elle est très fine. A 300 km/h elle ne demande qu’à continuer ! Ce n’est pas une voiture qui a été faite pour avoir de la déportance, elle a été faite avoir le meilleur Cx possible. Nous, ce qu’on visait au Mans en 1970, c’était l’indice énergétique, qu’on a gagné. On aurait dû également gagner la course, si on n‘avait pas eu d’ennuis électriques à la fin. C’était la meilleure voiture pour gagner la course.
CC : On vous a également vu sur une 911.
Gérard Larrousse : Oui, la 3.0L RS qui est la voiture de mon ex-associé Didier Calmels. La rouge avec le sticker Auto-Hebdo. La voiture était super, super à conduire. Mais j’ai fait une course malchanceuse car je suis passé sur les débris d’une GT40 qui est sortie avant même le départ de la course, devant les stands. J’étais dans les 40e, je suis passé sur les débris et j’ai crevé. J’ai fait un tour au ralenti. Pneu arrière crevé, même explosé. Ca nous a ralenti. C’est la course… Mais la voiture était très bien. Et ce genre de voitures, je peux encore les conduire assez vite !
CC : Quels sont vos autres projets cette année ?
Gérard Larrousse : Les projets sont assez imprécis à cause du Covid. On ne sait pas ce qui va se passer. J’irai bien entendu au Mans. Je dois conduire la 917 en démonstration. Peut-être aussi la n°23 qui a gagné en 1970. Ensuite je suis invité aux Remparts mais je ne sais pas ce qu’il en advient. Charade aussi. Mais il y a de l’incertitude.
Classic Endurance Racing – Gérard Bacle
https://www.classiccourses.fr/magazine/entretien-avec-gerard-bacle/
En 2013, nous avions interviewé Gérard Bacle. Nous n’en changerions pas une ligne. Sauf une chose peut-être : il délaisse cette année le volant pour coacher un très jeune pilote.
« Gérard Bacle, volant Motul 1974, a fait de la compétition de 1969 à 1999 et parallèlement il a été instructeur, notamment à l’Ecole Winfield du Circuit Paul Ricard, de 1976 à 2010. De sa première compétition ; le Rallye du Mistral en 1969 à sa dernière saison avec le titre de champion de Formule France 1999, il a constamment mêlé les genres – circuit, rallye, monoplaces, berlines, GT, sports – la théorie et la pratique. Il ne le mettra jamais en avant, mais nombreux sont les futurs pilotes de F1 auxquels il a prodigué ses conseils. Homme de l’ombre et rouage essentiel de la compétition en France, il fait partie de ceux que les média mettent, malheureusement, rarement en avant. »
Classic Courses : Gérard Bacle quel est cette incroyable Corvette Greenwood ?
Gérard Bacle : On a une voiture très performante. On l’a vu ici aux 10 000 Tours il y a deux ans avec Jim Pla quand on était en tête des GT avant d’abandonner. Elle est toujours très performante. Un moteur fabuleux de pratiquement 700 ch. Le problème est que cette voiture est très proche de ce qu’elle était quand elle a participé aux 24 Heures Mans, en 1980. La mécanique est remise en état à chaque fois. Mais ce qui progresse, ce qu’on améliore, c’est la tenue de route. Par des amortisseurs actuels, par des réglages et surtout par des pneus actuels, très performants. Et ces pneus ont une telle accroche, incomparable avec ce que c’était à l’époque, qu’ils engendrent des contraintes mécaniques très fortes. Notamment sur la transmission. Et finalement tout a cassé…Les attaches de pont, le pont, les croisillons de l’arbre de transmission puis les arbres de roues, jusqu’au moment où on n’avait plus de pièces. On a plié bagages.
CC : Mais quelle est la solution ?
Gérard Bacle : La solution c’est soit de mettre des pneus moins performants de 2 secondes au tour, soit faire comme les autres et mettre des pièces modernes. Si on met un arbre de transmission mieux conçu avec des croisillons modernes ça fiabiliserait la voiture. Pareil pour le pont. Pour avoir une démultiplication correspondant au Ricard, on met un pont de série. Evidemment c’est fragile. Pourtant il a tenu assez longtemps. Et pour avoir un pont spécial avec le même rapport de démultiplication, il faut le faire fabriquer. Comme quoi il y a toujours des solutions. Avec de l’argent.
CC : Il y a eu beaucoup de casse ce week-end.
Gérard Bacle : Oui. Pour différentes raisons. Les voitures dans la majorité des cas sont restées stockées très longtemps, n’ont pas roulé, n’ont pas fait de déverminage. Par ailleurs les conditions étaient difficiles, il faisait très chaud et effectivement il y a eu beaucoup de casse. Pour nous, les gens qui s’occupent de la voiture sous l’égide de Patrick Caldentey sont extrêmement sérieux mais ces problèmes de transmission à répétition leur ont fait vider leur stock de pièces de rechange.
CC : Et vos deux pilotes ?
Gérard Bacle : Antoine Leclerc est déjà un pilote aguerri, qui a bourlingué, qui a fait pas mal de courses au niveau international. En GT entre autres. Quant au jeune Hugo Roch c’est un gars extrêmement doué. Il a fait du kart. Je l’ai accompagné en F4 pour le volant Feed Racing France. Il n’a pas gagné le volant faute d’expérience mais sous la pluie par exemple il était plus rapide que tout le monde. Très à l’aise. On les reverra !
Heritage Touring Cup – Philippe Robert
https://www.classiccourses.fr/magazine/historic-tour-2017-paul-ricard/
Philippe Robert c’est notre « Pilote du lundi ». Il nous a fait partager ses débuts avec son Alfa 2000 GTV et sa belle progression aussi. Progression validée par le maestro Gérard Bacle qui ne tarit pas d’éloges à son sujet. Philippe a couru en Groupe 1 puis en HTTC pour lequel sa voiture est préparée dans l’esprit Groupe 2.
Les 10 000 tours sont pour lui l’occasion d’affronter un exceptionnel plateau de Capri, d’Escort, de BMW 3.0 CSL ou 635 CSI, de Jaguar, de Triumph et même de…Mustangs, il est le seul de nos témoins à avoir terminé sa course. Malgré, lui aussi, de nombreux problèmes. De carburation. Depuis le début du week-end sa voiture désamorçait après quelques tours. Les pièces ont été changées mais le problème est demeuré. De même en course.
Un désamorçage total en fin de course l’a obligé à se mettre sur le bas-côté en attendant la fin de l’épreuve. Tentant machinalement un redémarrage, il a eu la surprise de voir son moteur reprendre vie. Il a rejoint la piste avec l’accord des commissaires. Pour finir avant dernier. Avec 3’30’’ perdues dans l’aventure.
Mais comme disait quelqu’un qui avait tout compris, ici comme ailleurs, il faut commencer par finir pour finir par gagner !