La passion, Marie – Christine.
Lorsque François Blaise, nous a écrit pour nous communiquer ces documents, dont le personnage central était sa soeur Marie-Christine, il nous a semblé que l’histoire ne pouvait qu’être contée par cette belle absente.
Classic COURSES
Salut p’tit frère,
On y est ! Dans quelques jours les moteurs vont rugir dans les Hunaudières et Le Mans sera en pleine effervescence pour une quinzaine. Ca doit rappeler des souvenirs au gamin de 15 ou 16 ans que j’adorais amener avec moi sur ces courses qui me passionnaient. Et qui ont fini par te passionner aussi.
De là où je suis, mon esprit vagabonde parfois, jamais loin de toi et de ceux que j’ai aimés. Tant m’ont rejoints depuis… Pas de chance cette néphrite. Ton rein m’a donné dix années de sursis et de bonheur. Pas de quoi profiter des seventies malheureusement. J’ai l’impression que vous vous êtes tous bien amusés avant que la parenthèse ne se referme…
Notre Papa pilote (d’avion) savait-il qu’il inaugurait pour nous une ligne directe Casablanca-Le Mans ? Je sais, encore un raccourci ! Mais les amis de Casa étaient si mordus de courses… Sans eux, en aurions-nous-entendu parler autrement que lors des accidents relayés par la TSF ?
Nous avons eu de la chance. Les vacances en France, les courses de côte, les Grands Prix, le Tour de France Auto…De belles rencontres. Des amitiés comme avec la famille de Richard von Frankenberg, le journaliste – pilote, chez laquelle j’allais en vacances.
Alors je suis devenue une habituée des stands Porsche. Aujourd’hui on dirait une groupie, mais ça n’a rien à voir. C’était des amis. Je me rendais utile, je prenais les temps, faisais des films, des photos, tenais le tour par tour. Non pas une groupie, quelle horreur !
Peu à peu j’ai connu tous les gens qui gravitaient autour de Porsche. Pas question de plaisanter avec Ferry, mais Wolfgang von Trips ne me laissait pas indifférente, je dois l’avouer. Et Hans Hermann, Edgar Barth, Huske von Hanstein, donnaient à cette écurie un air de famille plongée dans une grande aventure. Une aventure plus large que la vie. Une vie que nous avions le sentiment de croquer à pleines dents.
Tu t’en souviens, en 1956 ils m’ont invité au Mans. Quelle chance !. Sur le tableau de Walter Gotschke je suis assise à gauche et regarde Wolfgang et Richard en plein ravitaillement, pendant que passe sur la piste la Jaguar type D des futurs vainqueurs, Sanderson et Flockhart. Ferry Porsche est visible au fond. J’aime bien cette image. Mais j’étais active. J’ai tenu le tour par tour pour Wolfgang. Il a apprécié. Et m’a fait plaisir en me dédicaçant le livre de Richard : « Wolfgang von Trips, avec mon amitié pour une belle dame qui a aidé à passer [les] temps aux 24 heures du Mans. ».
Puis j’ai fait ce film avec la caméra 8 mm. Bon il faudra que ceux auxquels tu le montres pardonnent mon manque de maîtrise. Mais les connaisseurs d’aujourd’hui apprécieront peut -être ces images en couleur qui changent de celles en noir et blanc.
Les couleurs du soleil, du ciel, de la vie, de la vitesse et de la joie. Les images en noir et blanc me donnent toujours l’impression du danger et d’une ambiance triste. Comme si le soleil n’existait pas avant la couleur…
Incroyables ces départs sprintés…et l’étroitesse de la piste. Cette année la course avait eu lieu fin juillet du fait des travaux rendus indispensables par l’accident de 1955.
Tiens, Peter Collins ne conduisait pas pour « mon » écurie, mais on le voit bien sur mon film… De même que Claude Storez, Richard, Wolfgang, Olivier Gendebien, Maurice Trintignant…
Tout cela est fini maintenant. L’amitié, l’admiration, la joie de vivre l’éphémère ont cédé la place aux grands projets, au retour sur investissement et au marketing… Mais je suis fière de t’avoir passé le relai petit frère. Trente années comme Commissaire de piste à Monaco !…Tu devrais en parler à tes amis…
…Après le Mans !
Marie-Christine
Récit par François Blaise
Texte par Olivier Rogar
Photos film et documents famille Blaise
Magnifique reportage d’une infinie tendresse. Tous ces grands pilotes dont la plus-part allaient disparaître dans les mois ou les années suivants semblent si insouciants, si heureux. Au moins Marie-Christine est-elle en bonne compagnie avec les De Portago, Collins, Von Trips et en plus ça doit parler « clé de 12 » et pistons, je parie même que ça doit soit sentir l’huile de ricin là-haut. Et si c’était ça le paradis?
Récit très sensible, respirant l’authenticité.
Un document exceptionnel, merci. Quand je pense que j’avais quelques jours …
Combien de trésors de ce type dorment encore dans quelques armoires poussiéreuses de greniers obscurs ? C’est tout simplement merveilleux, même sans son. On peut l’imaginer, et même presqu’entendre le cliquetis du projecteur 8mmm dans la pénombre de la pièce où tous les visages sont tendus vers l’écran scintillant. Merci François Blaise de nous avoir communiquer ce document immortel.
Merci mille fois, chère Marie-Christine, pour ce film amateur, pas si amateur que ça d’ailleurs. C’est toujours pour moi un vif plaisir que de voir ou revoir les images des courses de l’ancien temps, images absentes par définition du seul poste de radio que mes parents possédaient en 1956… Lorsque j’aurai rejoint à mon tour le royaume des ombres, peut-être aurais-je la chance de vous y rencontrer pour évoquer ces belles histoires des 24 Heures du Mans…
Merci François, merci Olivier. Et surtout merci Marie-Christine, je n’ai pas oublié votre présence sur le photos du Nürburgring 1957.
Vu la qualité des articles récents et des intervenants sur CC, j’estime que l’élève est en train de dépasser le maître!
Pour JPS : quand l’élève rattrape voire dépasse le maître, c’est toujours un honneur pour ce dernier qui récolte en quelque sorte le fruit de son labeur!
Très beau texte illustré par ce remarquable film couleur qui capte la préparation de tous les grands pilotes des années 50 et reflète parfaitement l’ambiance de cette course qui venait de vivre en 1955 un drame sans précédent.
Beau texte, beau film, merci.