13 décembre 2013

Week-end of a champion

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Inside Jackie Stewart

Deux films sur la course automobile dans les salles obscures en trois mois ? C’est vraiment Noël avant l’heure ! Après Rush sorti en septembre, Week-end of a champion sera projeté sur les écrans le 18 décembre. A l’inverse du premier, c’est un docu. Mais quel docu !


Classic COURSES

La caméra est pCC WE of a Champion 2.jpgortée à l’épaule. Elle suit de très près la frêle silhouette qui se fraye un passage dans l’obscurité du hall de l’Hôtel de Paris. Quelques clients s’effacent… lumière ! En combinaison blanche et coiffé de sa fameuse casquette de marin, le champion du monde 1969 Jackie Stewart entreprend sous le soleil de descendre à pieds vers le circuit de Monaco, sa tendre Helen à ses côtés. Le pilote Tyrrell scrute le ciel : « Il va encore pleuvoir, regarde le ciel là-bas » lâche-t-il d’un air maussade à sa femme en désignant un vilain nuage noir accroché à la montagne au dessus de la Principauté. Un haut-parleur annonce l’imminence du départ du 29e Grand Prix de Monaco de Formule 1.  Le bruit de la foule et des moteurs que l’on chauffe enfle petit à petit, Jackie et Helen négocient un à un les passages réservés aux pilotes et d’un coup se retrouvent dans la descente de Beaurivage sous les acclamations du public massé sur les bords de la piste.

La caméra est toujours au plus près du pilote dans son habit de lumière qui salue en souriant tous ces fans heureux de voir de près leur héros. Belle comme le jour, Helen s’amuse de cette ferveur et engrange elle aussi un peu de cette énergie prodiguée par le public. Suivis par quelques officiels, le couple débouche sur l’avenue Albert 1er et marche tranquillement à côté des majorettes monégasques. Jackie signe des autographes, puis saute le muret pour se retrouver dans la « zone des  stands ». Qui, à Monaco, n’est ni plus ni moins que l’autre côté de la ligne de départ sous les pins. Les voitures sont poussées sur leurs emplacements, Louis Chiron agite frénétiquement son drapeau et… arrêt sur image. Retour trois jours plus tôt. Roman Polanski écoute avec la plus grande attention Jackie Stewart lui décrire avec son caractéristique accent écossais les tenants et aboutissants du Grand Prix le plus médiatique de la saison.

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jackie stewart,roman polanski,pierre ménard,monaco grand prix,tyrrell,classic courses,françois cevert,helen stewart,nina rindt,louis chiron,keith richardsStewart et Polanski sont amis depuis quelques années. L’auteur de Répulsion et Rosemary’s baby est un véritable fan de course automobile et, comme des millions de fans de par le monde, il s’apprête à vivre intensément ce week-end monégasque de mai 1971. Sauf que lui a l’extrême privilège de le partager dans l’intimité des Stewart. Pour être plus libre, il a demandé à un réalisateur de documentaires, Frank Simon, de tenir la caméra. Le projet sera produit par Roman et distribué auprès des diffuseurs l’année suivante. Malheureusement, l’époque n’est pas aux documentaires dans les cinémas et le film n’est montré que dans de rares endroits, avant de vite tomber dans l’oubli. Jusqu’à ce que quarante ans plus tard, Polanski récupère le master menacé de destruction et décide de le restaurer.

Avec l’aide de son fidèle monteur Hervé de Luze, il refait entièrement le montage (« Quand j’ai décidé de reprendre le projet, je ne pensais pas qu’il y aurait un tel boulot » !), le dynamise et le complète avec des images d’archives. Puis, il loue la suite de l’Hôtel de Paris où séjournaient Helen et Jackie il y a quarante ans et retrouve celui-ci pour discuter à bâtons rompus durant une quinzaine de minutes en fin de film sur cette époque folle où, dixit Jackie : « tout le monde avait des rouflaquettes longues comme ça ! C’était une époque… très mode (very trendy) ». C’est cette époque que la caméra omniprésente de Simon nous montre durant une heure et demie.

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Polanski le dit en voix off : Jackie est un peu une rock star en 1971 et le public l’acclame comme tel. Cette descente à pieds de Beaurivage en est l’exemple parfait. Mais c’est également un gladiateur qui descend dans l’arène, un combattant qui se rend sur le lieu d’un affrontement qu’il sait pouvoir se révéler dramatique. On lit dans les yeux d’Helen postée en chronométreuse sur le muret des stands durant la course cette angoisse sourde et diffuse qui ne cessera qu’à l’abaissement du drapeau à damiers. Elle en parle à Roman dans une séquence poignante tournée dans la salle à manger de l’Hôtel de Paris : la mort est là, on ne peut pas l’évacuer. Cinq de leurs meilleurs amis pilotes ont payé le prix fort de leur passion. Et puis il y a ces plans rapides sur le visage à la beauté triste de Nina Rindt que les Stewart ont emmené ici, pour la première fois depuis…

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Mais il y a aussi tout le reste, ces scènes d’intimité au petit déjeuner ou dans le stand Tyrrell, avec tous les acteurs de l’époque, le boss, les mécanos, les pilotes, les photographes (Salut Bernard !), les soirées mondaines de fête autour d’un brasero (Salut Ringo !), le petit salut amical de Fangio avant le départ.

On suit pas à pas le déroulement du week-end avec un Jackie tantôt facétieux qui explique à Roman comment Chiron manque à chaque fois de se faire écraser lors des départs, ou à l’aide d’une plaquette de beurre sur la nappe comment négocier au mieux un virage. Leçon mise en pratique avec un tour du circuit à bord d’une Fiat 500 « Multipla de plage » au tableau de bord en osier : « Attention aux trottoirs qui peuvent te bousiller une suspension ou crever un pneu, là il faut freiner à la plaque d’égout sinon t’es baisé, et ce tunnel si noir qui m’oblige à porter une visière orange ». Au moment où la petite auto pénètre dans le Tir aux Pigeons, le bruit enfle soudainement, réverbéré par la faïence tapissant l’endroit. Impression amplement confirmée plus tard avec un vrai tour filmé cette fois-ci à bord de la Tyrrell. Pas étonnant que Keith Richards ait choisi l’endroit pour suivre la course (1) !


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Week-end of a champion n’aurait pu être qu’un documentaire sympa offrant au fan conquis d’avance de belles images. Il est bien plus que ça, de par l’humanité qui se dégage de ces confidences, de ces rencontres, de ces discussions entre tous les participants à cet événement majeur. On comprend l’inquiétude de Jackie évoquant avec Ken Tyrrell l’inefficacité de sa Tyrrell sur le mouillé alors que la pluie menace de s’installer tout le week-end. On apprécie cette séance photo improvisée où Jackie accepte bien volontiers de poser avec le portier de l’hôtel qui lui avoue son admiration. On savoure l’échange d’informations entre Jackie et François sur le choix des rapports à adopter sur ce circuit si particulier. On déguste les mots doux susurrés par une Helen espiègle qui dépose un petit baiser sur la joue de son héros de mari. On aime cette alternance d’instants légers et de moments sérieux, voire graves, qui constituent la quintessence de ce film qui faillit pourtant disparaître pour toujours. A l’inverse de Rush, Week-end of a champion ne sera vraisemblablement pas distribué dans toutes les salles et sa durée de vie risque d’être assez courte. Est-ce vraiment la peine de préciser qu’il faut voir ce film ?

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Pierre Ménard


(1) En villégiature à quelques kilomètres de là dans sa fameuse villa de Nellcote à Villefranche-sur-Mer, le guitariste des Stones était venu assister à la course avec un groupe d’amis depuis le balcon d’un immeuble situé au-dessus de la ligne de départ, comme ça se pratique couramment à Monaco. Keith quitta discrètement l’appartement à un moment donné et réussit à se faufiler dans le tunnel du Tir aux Pigeons où il se posta pour voir les voitures passer. Et d’où il se fit vite virer manu militari par les commissaires furibards ! A son retour et à ses copains lui demandant pourquoi il avait été dans cet endroit interdit, il répondit en connaisseur : « Hey man, le son est réellement meilleur là-dedans » !

 

Week-end of a champion

Réalisation : Frank Simon

Production : Roman Polanski (en association avec Mark Stewart Productions)

Avec Jackie Stewart, Helen Stewart, Roman Polanski

92 mn


Sortie nationale : mercredi 18 décembre 2013


Crédits photographiques : © Pathé Films Limited & DR

 

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