Grand Prix International de Reims 1962
14 avril 2021

Petits compléments au « cadeau » de Gérard Crombac – Reims 1962

Les photos commentées ci-après constituent un deuxième complément au « cadeau » de Gérard Crombac dont il a été question dans une note précédente, et se rattachent, quant à elles, au meeting que le circuit de Reims-Gueux accueillit en 1962.   

Professeur Reimsparing

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Petits compléments au « cadeau » de Gérard Crombac


GP international de Reims F1, 1962 – Dimanche 

Grand Prix International de Reims 1962
1 Pavillon Lambert – Reims 1962 (c) Professeur Reimsparing

Dimanche – Le spectacle est de l’autre côté de la piste 

Intéressant petit groupe devant le pavillon de chronométrage « André Lambert », juste avant le « défilé » des pilotes et des voitures en direction de la grille.  

Mettons à part le profil enveloppé de Toto Roche,  qui n‘a rien d’inédit. 

Le personnage dégarni et en complet noir qui se situe presque exactement au centre de cette photo, et ce n’est que justice, n’est autre que le Maestro : Juan-Manuel Fangio en personne. 

Au premier plan du groupe, le grand jeune homme brun muni d’un pass et qui tourne la tête vers la droite est le pilote argentin Juan Manuel Bordeu, protégé de l’autre JM et dont certains laissent entendre qu’il pourrait exister entre eux des liens de filiation très étroits bien que non officiellement reconnus. Malheureusement, même si tel était le cas, les gènes n’avaient pas été transmis et le beau brun ne fera pas carrière. 

« Allez les Petits ! »  

Pour l’anecdote, le personnage en chemise à carreaux rouges et noirs, à la droite de JMF, est Roger Couderc, journaliste télé alors célèbre pour ses commentaires enthousiastes mais très peu objectifs des matchs de l’équipe de France de rugby (« Allez les Petits ») ! et qui, à l’époque, donnait également de la voix à l’occasion des matchs de catch (!) ainsi que  lors des (rares) retransmissions télévisées de course auto. Ayant interviewé Sir Stirling Moss à l’issue du mémorable GP de Monaco 61, il avait été assez étonné de s’entendre répondre (en français dans le texte !), après l’implacable triomphe de celui-ci face à la  Scuderia, qu’il n’aimait pas ces petites voitioures ! (sous-entendu : avec  leurs moteurs réduits à 1 500 cm3). Roger Couderc avait conclu : « curieux M. Moss ! ». 

Essais – Paddock 

Au cours des essais, j’avais, comme d’autres spectateurs lambda, spontanément accompagné JMF pendant une dizaine de minutes dans  sa déambulation improvisée au sein d’un paddock qu’il connaissait bien. C’est ainsi que je fus témoin d’un phénomène assez remarquable. Au fur et à mesure de celle-ci, et alors que l’intéressé  demeurait aussi modeste que  décontracté, un noyau de plus en plus dense se pressait (respectueusement) dans son sillage, dont les divers composants étaient manifestement conscients de côtoyer une légende, au point qu’ils paraissent prêts, tels des gardes du corps, à dégager son chemin de tout obstacle !  

Dimanche – Le « défilé » 

Grand Prix International de Reims 1962
2 Défilé – GP International Reims 1962 (c) Professeur Reimsparing

Cette année-là, le Triangle Magique avait abandonné sa traditionnelle et monopolistique appellation de « GP de l’ACF » à son collègue (et ami ?) le circuit de Rouen-les Essarts. Ce qui n’avait pas empêché Toto Roche de présider aux deux événements… Mais le  rituel du « défilé » y demeurait inchangé. 

Illustration des  instants peut-être les plus intenses vécus chaque année sur le circuit de Reims-Gueux depuis 1959 et l’accès aux loges de piste, dont la proximité immédiate avec cette dernière, jointe à l’excitation précédant le départ  qui n’allait plus tarder, pouvaient vous transporter quasiment en état de lévitation, oublieux du danger (mais y avait-on seulement songé ?) auquel on se trouverait exposé lorsque les bolides lancés à pleine vitesse  passeraient (et se dépasseraient) à guère plus de dix mètres : le défilé de ceux-ci poussés, et des pilotes marchant, vers la grille, sous la bienveillante surveillance de ce bon vieux (demi-) pneu Dunlop. 

Grand Prix International de Reims 1962
3 Cooper – GP International Reims 1962 (c) Professeur Reimsparing

Le futur vainqueur du jour 

Les deux Cooper usine de Bruce McLaren et de Tony Maggs ont effectué un tour de reconnaissance.  

McLaren est au volant de sa nouvelle voiture, précédemment victorieuse à Monaco devant la BRM de Graham Hill, et qu’il va, dans moins de deux heures, mener une nouvelle fois à la victoire… aux dépens de celui-ci.  

Tony Maggs se tient debout à gauche. Parti en avant-dernière ligne à bord d’un modèle dépassé, il ne fera plus parler de lui ce jour-là, en attendant de rafler, l’année suivante, une splendide deuxième place derrière l’intouchable Jim Clark ! 

On constate que la maréchaussée est présente en force. Pour un ultime contrôle technique ? Sans doute pas. Pour un contrôle d’identité ? C’est que l’accès à la piste est strictement réglementé. Il faut espérer que non… 

Retour vers le futur (63) 

I – Un vainqueur à venir

Grand Prix International de Reims 1962
4 Lotus Climax – GP International Reims 1962 (c) Professeur Reimsparing

La voiture ici représentée, à savoir la modeste Lotus Climax de Carlo Mario Abate, est vouée à la figuration, en dépit de sa superbe livrée. Elle partira de la dernière ligne derrière… la Cooper de Tony Maggs. 

A l’arrière-plan, les deux casques blancs recouvrent, de gauche à droite, les chefs de MM. Jo Bonnier et Richie Ginther. Allure décontractée et traditionnel polo noir pour le premier (« vieil habitué » des lieux) ; allure déterminée et classique combinaison  bleue pour le second, Deux personnalités différentes, mais que l’on appréciait l’une et l’autre. 

Comme pour Tony Maggs, le millésime 63 allait se révéler beaucoup plus fructueux pour le Transalpin.. 

Celui-ci, en effet, était loin d’être « un manche » et il le prouvera l’année suivante, donc,  en remportant de convaincante manière, au volant de sa Ferrari Testa Rossa… grise, la course des Prototypes, GT et Sports, disputée en lever de rideau du GP redevenu de l’ACF.  

S’il est vrai qu’il bénéficia de la panne d’embrayage au départ de la rouge Ferrari usine de Mike Parkes, le grand favori, de la sortie non programmée de la Maserati d’André Simon qui, dès le premier tour, laboura les betteraves avant Muizon, enfin, de la casse moteur, tant de l’Aston-Martin d’un Jo Schlesser en grande forme que de l’efficace Cooper Monaco de Roy Salvadori, il conserva, jusqu’au bout, la maîtrise de la course. Bien joué, malgré, si je me souviens bien, un problème de vision latérale.  

II – Les dauphins du futur vainqueur, lors des essais 

Reims 1963
5 – Reims 1963 (c) Professeur Reimsparing

La Jaguar numéro 8 du futur – et surprenant – deuxième, Dick Protheroe, s’apprête à prendre la piste, alors que la Ferrari GTO n° 18 du futur troisième, Lucien Bianchi, déboule à pleine vitesse ! A l’arrivée, l’ordre, donc, sera inversé, le sympathique pilote belge étant précédé d’un souffle par le Britannique. Par la suite,   cependant, leurs palmarès respectifs ne souffriront pas la comparaison.  

A noter la présence des bleues René-Bonnet de Gérard Laureau et de Claude Bobrowski. Dans la catégorie des protos de 1 000 cm3, le premier nommé se paiera le luxe de s’intercaler entre les Alpine de MM. José Rosinski et Henri Grandsire, pas moins. L’année suivante, en ces mêmes lieux, son coéquipier Jean-Pierre Beltoise lui devra une fière chandelle.  

III – Une GTO verte ? 

Reims 1963
6 – Reims 1963 (c) Professeur Reimsparing

 Evidemment, puisqu’il s’agissait de celle de David Piper ! D’écologie, il n’était pas (encore) question. D’autant moins que, quatrième temps des essais, celui-ci essuiera (aux sens propre et figuré), lors du premier tour, les dommages collatéraux du fauchage de betteraves   impromptu provoqué par la Maserati d’André Simon lors de sa sortie un peu large de la courbe à gauche précédant Muizon,  précédemment  évoqué ; c’en sera terminé des espoirs que l’imposant Britannique aurait pu légitimement nourrir ; de quoi vous détourner des produits de la terre.  

Revenons au présent (62)

Jolie voiture, isn’t it ? 

Grand Prix International de Reims 1962
7 BRM – GP International Reims 1962 (c) Professeur Reimsparing

La BRM de Graham Hill, futur deuxième, donc, pas si loin de la  Cooper de Bruce Mac Laren (mais vainqueur en titre du GP de Hollande), exhibe ses formes joliment arrondies ; elle est d’autant plus séduisante que ses précédents échappements dressés vers le ciel  sont rentrés dans le rang.  

Grand Prix International de Reims 1962
8 Lotus 24 – GP International Reims 1962 (c) Professeur Reimsparing

Un habitué 

C’est le moins que l’on puisse dire. 

La Lotus 24 de Maurice Trintignant, dans sa caractéristique livrée du team Rob Walker, suit le mouvement avant d’être placée à l’extérieur de la troisième ligne, en vertu d’un très honorable huitième temps, performance que son pilote  conclura de belle manière en se classant cinquième.  

Il est vrai que « Pétoulet » a remporté le GP de Pau cette même année, prouvant ainsi qu’il avait encore de beaux restes.  

Il est vrai également qu’il connaît par  cœur ce circuit de Reims-Gueux sur lequel il détient à ce jour le record des participations.  

Il a couru  sur le premier tracé, de 1947 à 1951 (à l’exception de 1948, empêché qu’il était par son grave accident du GP de Suisse) ; 

Et sur le second, de 1952 à 1961, à quoi s’ajoutait donc cette année 1962 (avant une ultime participation en 1963, du moins en F1). 

Frustrations 

Curieusement, cependant, cette fidélité ne fut guère récompensée. 

Certes, il mena par deux fois  sa modeste Simca Gordini à une méritoire troisième place, en 1947 et 1949.  

Mais s’ensuivit une longue période de frustrations.  

Frustration  en 1952, lorsqu’il dut ravaler sa fierté : son coéquipier (mais pas forcément ami) Jean Behra ayant défait de haute lutte la Scuderia au volant d’une voiture identique (?) à la sienne. 

Frustration, en 1956, d’avoir eu le « privilège » de se voir confier l’ultime Bugatti, laquelle, malheureusement, ne le mena pas bien loin ; alors que, paradoxalement, dans  leur ultime version elles aussi, les Gordini de Da Silva Ramos et de Manzon parvenaient à terminer, bien que larguées. 

Demeurent cependant deux faits d’armes.  

Premier fait d’armes : Reims 1957 F2 

Le maire de Vergèze dans le Gard demeure inscrit à jamais sur le Livre d’or du Triangle magique, grâce à sa magistrale victoire lors de la Coupe de vitesse F2 de 57, au volant d’une voiture enfin compétitive,  la Ferrari usine avec laquelle il réussit à s’imposer face à une coalition redoutable (Brabham et Salvadori, sur Cooper : pas vraiment des sentimentaux…). Course qui malheureusement demeura également dans les annales pour avoir été endeuillée par deux accidents mortels.   

Petite anecdote en passant, tout de même : le programme officiel faisait état d’un certain « Braham » ! L’intéressé, on le sait, devait prendre par la suite, en ces mêmes lieux, deux cinglantes revanches…  

Second fait d’armes : Reims 59 GP de l’ACF 

Au cours de ce GP, « Pétoulet » maintint assez longtemps  sa Cooper Walker en deuxième position derrière l’invincible Ferrari de Tony Brooks, mais devant le reste du plateau, autrement dit, pas mal de beau monde, avant d’effectuer un tête-à-queue au Thillois, qui le vida de ses forces lorsqu’il dut pousser sa voiture. Par ce temps caniculaire, l’âge l’avait-il rattrapé ? 

Reims 59 F2. Petit aparté – Le duel qui ranima la passion  

Reims 1959 F2
9 – Sirling Moss, Jean Behra et Colin Davis – Reims 1959 F2 (c) DR
Reims 1959 F2
10 Stirling Moss – Reims 1959 F2 (c) DR

Au même endroit, Moss (de 12 ans plus jeune il est vrai), quasiment au bord de la syncope, avait fait de même avec sa lourde BRM  vert clair mais n’en avait pas moins remporté ensuite la course des F2 après un âpre mais loyal duel avec la Porsche-Behra de Hans Hermann, dont le volant, initialement destiné à Colin Davis, lui avait été fort opportunément confié pour la course, par Jean Behra lui-même, parfait directeur d’écurie en la circonstance ; et que l’on voit ici aux essais, livrant peut-être son verdict à ce même Davis (lequel « héritera » du spyder Porsche numéro 48 visible à l’arrière-plan). 

Moss est présent sur ces deux photos. On le voit tout d’abord penché sur le cockpit de la voiture bleue, sans doute loin de se douter qu’elle va sous peu lui donner bien du fil à retordre, même s’il n’avait  jamais caché l’estime qu’il portait à Jean Behra, qu’il qualifiait de racer, autrement dit un pilote qui ne renonce jamais, ce qui, de sa part, était un sacré compliment. 

Sur la seconde photo, par une sorte de mimétisme, il se penche cette fois sur son propre cockpit, celui de sa Cooper Borgward,  engagée par Rob Walker.  

Le duel sus-évoqué parvint, le dimanche, à ranimer l’enthousiasme des spectateurs toujours présents (dont votre serviteur) et légèrement anesthésiés à ce moment-là tant par la chaleur que  par l’implacable domination que venait d’afficher Brooks (voire par l’ingestion de quelques boissons rafraîchissantes).  Ils n’eurent de cesse d’encourager la voiture bleue dont on guettait, au loin, en bas de la route de Soissons, les dépassements de (ou par) la Cooper au freinage du Thillois.  

Le meilleur équipage allait cependant l’emporter, sans qu’il y ait matière à scandale. Mais quelle superbe deuxième place pour le « vétéran » Hans Hermann, lequel n’avait d’ailleurs pas fini de faire parler de lui. Beaucoup plus tard, bien sûr, lors des 24 heures du Mans 70, lorsque, avec l’efficace complicité de Richard Attwood, il offrirait à Porsche sa première victoire au volant de la superbe et monstrueuse Porsche 917 ( 600 CV !) ; mais également dès le GP d’Allemagne qui suivrait et au cours duquel il échapperait au pire lors d’un spectaculaire vol plané – immortalisé par une photo célèbre – éjecté de… la BRM que Moss avait pilotée à Reims !  

Pour en revenir au duel dont il est ici question, dommage, vraiment que Behra, déjà  officieusement « viré » de la Scuderia à ce moment-là, n’ait pu apprécier à sa  juste mesure ce soutien populaire unanime, lequel s’était porté en réalité avant tout sur sa personne.  

Reims 62 – Première manche des Formules Junior 

Grand Prix International de Reims 1962
11 – Formule Junior – GP International Reims 1962 (c) Professeur Reimsparing

Une grille éclectique 

Sur cette photo, on distingue, au départ de la première manche des Formules Junior (outre Toto Roche qui fuit le danger) : Peter Arundell, sur Lotus ; le Canadien de 21 ans  Peter Ryan, sur Lotus ; Franck Gardner, sur Brabham (futur habitué de la première ligne, sans que cela débouchât sur une victoire) ; Bill Moss, sur Gemini (aucun rapport avec Sir Stirling) ;  John Love, sur Cooper ; José Rosinski, sur Cooper  (futur collaborateur de Sport-Auto) ; Denis Hulme, sur Cooper (futur champion du monde !) ; Henri  Grandsire, sur Lotus (futur « Michel Vaillant » à la télé…).  

A noter que, lors de la finale, Rosinski allait monter sur la troisième marche du podium, aux dépens de Denis Hulme lui-même ! Mais que ce dernier devait prendre sa revanche l’année suivante, dans cette même catégorie, en imposant de manière implacable sa Brabham usine. Sans parler de la suite, bien sûr.  

Le pire, cependant, était à venir. 

Encore une tragédie 

Peter Ryan démarre en tête, comme pressé de rencontrer son  destin. Il  va bientôt s’accrocher avec la Gemini blanche dans la courbe Musso et les deux voitures, contrairement à ce dernier, quitteront la piste à l’intérieur de celle-ci. Bill Moss s’en tirera par miracle avec quelques blessures superficielles. Mais l’infortuné Peter Ryan succombera le lendemain à l’hôpital Cochin à Paris, abandonnant définitivement dans le paddock sa belle Jaguar et, sur le tableau de bord de celle-ci,  ses gants de conduite  désormais inutiles. 

Il s’est murmuré que le jeune homme avait un peu forcé sur la fête à Reims, la nuit précédente. Quel gâchis, en tout cas ! 

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