Fangio est certainement le pilote dont le nom a été le plus prononcé aujourd’hui encore ce nom est devenu commun, ce qui est loin d’être ordinaire.
L’ouvrage LES MILLE VIE DE FANGIO, que nous propose Sylvain Reisser, nous téléporte au sein de cette période du sport auto qui a précédé celle que notre génération de passionnés a vécue, celle des photos en noir et blanc, celle des moteurs avant, celle des Grand Prix qui duraient trois heures.
Jean-Paul Orjebin
Castro ne décide pas tout
L’auteur démarre le récit biographique par l’épisode de son enlèvement romanesque à Cuba. Le calendrier de l’Histoire est bousculé mais cela permet, dès les premières pages, de situer le personnage, populaire, simple, bienveillant, malin, modeste et courtois. Pour ma part, j’apprendrais que cet enlèvement s’était fait sans que Castro ne le sache.
La chronologie reprend ses droits au deuxième chapitre. Son enfance, sa jeunesse et sa carrière sont abordées de manière agréable, dans un savant mélange de compte-rendu des courses qui ont marqué sa carrière, d’anecdotes et de rappels du ressenti de ses collègues et des journalistes qui l’ont côtoyé. Sylvain Reisser, par sa façon de décrire le dérouler d’une course, réussit à créer un suspens, à mettre le lecteur en haleine alors que l’épisode a trois quarts de siècle et qu’il a été déjà souvent relaté.
L’auteur insiste sur le caractère du pilote qui explique cette extraordinaire réussite. Ses qualités d’anticipation, de patience, son intelligence, sa vista qui lui permet de souvent se sortir d’incidents de courses, dans lesquels d’autres pilotes s’abiment. Jauger, apprécier les forces en présence et seulement après, porter l’estocade, voilà la méthode Fangio.
Le choix des pneus
Nous ne sommes pas seulement plongés dans le déroulement de la carrière de Fangio mais dans l’ensemble de la compétition automobile des années Fangio et certains épisodes cocasses ressortent des archives. L’un d’eux est typique des années 50. Suite au drame du Mans 55, Edgar Faure interdit la course auto, ce qui de fait, annule le Grand Prix de France. Toto Roche réussit avec la complicité de nombreux pilotes à organiser en catimini quelques tours du circuit de Reims à minuit après un diner bien arrosé et avant d’autres agapes et galipettes.
Fin 1955, Mercedes se retire de la compétition, Fangio perd son volant et son contrat en or. En Argentine où la révolution gronde, El Chueco perd également ses appuis indéfectibles. Heureusement l’Italie lui ouvre les bras. L’Italie c’est d’abord Ferrari, même si l’Ingeniere renâcle un peu à payer cette recrue au niveau ou Mercedes avait fixé la barre. Puis c’est Maserati que finalement Fangio préfèrera pour son coté plus familial et aussi parce que liée à Pirelli, il en avait soupé des Englebert. Ces chapitres sont bardés d’anecdotes savoureuses que l’auteur est allé recueillir à Modène auprès des quelques survivants qui ont connu l’Argentin à cette époque, notamment notre vieil ami Lauro Malavolti.
Jusqu’à Pagani
Sa vie après la course et sa reconversion dans les affaires sont bien entendu traitées ; de cette période, nous retenons entre autres, le soutien qu’il apporta à son compatriote Horacio Pagani dans sa quête de moteur, il sera son émissaire auprès de Ferrari, de Lamborghini et bien sur de Mercedes qui sera comme par hasard l’option retenue.
Les huit pages consacrées à la vie privée du Maestro retiendront – elles l’attention des lecteurs de Classic Courses ? En revanche ils se plongeront avec délice dans celles retraçant son palmarès qui met en valeur l’extraordinaire ratio courses /victoires du Champion.
Beaucoup de plaisir à lire Les Mille Vies de Fangio, une redécouverte de celui dont on croit savoir beaucoup.
Au fait, pourquoi El Chueco ?
C’est dans le livre.
Note de lecture de Jean-Paul Orjebin
Les Mille Vies de FANGIO de Sylvain Reisser aux Editions du Rocher
Chez votre libraire depuis le 2 novembre, 18,90 euros.
Sylvain Reisser est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages sur des marques automobiles de prestige, il contribue à L’Année Automobile, il est depuis 2001 responsable de l’automobile au Figaro Magazine, depuis 2012 rédacteur en chef adjoint du service Auto du groupe Figaro et depui 2018 membre du jury de la « Voiture de l’Année ».