16/05/2025

Jean-Claude Arnold et le Meubles Arnold Team – 2e partie : 1969-71

Après la saison 1968 évoquée il y a quelques semaines, Jean-Claude Arnold continue d’égrener ses souvenirs de l’aventure du Meubles Arnold Team pour Classic Courses. Nous reprenons le fil au début de l’année 1969, avec l’arrivée d’un second JPJ dans l’écurie.

Olivier Favre

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En raison de son accident à Monza en F2, Jean-Pierre Jaussaud a manqué le titre de champion de France F3 qui semblait lui être promis. Il repart donc dans cette catégorie. Mais il ne sera cette fois plus seul à bénéficier du soutien financier de Marcel Arnold.

1969

Jean-Claude Arnold : Pour la saison 69 on a acheté une nouvelle Tecno pour Jaussaud. On pensait garder l’ancienne comme réserve de pièces, puis on a décidé de lui trouver un pilote. Mais qui ? Moi, j’étais au lycée à Strasbourg et un jour, en sortant d’un cours, il y a un type qui m’attendait dehors. Il me dit « Salut, je suis Bob Wollek, je fais des courses, j’ai entendu que ton père avait une voiture en F3, est-ce que tu pourrais m’organiser un rdv avec lui ? » – Bon, OK, je vais lui en parler, donne-moi ton nom (qui ne me disait rien du tout à l’époque) et ton téléphone. J’en ai parlé à mon père qui s’est montré intéressé « Ah, il est de la région, il a une certaine expérience, ça pourrait faire une bonne pub, ça … ». Il l’a appelé et a pris RDV avec lui.

Olivier Favre – Classic Courses : Mais ça ne s’est pas fait …

JCA : Quelques jours plus tard, mon père m’a dit que le rendez-vous était annulé. Monsieur Wollek père, concessionnaire Mercedes à Strasbourg, l’avait appelé pour lui dire « M. Arnold, si vous mettez mon fils dans une de vos voitures, vous ne vendrez plus un seul meuble dans tout le Bas-Rhin ! ». Je lui ai dit que c’était des conneries, mais il n’a pas voulu prendre le risque. Puis Beltoise a contacté mon père pour lui dire qu’il connaissait un p’tit jeune qui marchait bien, que s’il avait l’intention de refaire courir la Tecno de l’année dernière, c’était à lui qu’il fallait la donner. Il s’appelait Jarier. Il a donc récupéré la Tecno qui est restée dans ses couleurs d’origine, bleue à nez rouge. Alors que celle de Jaussaud était jaune et rouge cette fois. Shell était devenu un partenaire important et voulait ses couleurs.

Monaco 69 - Arnold
Monaco 1969 : Jaussaud devant les Alpine de Jabouille et Depailler – © DR

Encore raté !

OF-CC : Et Jaussaud a encore raté le titre …

JCA : Il a fait une bonne saison, il a gagné plusieurs courses, mais Mazet en a gagné plus et c’est lui qui a décroché le titre. Jarier, lui, a pas mal galéré. Il débutait dans cette catégorie et l’auto était fonctionnelle, mais pas préparée. Il a quand même gagné sa manche à Reims, mais son moteur a rendu l’âme en se rendant sur la pré-grille de la finale. Au début, sa voiture était à Phalsbourg, ce qui arrangeait bien mon père pour la pub, et son mécano est venu y habiter. Mais ce n’était pas pratique et ils ont rapatrié la voiture à Paris. Je n’ai pas trop suivi cette saison 69, j’étais encore un peu sous le coup de la déception de 68 et de l’accident de Jaussaud, mon enthousiasme était retombé. En plus, c’était l’année du bac.

La présentation du team à Phalsbourg début 1970 – © JC Arnold

1970 : trois voitures et un camion

OF-CC : En 70 vous franchissez encore une étape avec trois voitures, l’écurie se structure sérieusement.

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JCA : On achète une Tecno neuve pour Jaussaud et Jarier récupère celle de 69. La 68 est pour Etienne Vigoureux, un ami d’enfance de Jarier, vivement recommandé aussi par Tico Martini, qui le considérait comme un pilote très fin, organisé, diplomate. La Tecno de Jaussaud est toujours rouge et jaune, mais les deux autres sont blanches avec deux bandes rouges, les couleurs de l’entreprise Arnold. Mon père s’était rendu compte que la voiture de Jaussaud ne se distinguait pas assez des autres F3 aux couleurs de Shell (celle de Mazet par exemple en 69). La Tecno de Jaussaud est gérée en Normandie et engagée sous le nom « Ecurie Volant Shell », mais les deux autres sont entretenues à Phalsbourg. Mon père a commandé un camion à deux niveaux chez Saviem et les ouvriers Arnold ont aménagé l’intérieur, une petite cuisine, les caissons pour les outils, etc …

Team Arnold
A Magny-Cours le week-end du 1er mai 1970, Marcel Arnold discute avec ses pilotes Vigoureux et Jarier (caché). Notez la Ferrari 365 GT de Marcel dont on voit un bout à gauche – © JC Arnold

OF-CC : En 70 Jaussaud est enfin champion de France de F3. Pour Jarier et Vigoureux, ce fut moins facile.

JCA : Jarier a eu du mal au début. Mais il a quand même fini 3e du championnat, avec une victoire dans la dernière course, à Albi. Quant à Vigoureux, il se traînait. Et ce n’était pas la faute de la voiture, qui avait été reconditionnée chez Tecno. Il a fini par arrêter la course. Je me souviens d’un voyage que j’ai fait avec lui en début de saison. A l’époque c’est Firestone qui équipait les F3 avec ses YB11 et Goodyear a voulu s’implanter dans la catégorie avec ses G20. Mon père en a commandé un train que je suis allé récupérer en Suisse, près de Bâle. Jarier n’était pas chaud pour les monter, mais Vigoureux a dit OK. Je suis donc allé à Nogaro avec lui et le mécano Raymond Borie pour les tester. Ça n’a pas été concluant, ils ne chauffaient pas, on est revenus aux YB11.

Un triplé Arnold !

OF-CC : Vigoureux arrête la course mais vous continuez avec trois voitures.

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JCA : On a remplacé Vigoureux par Jean-Claude Guénard dont l’Alpine a été repeinte aux couleurs Arnold. Puis, il a détruit l’Alpine et a récupéré la Tecno 68. Et il marchait bien ! Au point qu’à Nogaro en septembre on a fait 1-2-3, Jaussaud-Guénard-Jarier ! Le seul triplé de toute l’histoire de l’écurie. Cette année-là, on a aussi créé l’Ecurie Lorraine, section Rhin, avec sept ou huit pilotes, dont Jacques Henry, un type merveilleux qui a gagné les Routes du Nord avec son Alpine aux couleurs Arnold. Il y avait aussi Hugues Kirschhoffer, François Godichard, Robert Barret, …

Alpine Arnold Zandvoort
L’Alpine-Arnold de Guénard à Zandvoort© JC Arnold

OF-CC : Entre Jarier et ton père, ça n’était pas toujours simple, non ?

JCA : Ils s’adoraient mais se fritaient régulièrement. Jarier avait le sang chaud mais ça ne se voyait pas. En apparence il gardait son calme, mais il bouillait intérieurement. Il interrompait souvent mon père, style « non, Monsieur Arnold, c’est pas une bonne idée », ce qui énervait Marcel, évidemment ! Heureusement qu’il y avait Vigoureux et les potes de Jarier, « Pom », un mec extra, et Raymond Borie, son mécano. On se marrait bien avec eux. Ils venaient souvent à Phalsbourg pour faire la fête. Beltoise et Jarier me téléphonaient avant de venir : « Tu peux nous organiser … heu, tu vois c’que j’veux dire ? ». Moi, je voyais très bien, mais je les faisais marcher : « Non, je vois pas. – Mais si, j’aimais bien tes copines, la grande blonde et la petite brune, tu t’souviens ? – Non, ça me dit rien. – Mais si, arrête ! ».

Rouen 70
Lors de la funeste course de Rouen en 1970, on distingue les trois F3 du team Arnold au virage du Nouveau Monde : la Tecno n°7 de Jarier à côté de Migault (Tecno n°2), l’Alpine n°3 de Guénard en 4e position derrière Beuttler (Brabham n°12) et devant la Tecno n°1 de Jaussaud© DR

La F2 en 1971

OF-CC : Puis, comme vous n’aviez plus rien à prouver en F3 vous montez d’un cran en F2 en association avec Shell. Avec des March, dont vous êtes un peu le team officiel B, derrière la structure usine qui aligne Peterson et Lauda.

JCA : On avait un assez bon deal avec Mosley : les châssis nous appartenaient mais pas les moteurs que March commandait chez Hart et il ne nous comptait pas les casses, on payait juste les pneus, les engagements, les hôtels. Mais Shell payait aussi, je ne me souviens plus de la répartition. En tout cas, je me demande si le budget de 71 en F2 n’était pas moins élevé qu’en 70 avec trois voitures en F3. Mais je n’ai pas beaucoup de souvenirs de l’année 71. C’est assez normal vu que je faisais mon service militaire.  Je n’avais pas le droit d’aller à l’étranger, par exemple. Mais j’ai quand même réussi à assister à la course de Thruxton en début de saison. Mon père a profité de ses relations pour obtenir une autorisation de sortie du territoire signée par le Ministre de la Défense.

OF-CC : Pour l’équipe Arnold la saison 71 est plutôt bonne avec trois podiums (Jaussaud 3e à Pau, Jarier 3e à Albi et Vallelunga) et des places honorables au championnat d’Europe : Jarier 8e avec 10 points, Jaussaud 9e avec 9 points.

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JCA : C’était une assez bonne saison, mais on s’est rendu compte que ce n’était pas pareil sur le plan commercial. Avant, avec les F3, quand on faisait des événements avec les pilotes et les voitures, on accueillait 2 000 personnes dans le magasin. Ça marchait du feu de dieu et les vendeurs étaient affûtés ! Les affaires cartonnaient et c’est pour ça qu’on est monté en F2. Mais en 71 les voitures étaient entretenues à Bicester. On ne les voyait que très peu à Phalsbourg, idem pour les pilotes. Commercialement, pour les Meubles Arnold, ça changeait tout.

Albi 71 - March Arnold
Albi F2 1971 : on reconnaît, derrière la March de Peterson, Bob Wollek et Gérard Crombac – © DR

Les Meubles Arnold en F1

OF-CC : L’année 71, c’est aussi une incursion en F1 pour le Meubles Arnold Team …

JCA : Hubert Hahne a dit à mon père qu’il avait une F1 mais qu’il ne courait plus avec, faute de résultats. Et mon père s’est dit qu’il pourrait faire un cadeau à Jarier en la louant pour une ou deux courses. Jarier a d’abord couru la Gold Cup à Oulton Park, puis il est allé à Monza. Mais il se traînait. J’ai su pourquoi tout récemment. J’ai rencontré un Allemand à Goodwood, qui était mécano chez Hahne. Il m’a dit que celui-ci avait demandé que le moteur soit « dégonflé ». Il paraît qu’il y avait plein de méthodes pour ça. Agir sur le rupteur par exemple pour diminuer le régime maxi. L’Allemand connaissait la réputation de Jarier « Godasse de plomb », il ne voulait pas qu’il lui casse la voiture !

Monza 71 - Jarier - Arnold
Jaussaud mécano de luxe pour la March 701 de Jarier à Monza en 1971 – © JC Arnold

Frayeur

OF-CC : Dans la rubrique « Potins », le Sport-Auto de mars 1972 s’appuie sur un communiqué officiel de Shell pour annoncer une écurie Hahne-Shell-Arnold. Avec Beltoise et Jarier sur des March F2 et José Dolhem en F3 sur une Martini.

JCA : Malheureusement, Hahne a renoncé. C’est sans doute en vue de cette association qu’il nous avait invités à l’inauguration de sa concession Lamborghini à Düsseldorf. Ce jour-là, il m’a fait l’une des plus grosses frayeurs de ma vie. Après la petite cérémonie sur place, les invités sont partis au restau à Cologne, à environ 40 km. Moi je traînais à regarder les voitures. Soudain Hahne me dit « Maintenant faut y aller, je t’emmène ». Dans sa Miura S ! Sur l’autoroute il accélère et je vois l’aiguille du compteur : 250-260-270-280. Il ne va quand même pas monter à 300 !? C’était un dimanche soir, pas de grosse circulation, mais il pleuvotait, c’était gras-mouillé. De temps en temps un petit coup de raquette, la voiture glissait latéralement. Hahne était très cool, moi je n’en menais pas large. On a dû faire le trajet en 10 mn !

Hahne Lamborghini
La concession Lamborghini de Hubert Hahne – © JC Arnold

Nous en resterons là pour le moment, à l’orée d’une saison 72 qui sera celle des désillusions pour le Team Arnold.

A suivre …

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