Cobra Days Dordogne 2021
17 juin 2021

Cobra Days en Dordogne.

Prenez une des plus belles régions de France, et insérez-y une savante dose d’un des plus excitants spécimens de voitures de course. Vous obtenez les Cobra Days en Dordogne, organisés par l’association du tourisme Corrèze-Dordogne pour le Club Cobra de France. Ils se sont tenus le week-end des 12 et 13 juin, pour un beau périple tout autour de Sarlat-la-Canéda. Sol qui tremble et soleil brûlant au rendez-vous, on embarque !

Pierre Ménard

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Jim Wallace in the Shelby business since 1966

Doit-on encore présenter la Shelby Cobra ? On la connaît, se répète-on. Et pourtant ! Chaque fois que je vois – et entends ! – ces reptiles en action, je reste sidéré face à leur mufle agressif encadré par les énormes boudins qui dégueulent des passages de roue tels de gros bras musclés d’une chemise trop étriquée. Je ne peux alors m’empêcher de penser avec respect à cet ancien pilote texan qui ne doutait de rien : prendre un honorable roadster anglais pour y greffer un monstrueux V8 culbuté et ainsi transformer l’auto en un monstre des pistes. Carroll Shelby s’était fixé une trajectoire tendue vers un but qui hantait ses jours et ses nuits : battre les Ferrari au Mans en GT. En 1963 l’AC Cobra de Bolton-Sanderson termina 7e au général, mais 1ère de sa classe (4001-5000 cm3), et l’année suivante le graal fut conquis avec la victoire de la Cobra Daytona de Gurney et Bondurant, qui terrassa les Ferrari GTO – et finit 4e au scratch !

Contenir ses muscles

La Cobra fut donc à la base conçue pour la compétition, mais c’était une voiture utilisable au quotidien. Surtout dans un pays où les rodéos mécaniques se terminant par une course-poursuite avec les Chevrolet ou Dodge des « cops » étaient une tradition implantée depuis des décennies. Et là, il valait mieux en avoir sous le capot !

En ce somptueux week-end périgourdin, il ne fut jamais question d’étalage de muscles, mais plutôt de balade entre passionnés ayant grand plaisir à se retrouver, ainsi que nous le précise Laurent Hennequin, secrétaire du Club Cobra France : « Notre passion est celle d’une voiture, pas celle de la vitesse. Sur route ouverte, la règle est de respecter le code de la route, et les limitations de vitesse en premier. Pour ceux qui veulent faire de la vitesse, nous préconisons naturellement les séances de roulage sur circuit ».

GT40
L’envoûtante Ford GT40 de Laurent, avec laquelle je vais parcourir une petite centaine de kilomètres. Yeah !

La Dordogne, nous l’avons dit, est un des plus beaux départements de notre joli pays. Ce n’est d’ailleurs pas pour des prunes que nos amis anglais y ont élu domicile depuis des lustres ! Magnifiques demeures à la pierre jaune éclatante au soleil, châteaux majestueusement plantés au-dessus des rivières, grottes ayant abrité il y a trèèès longtemps nos ancêtres, vallées enfouies dans la fraîcheur d’une végétation dense, c’est tout cela, la Dordogne. Si on y ajoute les bonnes choses qui garnissent les assiettes, il y a de quoi ne plus repartir. Certains membres du Club Cobra France n’étaient pas loin de cet état d’esprit au soir d’un week-end d’émerveillement.

Cobra
La tueuse de Ferrari et de Porsche

Continuations et répliques

Une trentaine d’équipages avait répondu favorablement à l’invitation des organisateurs Jean-Paul Brunerie et Carlos Duarte de venir sillonner les routes accueillantes du département au volant de leurs roadsters sur-vitaminés. En deux jours, les autos ont parcouru 450 kilomètres, leurs propriétaires découvrant les richesses du département, tant architecturales que gastronomiques. Savaient-ils par exemple qu’à Neuvic-sur-l’Isle, on fabrique du caviar de renommée mondiale ? Je l’ai personnellement appris.

Comme j’en ai su un peu plus sur le patrimoine génétique des autos présentes : « On a beaucoup de répliques, mais aussi de vraies AC Cobra historiques datant des années 65-66, me dit Laurent. Nous avons également des continuations, qui sont des évolutions, des voitures construites par l’usine Carroll Shelby aux Etats-Unis, ou des continuations faites en Angleterre dans les années 80, les AC Autocraft. Aujourd’hui, sont présentes des répliques, de différentes marques et anciennetés, mais qui reprennent le concept de la manière la plus juste possible pour obtenir un résultat le plus proche possible de la philosophie d’origine ».

Tableaux de bord & big block.

A propos d’authenticité, le Club Cobra France n’admet-il que des Cobras, mon cher Laurent ? « Le club rassemble des passionnés d’une histoire créée par Carroll Shelby. Shelby n’a pas créé que la Cobra, il a aussi été partie prenante de la gestation de la Ford GT40 au sein de Ford. Nous avons donc des Cobra et des répliques de Cobra, des GT40 et des répliques de GT40. Et bien sûr des Daytona qui sont des évolutions des Cobra ». Et c’est donc « tout naturellement » que j’ai pris place le dimanche matin aux côtés de Laurent dans sa magnifique GT40. Pour être tout à fait honnête, la voiture n’était pas des plus adaptées aux conditions de circulation et de météo de ce week-end : la très basse auto n’était pas des plus à l’aise sur routes sinueuses (je ne parle pas des ralentisseurs !) et le cagnard qui tapait sur le toit dès le matin eut tôt fait de transformer l’intérieur en four à micro-ondes !

Cocotte-minute et shaker

Cobra
La 427 BRG de Georges, à droite, qui m’hébergera aux chaudes heures de la journée.

« Hier après-midi, j’ai atteint 46° dans l’habitacle », m’informe gentiment Laurent alors que je suis en train de boucler mon harnais. Gloups !… « Mais je ne vous en voudrai absolument pas si vous rejoignez la Cobra de Georges plus tôt que prévu (je dois théoriquement changer de véhicule à la pause-déjeuner) ». La Ford possède certes une climatisation, mais qui est branchée sur le régime moteur. Vous avez tout compris : à basse vitesse, elle ne fait que le minimum syndical ! Qu’importe, je ne vais surtout pas bouder mon plaisir et je rends honneur à mon hôte… qui aurait dû venir avec sa Cobra. Malheureusement, la bête est actuellement en atelier de peinture, donc c’est la GT40 qui s’y est collée (quand on a le choix, hein ?).

A la chasse aux Cobra depuis la GT40.

Dès qu’elle le peut, l’auto fait étalage de ses belles accélérations, dans un univers toutefois relativement confortable : Laurent l’a voulue utilisable au quotidien. Les cuirs des sièges sont donc moelleux, celui du tableau de bord est impeccable et surtout, on est dispensé de la chaleur terrifiante venant habituellement du gros radiateur avant sur les modèles de course grâce à une isolation de bon aloi. La sonorité du V8 à trente centimètres derrière les oreilles est puissante, mais finalement assez onctueuse, dépourvue de l’agressivité brute à laquelle je vais bientôt être confronté dans la Cobra.

Soucieux de son passager, Laurent me demande si « je ne suis pas trop dérangé par sa conduite et si ce n’est pas trop bruyant » ! Je lui explique que râler à faire le sac de sable dans une auto aussi rare et prestigieuse relèverait de la goujaterie automobile la plus éhontée, et qu’à Classic Courses, on aime beaucoup tout ce qui va vite et qui fait du bruit ! Il est rassuré et appuie de nouveau sur la pédale de droite. VROOAAR ! Comme aurait dit Graton.

Cobra
Belle ambiance devant le château de Monbazillac.

Raw power (1)

A l’issue de la visite de la fabrique de caviar de Neuvic (avec dégustation, s’il vous plaît !), j’informe Laurent avec un sourire contrit que je vais déménager dans la Cobra  et le laisser perdre des kilos dans son habitacle clos. Lors du déjeuner, il se munira d’un tournevis et entreprendra consciencieusement de dévisser les quelques quarante « cruciformes » maintenant les vitres en plexi, histoire de se ménager un joli courant d’air pour l’après-midi ! Je me dirige donc vers l’impressionnante 427 de Georges, un jovial « Portugais-Ch’ti-Toulousain », comme il se présente avec humour. Et là, l’ambiance va changer !

La GT40 me paraît presque « civilisée » face à la force bestiale de cette Cobra verte dont le V8 de 7 litres s’exprime à pleins poumons à chaque infime pression sur l’accélérateur. Le rugissement émis par les énormes pots latéraux (attention aux jambes découvertes à la sortie de l’habitacle !) allié aux incroyables vibrations « dans le creux des reins » – que n’aurait pas reniées Brigitte Bardot – vous transporte dans un monde à part. A la moindre sollicitation de la pédale de droite, la bête bondit sur l’asphalte tel le fauve se jetant sur sa proie. Et nous restons pourtant dans les « clous du règlement » ! Mais les quelques 490 chevaux poussant les 1100 kg de l’auto à caisse alu font que, même à vitesse réglementaire, l’effet reste proprement scotchant.

Cobra
Pause rafraîchissement à Domme en fin de journée, tant pour les moteurs que pour les passagers.

Le dimanche après-midi se termina avec des effectifs un chouïa réduits pour cause de retour à la maison pour certains, ou de passage définitif par la case « hôtel » pour d’autres, sur lesquels le soleil avait produit un effet anesthésiant assez prononcé. Les mécaniques eurent également très chaud : la Cobra est tout de même une voiture taillée pour les grandes montées dans les tours et rouler à 1500 t/m sous les 35° que nous réserva le Périgord fit grimper les manos dans le rouge ! Reste que les serpents de monsieur Shelby enchantèrent les autochtones, ainsi que l’enthousiaste présidente du comité départemental du tourisme, Sylvie Chevallier, qui nous accueillit dans les vignes du château de Monbazillac. Si les édiles s’y mettent, où va-t-on ?

(1) Puissance brute. C’était également le titre du premier album des Stooges en 1969, un rock qui ne s’encombrait pas de fioritures !

Photos © Pierre Ménard

Je tiens à saluer chaleureusement Laurent et Georges qui m’offrirent le privilège d’occuper le siège passager de leur splendide auto. Grand merci à vous deux !

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