Gentleman Car
31 janvier 2022

Gentleman Car et les Shelby Cobra

Spa 6 Hours 2/2

Dans un monde « normal », on se préparerait à rejoindre Paris et le salon Rétromobile. Mais celui qu’on attendait depuis deux ans a encore décalé son retour. Un mois et demi de patience et on retrouvera tout le monde. Tout le monde ? Pas certain. L’investissement pour un exposant est important et malgré les chiffres officiels ventant la « reprise », on entend dire que sur le terrain, les affaires ne suivent pas l’envolée de la bourse…

Alors pour patienter nous vous proposons de découvrir quel personnage se cache derrière la figure débonnaire de Philippe Médart, le très avisé Mr Gentleman Car que nous avons pu interviewer lors des Spa 6 Hours.

L’occasion aussi de revenir sur quelques raretés vues dans le paddock et les stands.

Olivier ROGAR

Vous pourriez aussi aimer :
Spa 6 Hours 1/2
Le chagrin de Ken Miles
Le Cobra ressuscité


Philippe Médart et Gentleman Car

Gentleman Car
Philippe Médard ou Mr Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar

Olivier Rogar – Classic Courses : D’où venez vous Philippe ?

Philippe Médart – Gentleman Car : Je viens d’une famille pas spécialement favorisée et je n’ai jamais été attiré par l’école. J’ai arrêté à 14 ans parce que j’aimais les voitures et j’avais envie de gagner des sous ! J’ai donc fait un contrat d’apprentissage dans une concession qui représentait Fiat, Lancia et était aussi Agent Ferrari. J’ai travaillé là pendant quatre ans comme apprenti. J’y ai passé un très bon moment. J’ai appris mon métier. A la base je suis donc mécanicien. Je sais ce que c’est une voiture. Je sais la contrôler, la vérifier et y travailler. Aujourd’hui ce n’est plus moi qui serre les boulons, j’ai du personnel qui sait très bien faire cela, mais je sais bien regarder une voiture, la comprendre et de quoi je parle.

Gentleman Car
Paddock Spa 6 Hours Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar

Olivier Rogar – Classic Courses : Mais comment vous êtes-vous établi ?

Philippe Médart – Gentleman Car : A 18 ans j’ai décidé de travailler pour moi. Sans argent au départ. Il me fallait donc accepter tous les travaux. Mon premier chantier a été de ressouder les planchers sur une DAF 44. C’était vraiment du travail pénible, pas très valorisant et qui ne rapportait pas grand chose mais c’est avec ça que j’ai commencé ! Il ne faut pas oublier que mon premier salaire comme apprenti c’était 50 francs belges la semaine. Soit 1.25 euros la semaine. Inutile de te dire que je connais la valeur de l’argent. A 20 ans j’ai eu une idée. J’avais déjà commencé à vendre des 4*4. C’était très en vogue à ce moment-là. Tout le monde en rêvait. Et moi je permettais à ces rêves de se réaliser en vendant des 4*4 japonais d’occasion. J’avais de l’activité, de bonnes marges et j’ai commencé à gagner de l’argent. Lorsque j’ai eu 20 ans, alors que ma femme venait d’achever ses études de commerce, nous avions un peu d’argent et nous sommes dit que nous allions partir à l’aventure.

Olivier Rogar – Classic Courses : Et à 20 ans c’est quoi l’aventure ?

Philippe Médart – Gentleman Car : Ca a été de partir au Canada pour acheter des véhicules américains. Le Canada, parce que je ne parlais pas anglais. On va donc au Quebec et on regarde les véhicules d’occasion. On en voit qui nous plaisent. On a l’équivalent de 20 000 euros. On achète donc pour ce montant. A l’époque il n’y avait pas internet. On pouvait encore faire des marges très confortables. Pour 20 investis on pouvait vendre 30. Ce qui était pas mal. Ca a pris de l’ampleur. Toujours avec le Canada. Toujours en y allant avec ma femme. Et à un moment je me suis dit pourquoi ne pas faire la même chose mais en neuf et sur commande ? C’est à dire, plutôt que d’y aller et d’acheter des voitures afin de les revendre, je pouvais proposer aux gens, auparavant, d’acheter sur place pour eux le modèle précis qu’ils souhaitaient. Il leur fallait me verser un acompte à la commande et un second au départ de la voiture du Canada. A ce moment je n’avais pas besoin de grands financements. Je ne vouslais pas de patron, pas de banque derrière moi. Et je commençais à gagner de l’argent. Et surtout on était en mesure de personnaliser ces véhicules. Une prestation sur laquelle on avait de très bonnes marges. On a été jusqu’à monter des roues de 44 ‘ de diamètre sur des 4*4 F150. Les bas de caisse étaient à 1.20 m du sol. Des trucs complètement dingues. Moteurs démesurés. Gros freins. Suspensions spéciales. On a très bien fonctionné. A nouveau, c’était l’époque où Il n’y avait pas encore internet et on savait bien gagner notre vie.

Gentleman Car
Van Ford 289 ci © Olivier Rogar

Olivier Rogar – Classic Courses : Mais j’ai aussi entendu parler de Hummer.

Philippe Médart – Gentleman Car : Effectivement j’ai eu envie de devenir importateur de cet engin qui me faisait rêver, le Hummer. Et j’ai été le premier importateur en dehors des USA. J’ai pris mon bâton de pèlerin, suis parti en Indiana chez Hummer General en leur disant, voilà je souhaiterais être importateur, seriez vous prêt à me faire un contrat ? La réponse a été à l’américaine, très pragmatique :  » Vous choisissez un véhicule sur notre parking. Vous nous envoyez l’argent et vous êtes importateur ». C’est ce que j’ai fait. Le véhicule est arrivé chez moi et j’ai commencé à vendre des Hummer. Et j’ai fait ça jusqu’en 2009 lorsque la marque a arrêté sur décision de la société actionnaire, GM.

Olivier Rogar – Classic Courses : C’est là que se fait le saut vers Shelby ?

Philippe Médart – Gentleman Car : Indirectement. J’avais déjà des voitures de collection à titre privé, mais ce n’était pas mon business. Et je me suis dit que j’allais vendre moi aussi des classiques. Et je pensais en vendre facilement une quarantaine par an. Mais je commettais une erreur. Pour vendre autant de voitures, quand on n’a pas les moyens d’acheter des voitures à plusieurs millions, il faut acheter des voitures populaires. On a donc vendu des Mustang, des Corvettes qui étaient bon marché mais qui revenaient très cher à être mises en état. J’ai toujours voulu offrir un service après vente valable et parfois quand j’avais vendu une voiture à 35 000 euros, je me retrouvais avec 10 000 euros de travaux. Ce qui détruisait la marge.

Je suis allé trouver un ami, Claude Dubois (1) , qui avait fait plusieurs fois le Mans, et lui ai demandé si une petite société comme la mienne au milieu de nulle part, en Belgique , pourrait négocier un contrat avec Shelby ? On a pris l’avion direction Las Vegas, les ateliers Shelby et on a discuté. Dans un premier temps on est tombés sur des financiers qui demandaient d’abord de l’argent avant de m’autoriser à vendre leur voiture. Donc avec Claude on a réussi à passer au-dessus et à rencontrer Caroll Shelby lui-même. Il nous a reçu gentiment mais pas très longtemps car il était déjà très malade. Mais on s’est tapé dans la main et en dix minutes j’avais un contrat. Alors que précédemment rien ne bougeait.

AC Cobra
AC Cobra 289, 289 FIA, 427 chez Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar

Olivier Rogar – Classic Courses : Une voiture emblématique !

Philippe Médart – Gentleman Car : J’ai acheté une voiture et j’ai commencé à en faire la promotion. Mais honnêtement ça n’a pas bien marché. Le produit en fait n’était pas très connu. Il a fallu faire connaître la marque en Europe. On a fait Rétromobile, Dijon, Padoue et d’autres salons. On a fait connaître notre marque en faisant bien comprendre aux gens que ce qu’on voulait faire c’était transmettre notre passion, en gagnant de l’argent effectivement, mais en faisant en sorte de faire de beaux stands pour les recevoir, en fait une démarche de passionnés. Exemple ce motor home, celui de Caroll Shelby. Je le leur ai racheté. Passion. Comme la camionnette du Mans 66 ou mon F250 de 1965. Tout ça c’est ma vie, ma passion. J’ai la chance de pouvoir dire que la partie la plus lucrative de mes loisirs c’est mon travail ! Chaque jour je travaille mais je m’amuse. C’est ma passion. Je ne serai jamais riche mais je suis heureux ! Aujourd’hui on vend cinq à sept voitures par an pour les continuations. On fait aussi des choses différentes. On vend des voitures à des gens qui veulent courir. Exemple la Daytona qui est inscrite ici. Ce qu’on fait on le fait avec beaucoup de passion. Et on fait ce que les autres ne font pas, c’est à dire accompagner nos clients et leur permettre de concrétiser leur rêve en faisant fabriquer des voitures chez Shelby à Las Vegas.

Gentleman Car
Le mobil-home de Caroll Shelby et la 289 PR chez Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar
Caroll Shelby
Le mobil-home de Caroll Shelby chez Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar
Le mobil-home de Caroll Shelby chez Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar
Le mobil-home de Caroll Shelby chez Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar

Olivier Rogar – Classic Courses : Ce que vous faites aussi avec HY Racing ?

Philippe Médart – Gentleman Car : Tout à fait. C’est moi qui ai cherché leurs voitures. Ils en ont acheté onze. Avec leurs track days ils permettent à des personnes qui n’auraient pas forcément « osé » acheter une Shelby au motif que c’est coûteux, certes, mais surtout qu’ils ne sauraient pas s’en servir, de mettre le pied à l’étrier et de se rendre compte par eux-mêmes de la fiabilité, de la sécurité et du bon fonctionnement de ces voitures. C’est la découverte d’un nouveau plaisir. Une expérience !

Et parallèlement , il y a deux ans, j’ai signé un contrat de représentation avec Thierry Boutsen, l’ancien pilote de F1. Il a un très bon relationnel dans l’aviation privée et dans les yachts. Grace à lui on accède à un très bon carnet d’adresses. On a un très bon partenariat. Je lui ai laissé une Shelby Cobra à l’année pour qu’il puisse la montrer à ses clients. Et l’un dans l’autre, les affaires sont bonnes. On ne peut pas se plaindre.

Gentleman Car
Ford GT 40 chez Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar

Olivier Rogar- Classic Courses : Quel avenir pour notre passion ?

Philippe Médart – Gentleman Car : Je pense que l’avenir de l’automobile sera justement comme ici, à Spa, où l’on roule sur un circuit avec des voitures de collection et que ça aura toujours un intérêt pour beaucoup de gens. Je pense que l’automobile va se diviser en deux catégories, les véhicules de déplacement, mus par l’énergie électrique ou hybrides et les belles voitures utilisées pour de belles manifestations, concours d’élégance, rallyes ou pour rouler sur circuit. La passion demeurera et tout ce qu’elle entraine perdurera. On parle d’art de vivre. Spa, Le Mans Classic, Goodwood, Monaco !

.

Ken Miles
Le Mans 66 et « Ken Miles » chez Gentleman Car 2021 © Olivier Rogar

Paddock Spa 6 Hours

Martin Stretton

Qui n’a pas vu Martin Stretton voler de virage en virage dans les rues de Monaco à Bord d’un Tyrrell P34 ou d’une Brabham BT34 ne peut se rendre compte du plaisir que j’ai eu à parler avec lui dans son stand à Spa. Il est ici pour suivre les voitures qui sont engagées par les clients de son garage. Simplicité, franchise et talent sont ses marques de fabrique. Vu ce qu’il a gagné en historique, on peut se demander pourquoi il n’a pas fait carrière en sport automobile. On l’aurait bien vu en F1. Il y aurait eu toute sa place dans les années 85-95. Il répond lui-même à cette interrogation : « Le volant ça me plaisait mais les relations qu’il fallait avoir et entretenir, ce n’était pas du tout mon truc ». Dommage Mr Stretton. Mais vos 2 titres en F1 historique, vos 4 victoires aux Spa 6 Hours, vos 6 victoires à Monaco et vos 2 victoires sur le Nürburgring rendent évidente la confiance que vous font les propriétaires de voitures historiques. Au point qu’on vous crédite du fait d’avoir piloté 350 d’entre-elles. A bientôt au Grand Prix Historique de Monaco ?

Spa 6 Hours
Martin Stretton – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar
Martin Stretton
Lola T70 – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar
Martin Stretton
Lola T70 – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar

Mercedes 300 SL

Spa 6 Hours 2021
Mercedes 300 SL – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar

Aston Martin DB2 NLV 242 1952

Ce n’était pas même une « barn find » ( sortie de grange) , et pour cause, à l’air libre sous un pauvre appentis, elle a bien eu à souffrir des affres du temps. Certes elle était en bonne compagnie comme on le voit sur cette photo, mais cela n’a rien changé à ses trente longues années d’abandon. Découverte à Portsmouth en 2003, la voiture a été intégralement refaite pour courir. Dotée d’un passeport FIA, elle conserve donc ses freins à tambours, suspensions et directions d’origine ( enfin.. on se comprend !) , la cylindrée du moteur a pu passer à 3L, (Il faudra m’expliquer les subtilités du règlement), ce qui a contribué à faire passer la puissance de 105 ch à … 260 ch.
Voiture de famille, sinon familiale, elle est pilotée par David et Ann Reed ainsi que par leur fille Hannah. La voiture a gagné deux fois le championnat de l’ « Aston Martin Owners Club »

Aston Martin DB2
Aston Martin DB2 – 1952 – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar

Riley

Pour la pureté de sa ligne. Un côté Invicta.

Spa 6 Hours 2021
Riley – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar

Talbot

Une Talbot de 1937 née en T150C 82935 4L et passée en T26SS 4.5L en 1938, ses engagements font ressortir des pilotes et des classements de premier ordre :
1937, DIVO : 3H de Marseille (3e), GP de France (3e), GP de la Marne (2e) et Tourist Trophy avec SOMMER.
1938, CARRIERE : Mille Miglia (5e), 24 H du Mans avec LEBEGUE, GP de France (4e), Tourist Trophy (4e), 12 H de Paris avec ETANCELIN.
1939, CHINETTI, MATHIESON, 24 H du Mans, CHINETTI GP du Comminges.
Elle a également participé à de nombreux GP après guerre, de 1946 à 1948.

Spa 6 Hours 2021
Talbot T 26 SS 4.5L – 1938 – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar

Capri Perana

La Capri V8 qui connait ? Beau bricolage ? Du tout ! Elle a été produite par la société Basil Green Motors à Johannesburg en Afrique du Sud dans les années 70. Son nom : Capri Perana. Un « petit » Ford V8 5 Litres a pris la place du Ford 3L sans sacrifier à la qualité de construction ou à la fiabilité. En revanche côté performances, il était affuté pour tenir tête à toutes ses rivales « exotiques ». Vitesse maxi supérieure à 235 km/h.
Les Perana étaient basées sur des Capri 3000 XL, avec des suspensions 40 mm plus basses, des freins de série mais des plaquettes spéciales.
La voiture illustrée ici est une reproduction de la Capri Perana du Team Gunston qui a gagné le championnat d’Afrique du Sud Saloon Cars en 1971 avec Bob Olthoff au volant.

Ford Capri
Ford Capri V8 289 Afrique du Sud – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar
Spa 6 Hours 2021
Ford Capri V8 289 Afrique du Sud – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar

Citroën AX Gr N 1987

Autant on reconnait une Cobra ou une Lola T70, autant de loin, cet engin ?…. Austin Metro, Citroën AX ? Curiosité exotique ? … Il fallait voir. Thierry de Bonhomme en est le sympathique pilote. Evidemment elle est probablement la plus petite voiture de ces Spa 6 Hours, cette AX. Mais pas la moins capée ! Pouvez – vous imaginer qu’à la fin des années 80 elle a participé 5 fois aux 24 Heures de Spa ? Et classée 3 fois s’il vous plait, aux mains du même Thierry de Bonhomme.

Spa 6 Hours
Th. de Bonhome – Citroen AX – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar
Th. de Bonhome – Citroen AX – Spa 6 Hours Paddock 2021 © Olivier Rogar


Note

  1. Voir ici notre interview de Claude Dubois : https://www.classiccourses.fr/magazine/claude-dubois-gentleman-pilote-12/

4.5 2 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notifier de
guest

1 Commentaire
le plus ancien
le plus récent le plus populaire
Inline Feedbacks
View all comments

Contribuez à Classic-Courses

Pour raconter l’histoire de la course automobile, il nous faut du temps, de la documentation, des photos, des films, des contributeurs de tous âges et des geeks qui tournent comme des F1 !

Nous soutenir

Pour que notre aventure demeure bénévole et collaborative et que nous puissions continuer à écrire nos articles au gré de nos envies, en toute indépendance.