Il y a 60 ans disparaissait Peter Collins …
3 août 1958 – 3 août 2018 : il y a 60 ans exactement disparaissait Peter Collins, l’une des plus belles figures du sport automobile des années 50. Aussi bien sur la piste où il s’affirmait comme l’un des tout meilleurs que dans les stands et les réceptions où le couple qu’il formait avec Louise King faisait la joie des photographes et de ce qu’on n’appelait pas encore la « presse people ». Je ne reviendrai pas sur cette belle romance que Pierre Ménard vous a racontée en détail il y a quatre ans (https://www.classiccourses.fr/2014/06/coeurs-brises-2/) dans sa série « Cœurs brisés ». Mais j’ai souhaité rendre hommage à ce pilote emblématique dont le souvenir m’accompagne depuis que j’ai écrit un portrait de lui dans Automobile Historique il y a 15 ans. Plutôt que de retracer encore une fois la trajectoire brisée du pilote, j’ai souhaité vous faire partager les souvenirs vivaces qu’en garde encore aujourd’hui Louise King, vieille dame de 85 ans, à partir de deux interviews récentes que j’ai trouvées sur le Net1 et que j’ai traduites, « mixées » et adaptées pour Classic Courses. En demandant aux lecteurs anglophones d’être indulgents puisque je ne maîtrise pas les subtilités de la langue anglaise (ou plutôt américaine) aussi bien que René Fiévet …
Olivier Favre

La rencontre
C’est au bar du théâtre « Coconut Grove » que Louise et Peter se sont rencontrés. Louise y jouait Sept ans de réflexion. Peter avait donné rendez-vous à cette Louise King qu’il ne connaissait pas, mais dont Stirling Moss – un connaisseur ! – lui avait dit le plus grand bien.
« Je suis arrivée et j’ai trouvé Peter Collins assis au bar avec Bob Said, le pilote américain. Je le connaissais déjà et, pensant que Peter et moi nous connaissions aussi, il ne nous a pas présentés. Nous avons bu un verre et Bob a suggéré que nous allions dîner. Mais Peter a dit qu’il ne pouvait pas partir parce qu’il attendait quelqu’un. J’étais perplexe car je pensais que c’était moi qu’il attendait. Je lui ai donc demandé :
– Et vous attendez qui ?
– Louise King.
– C’est moi Louise !

Le tourbillon
Et tout est parti de là … Nous avons passé la nuit à discuter dans ce bar. Il était si beau, si charmant, tellement plein de vie. Quand il m’a demandée en mariage deux jours plus tard, j’ai dit oui immédiatement. Nous nous sommes rencontrés à Miami le 4 février 1957 et nous sommes mariés le 11 février, sept jours plus tard. C’est fou, non ? C’était en tout cas l’avis de ses parents ainsi que des miens. Mon père est venu de New York pour mettre fin à cette folie et savoir qui était ce pilote playboy anglais qui osait jouer ainsi avec mes sentiments. Mais quand il a rencontré Peter il est tombé sous le charme, tout comme moi ; et il a admis que je ne pouvais pas rêver mieux. Plus tard, quand Peter m’a emmené faire la connaissance de ses parents en Angleterre, ils ont été tout aussi suspicieux : qui était cette actrice américaine divorcée qui leur enlevait leur fils bien-aimé ? Mais leurs préventions sont tombées tout aussi vite.
Avec Peter, la vie est devenue un tourbillon. Nous voyagions d’un pays à l’autre, d’une course à l’autre. J’étais dans le stand pendant la course et le soir, tout ce petit monde se retrouvait à l’hôtel ou au restaurant.

Mon ami Mate
La relation entre Mike Hawthorn et Peter Collins est perçue comme une belle histoire d’amitié, emblématique de cette époque du sport automobile. Mais Louise émet quelques réserves :
Peter et Mike étaient certainement de bons copains. Mais n’oublions pas que ce ne fut réellement le cas que quand ils étaient coéquipiers et compagnons de voyage au sein de la Scuderia Ferrari. Peter était cosmopolite et s’adaptait de façon incroyable aux coutumes étrangères, à la nourriture étrangère. Il était très fort en langues. En l’espace de 3 ou 4 jours, on l’entendait parler espagnol, portugais, français ou allemand de manière très convaincante. A contrario, Mike râlait souvent contre tout ce qui était étranger. Il n’était pas à l’aise avec la cuisine non anglaise. Je pense qu’en fait il ne concevait pas la vie sans pubs anglais. C’est à l’étranger qu’on les voyait toujours ensemble tous les deux. Quand ils étaient de retour en Angleterre, ils ne s’appelaient pas, ne se voyaient guère. Ils avaient tous les deux d’autres amis à retrouver. Bref, il faut relativiser l’intensité de leur relation.

Mille Miglia 1957
Louise commente la photo ci-dessus où elle apparaît au centre en arrière-plan :
Peter Collins et Alfonso de Portago étaient amis et se ressemblaient beaucoup. L’un comme l’autre était décidé à profiter de la vie au maximum. Alfonso n’était jamais seul, il y avait toujours une fille avec lui et pratiquement jamais la même. Cette photo, c’est la dernière fois que nous avons vu Alfonso. Je ne me souviens plus de la réaction de Peter à sa mort. La course était dangereuse et la mort, sans être courante, n’était pas rare. Les coureurs acceptaient les risques parce que c’était la vie qu’ils aimaient. Un jour Peter a commencé à me dire “s’il devait m‘arriver quelque chose …”, je l’ai arrêté tout de suite. Selon moi, il ne fallait pas aborder ce sujet. Je n’étais pas inquiète. Je savais qu’il n’était pas indestructible, mais je me disais qu’il savait gérer les risques.

Nürburgring, 3 août 1958
J’étais dans le stand. J’ai compris que quelque chose n’allait pas quand il n’est pas repassé, mais c’est seulement quand j’ai appris qu’on l’avait transporté à l’hôpital en hélicoptère que j’ai réalisé que c’était grave. Quand j’y suis arrivée, on m’a tendu un téléphone, c’était mon père au bout du fil. Il avait appris l’accident et avait usé de son influence pour en savoir plus. C’est lui qui m’a dit que Peter était parti. Il ne voulait pas que ce soit un étranger qui me le dise. On m’a conduite au sous-sol de l’hôpital pour me montrer son corps. J’ai juste vu son pied dépasser du drap et j’ai dit que ça me suffisait. Je vois toujours ce pied aujourd’hui. Ca ne me quittera jamais. Nous venions d’acheter notre maison, près de celle de ses parents à Kidderminster. Nous commencions à peine notre vie ensemble et tout était déjà terminé.
Ensuite, je suis retournée aux Etats-Unis. Je n’ai eu que 18 mois avec Peter mais cette année et demie fut fantastique. C’était un homme merveilleux : un brillant pilote et un brillant esprit. J’ai eu beaucoup de chance de faire partie de sa vie.

Notes
1. Article de Doug Nye du 9 novembre 2016 : https://www.goodwood.com/grrc/columnists/doug-nye/2016/11/doug-nye-peter-collins/
The Guardian du 3 novembre 2017 – https://www.theguardian.com/sport/2017/nov/03/1957-mille-miglia-ferrari-louise-king-peter-collins
2. Le père de Louise, Andrew Cordier, était un diplomate haut placé à l’ONU.
Photo d’ouverture : © DR
Merci cher ami Olivier pour ce beau reportage . Comme j’en avais déjà parlé à Pierre Ménard , je me trouvais en compagnie de mes deux jeunes tantes , mon grand frère , et ma jolie sœur Marie – Christine au G.P. d’Allemagne 1957 sur le Nürburgring . Ala fin de la course ,en passant par les stands,nous avons rencontré Peter et Mike Hawthorn qui rangeaient leurs vêtements et casques dans leurs sacs .Ma sœur voulu féliciter Mike en lui serrant la main pour sa belle deuxième place derrière le grand Jean- Manuel Fangio , soudain Mike Hawthorn se mit… Lire la suite »
Pour ceux qui aiment cette période du sport automobile, je ne saurais trop conseiller un documentaire récent, paru en 2017 : « Ferrari : race to immortality », avec le commentaire de Doug Nye, (ce qui est une garantie de qualité). Il y a des images totalement inédites (avec un emprunt des images du GP du Maroc 1958 dont nous a déjà fait profiter Francois Blaise, et dont l’origine « « Classic Courses » est dûment créditée à la fin du film). Ce film tourne autour de cinq pilotes (Castelloti, Portago, Musso, Collins, et Hawthorn) et capture très bien l’ambiance… Lire la suite »
Merci René Fievet pour ces précisions et détails fort interessants concernant cette formidable époque du sport automobile que nous avons connu dans notre jeunesse.
Fast and furious. Cette sentence ne peut que s’appliquer avec justesse à cette époque où tout était permis, même de mourir beaucoup trop jeune. Malgré cette présence glaçante de la grande Faucheuse, on ne peut qu’éprouver une fascination sans limite pour ces chevaliers des « temps modernes » qui se battaient avec bravoure et respect au volant de voitures qui ne pardonnaient rien sur des circuits à la beauté inversement proportionnelle à leur sécurité.
Dans les fifties , l’on pouvait aussi mourir agé : à 49 ans comme P.LEVEGH tué en 1955au MANS par HAWTHORN .
Monsieur Richard Jego , un conseil si je peux me permettre ,veuillez regarder ce splendide DVD FERRARI , course vers l’immortalité,vous y revivrez la décennie la plus meurtrière de l’histoire de l ´écurie Ferrari et du sport automobile.
Richard,
Effectivement, tu as raison. La jeunesse n’est pas une excuse. Pourquoi continuer de verser une larme sur Peter Collins et oublier le malheureux Levegh, victime d’un accident dont il n’était pas responsable ? Et pourtant, il y a quelque chose qui appartient à Peter Collins, et que personne ne peut lui retirer : le charisme, le charme. C’est la raison pour laquelle Collins a laissé un souvenir inoubliable. C’est inexplicable, et c’est tant mieux ainsi. Car c’est encore plus beau quand c’est inexplicable.
Oui, jeunes ou moins jeunes, tous les disparus de cette époque redoutable méritent qu’on cultive leur souvenir. Mais il est vrai que Collins, tout comme Cevert, avait ce petit quelque chose en plus qui laisse une trace indélébile, au-delà des considérations de palmarès ou de performance pure.
M.F BLAISE :je l’ai déjà vu dès sa mise en vente et il ne fait que confirmer ce que je pense ( et peut-etre suis je seul ) et ai déjà écrit ici : ENZO a de nombreux morts sur sa conscience . Quant à la décennie la plus meurtière : les sixties furent une grande faucheuse aussi mais l’impact d’ENZO y fut faible par rapport aux fifties , d’accord avec vous .
M.R JEGO : Vous avez raison,j’ai souvent entendu notre regretté et ami Olivier Gendebien nous confier, qu’Enzo Ferrari se faisait un malin plaisir à mettre en rivalité ses pilotes à fin de les stimuler à conduire plus vite !
Olivier je suis entièrement de ton avis concernant ce petit quelque chose en plus que possédaient Peter Collins et Francois Cevert . En ayant eu la chance de pouvoir approcher les pilotes en tant que commissaire de piste international , deux autres pilotes avaient aussi ce petit quelque en plus pour moi , il s’agit de Wolfgang von Trips et de Peter Revson .
Milles excuses les amis , j ‘ai oublié à cette liste le distingue Élio de Angélis .
Eh bien, pour quelqu’un qui dit ne pas maîtriser les subtilités de la langue anglaise, ou américaine, je trouve que tu t’en sors à merveille, Olivier ! Tout est « Classe » – sans jeu de mots aucun – dans ta note, le thème, les photos et la traduction. Et je sais bien toute la difficulté qu’il ya à faire vivre un texte écrit à l’origine dans une autre langue, ça ne sort pas comme celà. Quel bonheur de te lire, continues à nous sortir de tels articles. Je découvre en le lisant qu’on en a fait des tonnes autour de Mike… Lire la suite »
Francis, je viens de lire dans l’Automobile Magazine No 490 d’avril 1987 un intéressant reportage sur Mike Hawthorn écrit par cet excellent journaliste Christian MOITY.Ce journaliste écrit:Il était difficile de d’éclairer la personnalité d’un homme qui, en son temps ,fut parfois mal jugé. Il fut souvent délicat,à partir de nos critéres latins,de comprendre tout à fait un Anglais! Il est quand même des faits , des réactions , que l’on saurait ,honnêtement oublier. Mike Hawthorn garçon brutal , pilote dur et tête folle ? Ce fut parfois apparemment , vrai , mais que l’on nous dise alors comment un pilote… Lire la suite »
Merci Francis, je vais rougir …
Pour la belle photo de Bernard Cahier je me hasarde à reconnaitre de Portago derrière Hawthorn et Collins en 1956 GP de Reims ou de Silverstone? Peut-on connaitre la légende authentique ?
J’adore les devinettes. C’est mon côté enfantin. Le seul véritable indice est la combinaison que porte Collins. C’est celle qu’il portait pendant les saisons 1957 et 1958. Ce ne peut donc être Portago qui disparut avant le GP de Monaco 1957. Je penche plutôt pour Silverstone en juillet 1958. La personne en question est probablement Wolfgang von Trips. J’ai pu vérifier qu’il pilotait avec un polo rouge à manche courte et qu’il portait la même montre. Et je crois deviner, à droite de la montre, des lunettes de pilote de course. Voir aussi photo ci-jointe prise par Graham Gauld à… Lire la suite »
René Fievet vous avez parfaitement résolu cette devinette. De mémoire avec le seul smartphone je pensais qu’il portait la combinaison lors de sa victoire à Reims en 1956. C’est donc bien un autre aristocrate qui se cache derrière, la photo de Von Trips ne laisse aucun doute.
Bingo ! Vous avez la bonne réponse. Il s’agit bien du valeureux Taffy von Trips en polo rouge Lacoste qu’une de ses amie lui a offerte.