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F1 2014 : Le billet de Johnny Rives – Japon 15

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SOMBRE JOURNÉE

Une inquiétante incertitude pesait sur le circuit de Suzuka. Le Grand Prix du Japon avait été interrompu, Jules Bianchi ayant subi un accident apparemment terrible. Mais on ne savait rien de précis, ce qui ajoutait encore aux craintes que l’on pouvait avoir. Jeune pilote plein de promesses au comportement discret, issu d’une famille ayant marqué l’histoire de la course automobile, Bianchi avait, en peu de temps, gagné la sympathie du public autant que celle de ses pairs. Ce qui ajoutait encore à la tension ressentie sur place ou devant les écrans. Toto Wolff, une fois interrompu le Grand Prix du Japon, était allé à la rencontre de son poulain Lewis Hamilton, non pour le féliciter de sa victoire mais lui faire une annonce discrète avec une gravité qui en disait long. Plus tard, dans la salle de repos où les pilotes se rafraichissent avant le podium, on avait vu Nico Rosberg effondré dans un sofa, écrasé par la tristesse. A l’antenne, Julien Fébreau, dépourvu de toute information concernant l’évènement, faisait son possible pour ne rien ajouter à ce désespoir ambiant. Bref, tout le monde avait peur, très peur. On mesurait alors combien, en deux décennies, l’atmosphère des Grands Prix avait changé de ce point de vue. La sécurité est devenue telle, en F1, que lorsqu’un drame survient, tout le monde est désemparé. A commencer par les acteurs. Alain Prost l’a justement souligné, lui qui a connu l’époque précédente et qui a vu disparaître tant de camarades. Quelques heures plus tard, les nouvelles se voulaient rassurantes. Une intervention chirurgicale semblait avoir réussi. Cependant il était clair que quelques jours seraient nécessaires encore pour être totalement rassuré.

                                                           Johnny RIVES.

Prost, toujours lui, a eu raison de parler de tristesse et de colère quand il commenta l’accident. Car si Jules Bianchi était en grand danger en dépit des secours lui ayant été prodigués, c’est bien à cause de ce tracteur qu’il était allé percuter. Sorti au même endroit un tour plus tôt, Adrian Sutil s’en était tiré indemne, sa Sauber ayant bénéficié des éléments de sécurité ceinturant le virage concerné. Alors que Bianchi, lui, a percuté un tracteur venu là au mépris de la plus élémentaire sécurité pour évacuer la Sauber. Un tel type d’intervention n’est pas propre à Suzuka. Il n’est pas rare, sur d’autres circuits, de voir intervenir un tracteur sur les zones de dégagement lorsque se produit une sortie de piste. Jusque là, quoique parfois miraculeusement, cela s’était bien passé. Pas cette fois, hélas… La leçon doit être impérativement retenue.

CHAISES MUSICALES

Hors le doublé – attendu et flagrant – des Mercedes qui dominent leurs rivales en toutes circonstances, pluie ou sec, le GP du Japon a valu par deux annonces aussi soudaines qu’importantes : tout d’abord la décision de Fernando Alonso de quitter Ferrari, éventualité qu’il contestait encore peu de jours auparavant. Et puis, tout aussi brutale et sans doute encore plus inattendue, la décision de Sebastian Vettel de quitter Red Bull, équipe avec laquelle il a été quatre fois champion du monde. Le réflexe général a été d’aussitôt penser qu’Alonso aller probablement trouver refuge chez McLaren (qui utilisera d’inédits moteurs Honda en 2015), cependant que Vettel irait chez Ferrari. Mais Alain Prost, encore et toujours lui, exprima une opinion plus personnelle en imaginant un jeu de chaises musicales plus subtil avec un retour d’Hamilton chez McLaren cependant qu’Alonso prendrait sa place chez Mercedes. Hypothèse intéressante qui n’améliorerait pas, si elle était confirmée, le confort de Button chez McLaren et de Rosberg chez Mercedes… Mais on verra bien.

Tous ces changements – avérés ou supposés – ne peuvent pas être considérés sans avoir une pensée pour des pilotes à la valeur bien établie comme Nico Hulkenberg ou encore Jean-Eric Vergne, une fois de plus convaincants au Japon. Pourtant leur avenir est tout sauf assuré. Outre la sécurité sur laquelle beaucoup a été fait mais beaucoup reste encore à faire, cela pose clairement un problème d’éthique aux responsables de la F1. Mais quelle loi imaginer pour inciter sponsors et directeurs d’équipes à une certaine sagesse ? La mode tend désormais à vouloir chercher de futurs surhommes au berceau – ou presque ! Faut-il l’accepter ou s’en offusquer ?

 

PS.- Pour ajouter une note de tristesse supplémentaire à ce sombre dimanche de Grand Prix, on a appris avec désolation après la course, la mort accidentelle de l’ancien pilote de F1 Andrea de Cesaris, 55 ans, alors qu’il circulait à moto. De Cesaris avait parfois été brocardé pour ses nombreuses sorties de piste au cours de sa longue carrière. Je garde de lui, outre quelques performances mémorables, le souvenir d’un compagnon extrêmement agréable que beaucoup autour de moi ont également apprécié qu’il fût.

Andréa De Cesaris.png

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Johnny Rives

« Lorsque j’ai été appelé sous les drapeaux, à 21 ans, j’avais déjà une petite expérience journalistique. Un an et demi plus tôt j’avais commencé à signer mes premiers « papiers » dans le quotidien varois « République », à Toulon. J’ai envoyé le dernier d’entre eux (paru le 4 janvier 1958) à Pierre About, rédacteur en chef à L’Equipe. Il m’a fait la grâce de me répondre après quoi nous avons correspondu tout au long de mes 28 mois d’armée. Quand je revins d’Algérie, très marqué psychologiquement, il voulut me rencontrer et me fixa rendez-vous au G.P. deMonaco 1960. Là il me demanda de prendre quelques notes sur la course pendant qu’il parlait au micro de Radio Monte-Carlo. J’ignorais que c’était mon examen d’entrée. Mais ce fut le cas et je fus reçu ! Je suis resté à L’Equipe pendant près de 38 ans. J’ai patienté jusqu’en 1978 avant de devenir envoyé spécial sur TOUS les Grands prix – mon premier avait été le G.P. de France 1964 (me semble-t-il bien). J’ai commencé à en suivre beaucoup à partir de 1972. Et tous, donc, dès aout 1978. Jusqu’à décembre 1996, quand les plus jeunes autour de moi m’ont fait comprendre qu’ils avaient hâte de prendre ma place. C’est la vie ! Je ne regrette rien, évidemment. J’ai eu des relations privilégiées avec des tas de gens fascinants. Essentiellement des pilotes. J’ai été extrêmement proche avec beaucoup d’entre eux, pour ne pas dire intime. J’ai même pu goûter au pilotage, qui était mon rêve d’enfance, ce qui m’a permis de m’assurer que j’étais plus à mon aise devant le clavier d’une machine à écrire qu’au volant d’une voiture de compétition ! Je suis conscient d’avoir eu une vie privilégiée, comme peu ont la chance d’en connaître. Ma chance ne m’a pas quitté, maintenant que je suis d’un âge avancé, puisque j’ai toujours le bonheur d’écrire sur ce qui fut ma passion professionnelle. Merci, entre autres, à Classic Courses. »

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JP Squadra

Triste fin pour De Cesaris, attaquant rapide et flamboyant invulnérable en F1.

flugplatz

J’ai mal à la F1, même si cela fait 20 ans que l’on n’a pas perdu un pilote et même si il y a eu des périodes si noires dans ce sport. Ce n’était peut-être pas une raison pour ajouter des risques là où il y en avait déjà beaucoup, par définition…

Marc Gualtieri

Forza Jules !

François Libert

Encore un beau « papier » comme celà se dit dans la profession, de la part de Johnny Rives. Document bien équilibré, factuel, mettant bien en place, à leurs places; toutes les circonstances et responsabilités de chacun dans ce véritable drame qui risque de briser une grande carrière.