12 juillet 2015

Rallye des stations thermales

Si l’on parle du rallye automobile des stations thermales, c’est qu’il est organisé de main de maître par l’Ecurie Automobile du Comminges. Comminges dont Michel Ribet est, avec nombre de passionnés, à l’origine de la renaissance, de la préservation et du souvenir, un musée dont ce sera la principale thématique devant prochainement ouvrir. Mais c’est une autre histoire. Contentons nous pour aujourd’hui de suivre les péripéties, voire le bizutage de Bertrand Allamel embarqué vers le Tourmalet et dont le récit trahit l’appréhension qu’il a eue de devoir sa présence au besoin très pratique de pousser dans les montées….

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« 15 jours de prison, pour avoir pris 36 heures de permission, au lieu des 24 autorisées », me lance un grand gaillard pendant que tout le monde s’affaire autour de la Bugatti T37. Je fronce les sourcils  d’un air interrogateur.

« – Et oui, vous les jeunes, vous connaissez pas ça », rajoute-t-il pour surjouer le conflit générationnel dans un mélange de dépit et de plaisir de transmettre. La Bugatti toussote.

Curieux, et sentant que le gars avait besoin de faire son show, je donne la réplique :

« – Ah non, je ne connais pas, c’est quoi votre histoire ? »

«  – Hé bé, pardi, c’est l’ordre d’allumage des cylindres » me répond-il en roulant les R.

Je ne suis guère avancé, et je me demande ce qu’il raconte, alors je lui adresse une moue perplexe et interrogative.

« 15 jours de prison, pour avoir pris 36 heures de permission, au lieu des 24 autorisées. Ça te donne l’ordre : 15-24-36. 1,5,2,4,3,6. Hé oui, Tout le monde apprenait ça à l’armée, c’était le B.A.-BA. »

Hé oui, comme il dit. Je suis amusé, par sa verve et par la formule. Néanmoins je me défends :  « que voulez-vous, dans nos voitures d’aujourd’hui, on ne peut même plus toucher au moteur ». J’adore stimuler les bavards, « mettre la pièce » et regarder. Bingo ! Ma relance produit l’effet escompté :

«  – ça c’est sûr, tout est électronique. Avant tu pouvais presque tout réparer tout seul. Maintenant ils branchent leur ordinateur, et toi t’as plus qu’à attendre la facture ».

Pendant que je souffle sur ce moulin à parole (je ne sais même pas qui il est), le propriétaire de la T37 commence un peu à s’inquiéter. Non pas que la situation soit désespérée, le moteur est simplement noyé, mais le départ du rallye est dans quinze minutes : « je ne comprends pas, elle m’a jamais fait ça ». D’autres participants viennent voir et proposer leur aide, ou leur matériel. Chacun y va de son petit conseil, pendant que les plus chevronnés de l’EAC (Ecurie Automobile du Comminges, qui organise le Rallye) essaient de sécher les bougies, avant de les remettre et de  connecter les faisceaux d’allumage, dans le bon ordre !rallye des station sthermales 2015,michel ribet,bertrans allamel,eac,ecurie automobile du comminges

Nouvel essai. La T37 hésite un peu, on sent qu’elle se cherche. Puis une forte détonation au niveau de l’échappement, confirmée par le vrombissement du moteur réanimé. Tout le monde applaudit, je sens que ce week-end va être fort sympathique. Je comprendrai par la suite que la panne de la voiture ancienne ravit, d’une certaine manière, le propriétaire : quand il y a panne, il faut réparer, et c’est ce qui est intéressant.

La T37 rejoint le reste du plateau : Amilcar, Rally, Salmson, Bugatti T35, Jaguar, Singer, Austin, Riley, Cobra AC, MG entre autres … et même une superbe réplique Porsche Spyder 718 RSK. Tout le monde est là. Michel Ribet, encyclopédique président de l’EAC, peut démarrer son briefing et lancer officiellement le départ. Le parcours du jour est une mise en jambe : Saint-Bertrand de Comminges (qui figure parmi les « plus beaux villages de France »), puis le Col des Ares, emprunté en avril dernier par les concurrents du Tour Auto. A bord de l’une des voitures ouvreuses, conduite par Michel, j’écoute ses anecdotes sur l’histoire automobile du Comminges. Villoresi, Dreyfus, Chiron, Wimille … Michel a une histoire savoureuse pour chacun de ces champions d’un autre temps qui ont fait la renommée du Circuit du Comminges. J’essaie de me figurer ce que pouvait être à l’époque cette fameuse « Semaine automobile du Comminges » : une semaine de festivités autour de l’automobile. Rallye, course de côté, concours du Km lancé, concours d’élégance, et pour clôturer le tout, le Grand-Prix. Mon imaginaire utilise les voitures d’époques qui sont derrière nous pour rétro-projeter en noir et blanc les histoires de Michel. Ça devait être quelque chose. Et dire qu’aujourd’hui il n’y a plus de Grand-Prix de F1 en France …

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L’étape à Saint-Bertrand nous donne l’occasion de faire de jolies photos : vieilles voitures et vielles pierres se marient bien, d’un point de vue esthétique. L’ambiance est décidément conviviale, et passionnée. Le propriétaire de la réplique Porsche Spyder nous présente son bolide de 450 Kg, qu’il a lui même fabriqué, lorsqu’un coup de sifflet retentit : il est l’heure de reprendre la route. Le timing est tenu à la minute près. Le col des Ares est modestement pentu, mais je suis déjà étonné par l’agilité et la puissance de ces voitures. J’aurai cru qu’il fallait les ménager un peu plus. Quoique le lendemain, quelques-unes allaient souffrir dans le Tourmalet. Pour l’heure, seul un ennui mécanique est à déplorer pour la Singer de 1934, qui a perdu sa roue arrière-droite. La première journée se termine par une soirée festive, célébrant le quarantième anniversaire de l’EAC. 40 ans ! Impressionnant !

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Le samedi, c’est le grand jour. La grosse étape : 212 km, avec au menu le col du Tourmalet (2115m), suivi du col d’Aspin (1489 m). Je suis curieux de voir comment vont se comporter les machines. Ça tombe bien, après le déjeuner au Casino de Bagnères-de-Bigorre, je suis invité à prendre place dans une Rally Salmson de 1932. Direction le Tourmalet. La route, qui passe par Lourdes est plate. Je peux voir le visage des gens que nous croisons et qui systématiquement nous font un signe de la main. Ces vieilles bagnoles inspirent la sympathie et donnent le sourire au public. Le conducteur, assis à droite, leur répond par des coups d’avertisseur. Arrivés à Barèges, ça commence à grimper sévèrement, et la Rally commence à ramer. Le propriétaire m’explique que  ces voitures ne sont pas faites pour transporter deux personnes. Ça, je l’avais compris : pas de place pour mes jambes, collé au conducteur quand il tourne à gauche, et poussé vers l’extérieur quand il tourne à droite.

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Les lacets se dessinent devant nous et annoncent qu’on rentre dans le dur : le Pic du Midi apparaît sur notre gauche, ça devient sérieux. La Rally ne s’en sort pas trop mal, pourvu que son élan ne soit pas coupé par les nombreux cyclistes. Je suis surpris à nouveau par la relative facilité qu’ont ces engins à grimper, lorsque je vois le mercure du thermomètre installé dans le bouchon de radiateur atteindre lui aussi le sommet. Le conducteur ne s’inquiète pas, il suffit apparemment de ralentir un peu pour que le moteur refroidisse. Soit, je profite alors du paysage époustouflant et je m’étonne d’avoir chaud : le moteur dégage une incroyable chaleur que l’on se prend en pleine poire. Le sommet du col n’est plus très loin, un dernier coup d’œil sur la route sinueuse en contre-bas pour voir cette antique procession dans un cadre épique et montagnard. Le mercure du thermomètre redescend en même temps que nous, sur l’autre versant, vers La Mongie où une pause et un regroupement sont prévus. Je comprends pourquoi on ne s’est pas arrêté au sommet pour voir le panorama : il fallait refroidir les mécaniques. La Riley et l’Austin sont d’ailleurs restées sur le carreau. À La Mongie, goûter et rigolade, vérifications et discussions techniques, avant de repartir pour Saint-Lary, charmante station thermale dans la vallée d’Aure, via le col d’Aspin. C’est là que nous dormirons, après un nouveau repas convivial, pour ce qui me concerne aux côtés de Michel Ribet et d’Eric Hélary, venu avec sa MG. Au menu ce soir : l’épopée Bugatti et les 24h du Mans…

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Dimanche, dernier jour, tout est passé si vite. Départ à 10h, pour une ultime ascension jusqu’au Pla d’Adet (1693 m), avant de rejoindre Arreau par une magnifique route à flanc de montagne, puis Saint-Gaudens. J’ai rejoint Michel dans la voiture ouvreuse qui se félicite du bon déroulement de cette édition, et pense déjà à la suivante : l’année prochaine, ce sera l’Espagne. Pour sûr, je reviendrai.

Bertrand Allamel

Illustrations@ Bertrand Allamel
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