19 juillet 2015

Jules Bianchi – La force du destin

Depuis l’arrière-grand-père Roberto avant-guerre, jusqu’à Jules l’année dernière en passant par les frères Lucien et Mauro, les Bianchi ont inscrit durablement leur nom dans l’Histoire de la course automobile. Une histoire qui aurait dû s’arrêter il y a quarante-cinq ans pour cette famille d’origine italienne passé par la Belgique et finalement sédentarisée dans le Sud de la France. Mais peut-on ignorer la puissance de l’appel de la course ?

Pierre Ménard

Au lendemain de la mort de Lucien Bianchi sur son prototype Alfa lors des essais préliminaires du Mans en 1969, la famille Bianchi, déjà durement éprouvée par le terrifiant accident de son frère Mauro l’année précédente sur le même circuit, fit le serment de ne plus s’investir dans cette course automobile si impitoyable. La promesse tint près de quarante ans. Philippe, fils de Mauro, devint alors directeur de la piste de karting de Brignoles. Rien de comparable, le karting n’est pas la voiture, bien moins dangereux. Il répondait simplement à un appel inconscient venu de loin, de très loin dans les limbes familiales. Pouvait-il seulement prédire que son fils, naturellement assis dans un baquet dès son plus jeune âge, deviendrait l’espoir le plus talentueux que tout un pays attendait ?

CC Jules 2'.jpgJules suivait là des traces qu’il ne pouvait ignorer. L’arrière-grand-père Roberto fut mécanicien de Tazio Nuvolari en Italie dans les années trente, puis de Johnny Claes en Belgique dans les années cinquante. Sans être des pilotes de tout premier plan, ses deux fils Mauro et Lucien portèrent haut un nom qui compta dans le sport auto. Surtout Lucien, qui pilota en Formule 1 de 1960 à 1968, avec une belle 3e place à Monaco en 68 au volant d’une lourde Cooper-BRM qui ne valait pas tant d’honneurs. Et qui gagna Le Mans la même année en partageant une GT40 avec Pedro Rodriguez ! Mauro se distingua également en endurance, surtout sur Abarth en 1962 et 1963 avant de devenir un metteur au point très apprécié chez Alpine à compter de 1964. C’est d’ailleurs au volant d’une A220 qui foutait la trouille à tous les pilotes qu’il eut son grave accident au Mans. Puis, Lucien disparu des circuits à son tour, définitivement. Quelque part, Jules Bianchi devait relever le gant.

CC Jules 3.jpg

Après le drame d’Imola, Vivianne Senna interdit formellement à son fils Bruno de courir. Elle ne fit que reculer l’échéance et, qui sait, tua dans l’œuf une carrière qui ne demandait qu’à s’épanouir (Ayrton Senna était dithyrambique dès qu’il parlait des qualités de pilote de son – pourtant très jeune – neveu). Les parents de Jules Bianchi, eurent l’admirable courage de ne pas brider leur fils dans sa passion. Sa mort vendredi dernier 17 juillet n’est que la dramatique résultante d’une conjonction normalement improbable de facteurs de risques. Jules maîtrisait son sujet, il était appelé à de très hautes destinées, surtout après le remarquable exploit d’avoir amené une brouette de fond de hangar à la 9eplace du Grand Prix de Monaco 2014 après s’être tapé deux pénalités durant la course ! Il aurait tôt ou tard intégré la sphère Ferrari, d’abord dans une écurie cliente, puis à la prestigieuse Scuderia.

Certainement… peut-être… on ne peut de toute façon pas écrire une histoire qui n’existera jamais. On peut juste contempler, le cœur étreint par la tristesse, ce jeune visage au sourire si naturel qui semble dire que la vie est belle et qu’elle promet de grandes choses. Et se dire que les sports mécaniques resteront toujours dangereux, quoi qu’on dise, quoiqu’on fasse. Si on n’accepte pas cela, on ne peut pas continuer de regarder le spectacle de ces princes des pistes en toute innocence.

Adieu Jules.

Photos © DR

  1. Jules Bianchi Spa 2014
  2. Mauro Bianchi Chimay 1965
  3. Lucien Bianchi 1968
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