8 janvier 2014

DNF 2013

DNF 2013 : Did Not Finish 2013. Au moment d’attaquer un nouveau millésime et comme il est d’usage, jetons encore un coup d’œil dans le rétro pour évoquer brièvement, en guise d’hommage, tous ceux qui n’ont pu boucler l’année 2013 et dont la disparition, souvent discrète, aura pu échapper aux habitués de Classic COURSES.

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A tout seigneur, tout honneur, commençons par la Scuderia Ferrari, pour laquelle le printemps fut meurtrier : en mars disparaissait Giulio Borsari, un des grands mécaniciens de course du siècle passé. Après avoir notamment travaillé sur la Maserati de Fangio en 1957, il passa chez Ferrari où il fut chef mécano pendant 10 ans et particulièrement lié avec Surtees et Regazzoni. Puis, en avril, ce fut Franco Gozzi, proche conseiller du « Drake » et homme-clé de la Scuderia, et enfin en juin José Froilan Gonzalez, dont le parcours a été retracé en détail par Pierre Ménard (voir note CC du 18 juin dernier).

Gonzalez.jpgTony Gaze.jpgSi « El Cabezon » est de loin le plus connu d’entre eux, trois autres pilotes de F1 nous ont quittés. Par ordre d’entrée en grille : l’Australien Tony Gaze, qui disputa trois Grands prix en 1952 au volant d’une HWM-Alta, après un beau parcours de soldat : aviateur de la Royal Air Force, il abattit 12 avions et participa au débarquement en Normandie. Puis l’Anglais Henry Taylor qui, avant de devenir directeur de la compétition de Ford GB,  remporta le GP de Monaco 1959 de Formule Junior avec une Cooper de Ken Tyrrell et enchaîna sur huit Grands prix sur Cooper et Lotus jusqu’en 1961, avec pour meilleur résultat une 4e place au GP de l’ACF 1960. Enfin, le Sud-Africain Dave Charlton, que l’on vit surtout à Kyalami où eurent lieu huit des onze Grands prix auxquels il participa. Mais il fut surtout, aux côtés des Love, Pretorius et autres Keizan, un pilier du championnat d’Afrique du Sud de F1, qu’il ne remporta pas moins de cinq fois, le plus souvent sous les couleurs de son sponsor Lucky Strike.

Restons dans l’étroit fuseau d’une monoplace « fumeuse » pour évoquer la disparition du Britannique Bev Bond, grand animateur des plateaux anglais de F3 au début des seventies, notamment en 1971 sous les couleurs officielles du Gold Leaf Team Lotus. Quant au Suisse Philippe Favre, décédé début décembre dans un accident de ski, ses bons résultats en F3000 lui avaient entrouvert les portes de la F1. Mais celles-ci s’étaient brutalement refermées sur lui quand l’écurie Leyton House qui l’avait engagé comme pilote d’essai avait fait faillite avant le début de la saison 1991. Plus heureux fut l’Italien Giancarlo Martini : celui qui était l’oncle de Pierluigi et l’ami et associé de Giancarlo Minardi est le dernier homme à avoir piloté en course une Ferrari F1 privée. C’était début 1976 à Brands Hatch (Course des Champions) et Silverstone (International Trophy), sous les couleurs de la Scuderia Everest, qui l’alignait régulièrement en F2.

Guido Forti.pngHenri Julien.jpgPuisque l’on évoque des écuries italiennes, rappelons la disparition de Guido Forti, fondateur de l’écurie Forti Corse, qui fit un bref et peu mémorable passage en F1 en 1995-96. Plus durable mais sans plus de résultats fut la présence d’AGS, quelques années plus tôt. Son patron, Henri Julien, s’est éteint en juillet. Un autre petit artisan français avait tiré sa révérence en avril : le Lyonnais André Marcadier, créateur d’une prolifique lignée de petites voitures de sport en kit qui ont permis à bien des passionnés désargentés de rouler en course à moindres frais.

DGranatelli.jpges constructeurs, passons aux chefs d’écurie : Andy Granatelli, « Monsieur STP« , enfin vainqueur à Indy en 1969 après deux cruelles déceptions les deux années précédentes, est mort il y a quelques jours à 90 ans. Plus près de nous, l’ex-concessionnaire Mercedes Paul-Henry Archambeaud s’est éteint en septembre. On se souvient surtout de sa Lola T70 verte ex-Piper, mais il engagea également des Chevron, Porsche, Alpine pour quelques grands pilotes français (Wollek, Larrousse). Quelques semaines plus tôt, c’est un concessionnaire Jaguar qui avait disparu : John Coombs.jpgJohn Coombs fut un team manager emblématique des années 60 et 70. D’abord en GT et protos, puis en F2 où il fit courir Graham Hill, Jackie Stewart, Piers Courage, Jack Brabham, ainsi que plusieurs Français : Servoz, Depailler et Cevert. Coombs avait débuté comme pilote en 1949 avec les fameux racers 500. C’est dans ce cadre qu’il côtoya toute une génération de jeunes pilotes anglais, parmi lesquels Moss, Collins, mais aussi leur futur manager, Ken Gregory. Décédé le 1er décembre dernier, ce dernier fut un personnage-clé du sport automobile anglais des années 50-60, comme manager mais aussi comme organisateur de courses, co-fondateur de l’écurie BRP (British Racing Partnership) et éditeur de magazines. 

Sean Edwards.pngDans un magazine, il faut des textes et des photos. Rendons hommage à deux autres Anglais qui en fournirent beaucoup : Anthony Pritchard, prolifique auteur de livres sur la course victime d’un accident de la circulation en octobre ; et Nigel Snowdon, disparu en juin. Célèbre photographe ayant couvert la F1 pendant 25 ans jusqu’à la fin des années 80, il côtoya évidemment Bernard Cahier, que son épouse Joan a suivi en juillet, cinq ans après. Poursuivons en ayant une pensée pour tous ceux qui ne peuplent pas les palmarès et les statistiques, mais qui ont pourtant joué, comme Joan Cahier, un rôle éminent au plus près de grands personnages du sport auto : Virginia Williams, femme de Frank, Wilson Fittipaldi senior, père et grand-père de pilotes de F1, Serge Ferté, père d’Alain et Michel, Armand Blaton, dit « Blary« , frère et un temps coéquipier de Jean dit « Beurlys« , mais aussi père de Catherine Ickx. Plus triste car contraire à l’ordre des choses, deux pilotes des années 70 ont perdu leurs enfants, eux aussi pilotes, en octobre, à quelques jours d’intervalle : coïncidence, Emilio de Villota, père de Maria, et Guy Edwards, père de Sean, avaient été réunis comme équipiers lors de la saison d’endurance 1981 au volant de la disgracieuse Lola T600, qui préfigurait le groupe C.

Sur la grille de départ des 24 Heures du Mans 1981, quelques rangs derrière la Lola T600, on trouvait une Ferrari 512 BB blanche engagée pour l’équipage Salmon-Earle-Phillips. Décédé en octobre, Simon Phillips avait déjà participé à maintes courses d’endurance dans les années 70 au volant de barquettes 2 litres. Phil Remington.jpgQuelques mois avant Phillips, c’est l’un des tout premiers Porschistes, lui aussi vu au Mans mais 30 ans plus tôt, qui s’est éteint à l’âge de 92 ans : Gonzague Olivier, brillant en sports nautiques (ski, canot à moteur), fut l’un des pionniers du développement de Porsche en France, aux côtés de l’importateur Auguste « Sonauto » Veuillet. Parmi ses faits d’armes figure notamment la victoire de catégorie aux 24 Heures 1954, en association avec un certain Zora Arkus Duntov, qui n’est autre que le créateur de la Corvette. D’un mythe américain à l’autre : en février disparaissait Phil Remington, « Mister Fix It », le génial maître d’œuvre des Cobra. Deux Français dans une Cobra ? c’était l’équipage Maurice Trintignant – Bernard de Saint-Auban au Tour de France 1964. Le second nommé, châtelain d’Aramon dans le Gard, concessionnaire Porsche puis Fiat et Ferrari, gentleman-driver polyvalent (Le Mans, rallyes, courses de côte) typique des années 60, a (peut-être) retrouvé son grand ami « Pétoulet » en septembre.

Mauro Nesti.jpgLe contraire de la polyvalence, c’est la spécialisation. S’il en est un qui laboura son sillon inlassablement, c’est bien Mauro Nesti. Huit fois champion d’Europe de la Montagne entre 1976 et 1988 (et 17 fois champion d’Italie), « Il Re della Montagna » a fait sa dernière ascension en novembre. De la côte au rallye, il n’y a qu’un pas. C’est toujours une voiture dans la nature, mais avec répétition des efforts et variété des terrains. Et, par leurs profils disparates, les quatre rallyemen disparus en 2013 ne sauraient mieux exprimer cette diversité : Maurice Gélin, navigateur – et souvent vainqueur avec eux – de grands pilotes français : Larrousse, Andruet, Fiorentino, Henry. Maurice Chomat, ancien motard, pilote officiel Citroën à l’époque des Visa 1000 Pistes et vainqueur du Trophée Andros 1991. Eugen Böhringer, champion d’Europe des rallyes en 1962 au volant d’une Mercedes. Et enfin l’homme au turban, le dernier à bénéficier d’une dispense de casque pour raison religieuse, Joginder Singh, ci-devant triple vainqueur du Safari Rallye. Mais le plus incroyable quand on sait ce qu’était un Safari dans les années 60 et 70, c’est qu’il le termina 19 fois en 22 participations ! Pour en terminer avec le rallye, mentionnons aussi la disparition de Guy Goutard, qui fut longtemps dans les années 80-90, vice-président de la FFSA et président de la commission des rallyes à la FISA. Et qui était aussi le père de la fameuse Ronde Cévenole, sorte de Targa Florio française dans le massif du Mont Aigoual.

Allan Simonsen.jpgEnfin, l’évocation de tous ces anciens décédés pour la plupart bien longtemps après leur carrière au volant ne doit pas nous faire oublier qu’en 2013 encore des pilotes sont morts en vivant leur passion. Ainsi, disparus tous deux en juin, à quelques jours d’intervalle, Allan Simonsen et Sébastien Clouzeau nous ont hélas prouvé que le sport automobile reste une activité dangereuse, que ce soit devant les caméras du monde entier lors de la plus grande course du monde, ou dans l’anonymat d’une course de F3 historique.


Olivier FAVRE

Photos @ DR

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