Daniel champion
19 juillet 2022

Les mille inventions de Daniel Champion

Mécanicien il était, mécanicien il est resté.
Champion, après avoir visité le monde entier, s’est pourtant posé là, au pied du Mont St Michel car c’est de là qu’il vient. Sans doute doit-il à ce climat particulier, paradisiaque l’été… mais rude et venteux souvent, son extraordinaire vitalité.
Ce lapin Duracel ne s’arrête jamais !

Eric Bhat

Les Champion

Ils ont le même nom et le même prénom. Elle, c’est Danielle Champion, et il l’appelle Dane. Lui, c’est Daniel Champion, et elle l’appelle Champion. Ils ont deux enfants, nés le même jour, le même mois à la même heure (à un quart d’heure près), mais pas la même année. Six ans séparent l’aîné de la cadette. Ce qui, bien sûr, a fait dire aux copains que les parents n’allaient au turbin qu’une fois tous les six ans, vous connaissez la perfidie des gens qui jacassent. « Champion » et « Dane » retapent de leurs vingt doigts une jolie ferme normande à Carolles, dans la Baie du Mont St-Michel. Quand la ferme sera prête, cet été sans doute, ils pourront y recevoir leurs petits-enfants et les amener à la plage la plus proche.

La Chamalt

Le reste du temps Champion ne va pas souvent à la plage. « On ne m’y a jamais habitué, explique-t-il, moi, ma passion c’était la mécanique et la course automobile ». Ces démons l’ont saisi très vite au sortir de l’adolescence : avec son complice Altmayer ils ont construit la Chamalt de Formule France, grâce à des plans publiés dans le magazine Champion ! Nullement intimidé, Champion, l’apprenti pilote fit péter la poudre et remporta notamment la course de côte de Belbeuf au scratch devant tous les cadors de l’époque.

Chamalt
Daniel Champion et sa Chamalt © Archives personnelles Daniel Champion

Champion, après avoir visité le monde entier, s’est pourtant posé là, au pied du Mont St Michel car c’est de là qu’il vient. Sans doute doit-il à ce climat particulier, paradisiaque l’été… mais rude et venteux souvent, son extraordinaire vitalité.

248 Grand Prix

Ce lapin Duracel ne s’arrête jamais ! Il compte 248 Grands Prix à son actif. Pendant une vingtaine d’années, dix ans chez Renault, dix ans chez Larrousse-Calmels, il a été chef-mécanicien en Formule 1, parcourant le monde au gré du calendrier du championnat du monde. Levé tôt le matin, couché à pas d’heure : cet homme-là n’a besoin que de quatre à cinq heures de sommeil par nuit. Intransigeant vis-à-vis de lui-même, il était intransigeant vis-à-vis des équipes qu’il animait. C’est ce qu’il fallait pour survivre en F1, terre de perfection… et de passion !

Champion
Champion, toujours sur le qui-vive © Archives personnelles Daniel Champion

Aujourd’hui, à 74 ans, il a conservé le même rythme, loin de la F1 (« Le jour où il a fallu démarrer un moteur avec un ordinateur, ça ne m’a plus intéressé, ce n’est pas ma vision de la mécanique ! ») il bricole toute la journée. Il a de quoi faire : entre sa ferme, ses trente voitures, ses vingt tracteurs, et les quatre ponts élévateurs qui sommeillent dans son garage, il a de quoi faire ! S’il possède deux carcasses de modèles identiques, il en cherche aussitôt une troisième pour servir de réservoir de pièces. Un ami à lui, restaurateur en bord de plage, devait déménager son installation les mois d’hiver ; il a fait appel à Champion, qui a malicieusement œuvré : il a transformé la guinguette en grosse remorque, pour que le déménagement soit plus facile. La grande joie de Champion, c’est de trouver des solutions à des problèmes techniques insolubles. Un Professeur Tournesol sans lunettes, sans chapeau et sans surdité, mais malin et inventif pareil.

Stent et clef à molette

La seule chose qui pourrait retarder Champion, c’est la santé. Et encore ! Il raconte sans fard être resté paralysé du faciès pendant plusieurs mois. Il ne cache pas avoir subi (sans séquelles) cinq ou six AVC. Se porte comme un charme, en sachant toutefois que tout est éphémère. Il a eu la chance que Jean-Louis Moncet et Jean Todt, des connaissances du temps des circuits, l’aiguillent vers le professeur Saillant : « Un homme d’une compétence, d’une modestie et d’une gentillesse hors du commun. Il m’a rassuré, et m’a conseillé d’être traité à Caen, dont l’hôpital était remarquable, avec une équipe et un matériel formidables. On m’y a posé un stent dans le cerveau. Et depuis, tout va bien. Je soulève toujours les paupières le matin à l’aube, et je suis heureux de le faire. Puis je fonce ! »

Daniel vit une clef à molette dans une main et un tournevis dans l’autre. Pas quand il dort bien sûr, mais dès que le soleil se lève, il turbine, il ne peut pas s’en empêcher. Outre ses activités chez lui, il court les commémorations sportives automobiles, les cent ans d’Alpine, les éditions annuelles (hors covid) de Rétromobile – il y retrouve tous ses copains ! – les manifestations des anciennes gloires à Magny-cours (il se précipite y saluer Tico Martini qu’il vénère au même titre que Michel Têtu) ou au Mans Classic.

Champion avant Prost

En réalité, ça ne pouvait que bien se passer avec le nom qu’il porte. C’est ce qu’il avait dit à Prost un matin de Grand Prix. Le pilote et le chef mécanicien pissaient côte à côte après le warm-up un jour de Grand Prix, en 1982 ou 1983, et Daniel avait soudain éclaté de rire : « Moi, tous les matins, je me réveille Champion, alors que toi tu cours toujours après le titre ! » Alain avait ri, un peu jaune, parce que ce n’était pas faux du tout à l’époque ».

Alain Prost
Champion et Prost – L’un des deux est déjà Champion, l’autre devra attendre encore deux ans © Archives personnelles Daniel Champion

L’idole de Champion

La vraie idole de Daniel Champion, pour autant, ce n’était pas Prost. Son idole, c’était Didier Pironi. « Sans doute le meilleur pilote que j’ai rencontré, et incontestablement le plus humain ! Le jour où il m’a embauché, il m’a demandé quel était mon rêve. C’était d’avoir mon chez moi. Eh bien il m’a aussitôt prêté l’argent nécessaire pour acheter mon appartement. Je n’ai d’ailleurs pas habité cet appartement longtemps, car ma femme et moi, nous nous sommes installés chez les Pironi. Nous vivions en totale communauté et totale osmose, axés totalement sur le sport automobile.  En Formule Renault-Europe, on gagnait tous les dimanches ou presque.

J’avais inventé un répartiteur de freinage qui a fait merveille. Je l’ai caché pendant un an avec un chiffon, que j’oubliais négligemment sur le pédalier. Puis progressivement le secret a été éventé, et ce dispositif s’est rapidement retrouvé dans toutes les équipes. « Quand plus tard j’ai rencontré Eric Broadley, le concepteur des Lola que nous faisions courir chez Larrousse-Calmels, il était sur le cul quand je lui ai dit que c’est moi qui avais inventé ça en Formule Renault Europe ! «   

Didier Pironi et Daniel Champion gagnaient ensemble tout ce qu’ils voulaient dans les formules de promotion.  « C’est alors que Gérard Larrousse et François Castaing sont venus me chercher pour lancer l’équipe Renault de Formule 1, autour du 1500 V6 suralimenté. Un défi titanesque ! La première coque de la RS 01, Robert Chevalier et moi, nous l’avons fabriquée en 120 heures par semaine pendant trois mois, samedi et dimanche compris. »

Chez Pironi, tout était mis en commun pour gagner, mais ça restait une petite structure à l’esprit mi-famille mi-commando. Au sein d’une grande entreprise, un jour, il a bien fallu quitter la combinaison de mécanicien pour enfiler une blouse de meilleur aloi. « Ce fut le moment le plus difficile de ma carrière » avoue-t-il aujourd’hui. Mécanicien il était, mécanicien il souhaitait rester.

Didier Pironi
En FRE Didier Pironi associait Daniel Champion à ses succès © Archives personnelles Daniel Champion

Pironi lui avait conseillé d’accepter la proposition de Renault : « Pars en F1, je te rejoindrai plus tard ! » avait recommandé Didier. « On a pleuré pendant un mois tellement on travaillait bien ensemble », se souvient aujourd’hui Champion. Les circonstances ne leur ont plus permis de collaborer à nouveau, même quand Didier a lancé son aventure surpuissante sur les eaux : « il m’a proposé de le rejoindre, mais j’étais engagé à ce moment-là dans la réorganisation de l’usine de Viry, et c’est Jean-Claude Guénard qui y est allé… »  On sait ce qu’il advint…

Tambay

Un mot encore, dans cette splendide fresque de sport automobile tricolore. Daniel Champion sait ce qu’il doit à Patrick Tambay, qui l’a rattrapé un jour par les bretelles, si l’on peut dire.  L’histoire remonte à la Formule Renault. L’écurie Colin Montrouge changeant ses objectifs, on propose à Champion… de gérer des camions frigorifiques. Rien d’impossible après la fournaise des grilles de départ, mais une « came » un peu froide. « Tambay l’apprend et m’engueule, se souvient Champion. Pironi cherche quelqu’un pour son équipe. Vas-y ! Une semaine après, je rends visite à Didier !!! » ( Voir Pilote et Gentleman)

Il n’y a pas de hasard dans la vie, rien que des rendez-vous.

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