UN CHATEAU…DE COLLECTION
Prenez un magnifique château dans la région nantaise, lové au coeur d’un vaste parc, et dont le propriétaire, fils d’un collectionneur réputé, est lui-même grand amateur de voitures et motos de collection. Plus encore, amateur des histoires de vie, des aventures humaines qui leur sont liées.
Mettez dans le coup un trio de passionnés et organisateurs d’événements dynamiques sur ce thème, de salons en rallyes, avec des contacts nombreux au sein des clubs de voitures anciennes. Faites infuser les rencontres des uns avec les envies des autres et agitez bien le tout avant de servir.
Conviez du monde (quelque 4000 personnes le samedi, 10000 le dimanche) pour profiter d’un week-end doux et ensoleillé de septembre, avec entrée libre à tous les sens du terme, mélangez à la foule des amateurs de sportives, de populaires, des accros de la moto ou du scooter, d’autres branchés sur les camions ou les tracteurs, des jeunes et des moins jeunes, prévoyez de quoi leur servir à boire et à manger (burger-frites faisant bon ménage avec des plats véganes), jouez-leur de la bonne musique, rock and roll et jazz, et projetez-leur dans une salle réservée quelques films d’histoire automobile pour agrémenter le tout. Vous obtenez le menu – savoureux et épicé – de Goulaine Revival. Nous l’avons dégusté. Visite et rencontres.
Texte Jacques Vassal – photos crédit Sébastien Carles
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Déambulation sans oeillères
Déambulez dans ces larges allées, musardez sur le terre-plein bien garni en mécaniques d’autrefois, découvrez dans une cour annexe d’autres surprises, prenez le temps d’admirer, de comparer, de rencontrer, de discuter. Et cédez au plaisir de voir se croiser, s’entrechoquer même, les époques, les marques, les genres, les modèles prestigieux ou plus humbles, à deux ou à quatre et même six roues, les très vieux (1913 pour la Ford T doyenne) ou les très récents (berlinette Alpine 2021). Avec la satisfaction de sentir à Goulaine Revival une grande convivialité, une absence d’oeillères ou de barrières et, bref, une tolérance bienvenue en ces temps troublés.
Alors, en espérant la sélection assez représentative, dans l’ordre alphabétique et dans le désordre des surprises : Alfa Romeo Spider 2000 et coupé Bertone, Alpine berlinettes A 110 1600 S, A 310 et donc la toute dernière, Austin Mini 850, Mini-Cooper et Cooper S 1300, Austin-Healey 3000, Berliet camion 1962, Caterham Seven, Chausson autocar des lignes nantaises 1950, Chevrolet Corvette C 1 1956 et Corvette Sting Ray 1970, Citroën 2 CV 375, 425 et 602 cm3, De Dion Bouton avec plusieurs autos et même un…vélo de la marque (le marquis De Dion était né à Nantes et venait régulièrement en vacances dans la propriété de son père, qui fut maire de Carquefou, ville qui a acquis deux modèles de 1910 et 1921 – tout cela expliqué par l’association de Dion et Patrimoine), Dodge command Car, Ferrari 308 GT 4, Ford T, A et Mustang coupé 1965, Fordson tracteur 1920, Hotchkiss, Jaguar E coupé 4,2 litres, Lotus Elise, MG A 1600 et B 1800, Mercedes 190 SL cabriolet, Morris Minor, Panhard Dyna PL 17 et 24 CT, Peugeot 203 et 404 cabriolet, Porsche 356, 911, 911 Turbo et 928, Renault Celtaquatre et 4 CV, Simca Cinq, Volkswagen Coccinelle, Kombi et Golf GTI, Willys Jeep 1943… Pour les deux-roues, BSA, Harley-Davidson, Motobécane, Terrot, Triumph … sans oublier les scooters Lambretta (grosse délégation du club régional de la marque) et bien sûr Vespa. Quelque 700 véhicules de collection sur l’ensemble du week-end.
Si vous avez envie de vous détendre un moment à l’abri du soleil, entrez dans la salle où l’on projette en continu quelques films sur les 24 Heures du Mans (annonce de la course du centenaire pour 2023 avec rappels de quelques grands moments passés), un rallye d’anciennes en Loire-Atlantique en 2021 présenté par le journaliste Igor Biétry, le résumé du salon Historic Auto 2022, l’histoire de la Ford T racontée par un Québécois, l’hydrogène pour équiper un proto des 24 Heures du Mans ou encore ce documentaire de 26′ signé Fabrice Maze où Jean Vinatier raconte son épopée avec la R 8 Gordini. Si, encore, vous aimez la musique qui fait bon ménage avec celle des moteurs (en alternance tout de même !), vous resterez le samedi soir pour danser au rythme du rock’n’roll façon Chuck Berry, Jerry Lee Lewis ou Eddie Cochran servi par le groupe nantais Cool Drivers Men, ou le dimanche après-midi pour swinguer au son d’un orchestre de jazz. Et s’il vous reste encore un peu de temps libre, vous discuterez le coup, comme je l’ai fait pour Classic Courses, avec le propriétaire des lieux, puis avec un des organisateurs de cette belle rencontre.
Les anciennes racontent une histoire
Christophe de Goulaine se présente comme « surtout passionné de motos« . Il le prouve en arrivant sur le terre-plein central au guidon d’une Harley-Davidson 1200 cm3 « latérale » de 1942. Son père, Robert de Goulaine, était lui-même grand connaisseur de belles mécaniques, ayant possédé une des (très) rares Pegaso importées en France, ainsi qu’une des deux Delahaye V 12 de la course du Million… qu’un jour il fut obligé de revendre pour financer la réfection du toit en ardoise de son château ! Il a dû se séparer d’autres belles autos, à d’autres moments, pour des raisons similaires.
« Mais, témoigne aujourd’hui son fils, il m’a appris à ne rien regretter, car les autos ne nous appartiennent pas, ce qui compte, c’est ce qu’on vit avec elles. J’ai une passion pour les tracteurs anciens (j’ai amené ici un Fordson) autant que pour les camions, les autos, les motos, depuis mon enfance. Mon père était abonné à La Vie de l’Auto. Le jeudi, quand j’avais dans les 8, 9 ans, je guettais le facteur impatiemment car c’était le jour où on recevait LVA !
Il y avait des visiteurs, collectionneurs qui passaient chez nous, avec une Aston Martin, une Mercedes ou autre et qui m’emmenaient faire un tour. Il y avait aussi des « populaires », 2 CV Citroën, 4 CV Renault, Simca Cinq, que j’aimais et aime toujours beaucoup. Cette passion des mécaniques anciennes et des rencontres qu’elles permettent m’a amené, par exemple, en 2018, l’année de mes 50 ans, à parcourir les Etats-Unis, trois mois et 8000 km, aux commandes de « Bony », une Harley-Davidson 1000 cm3 de 1918 de l’US Army, équipée d’un side-car.
Cette machine avait été, comme tant d’autres, amenée par les Américains dans la France en guerre… puis laissée chez nous après l’armistice. Je dis toujours : vivons des expériences, faisons des voyages, rencontrons des gens. Les véhicules anciens racontent une histoire et les autos anciennes attirent la sympathie. Dans un monde de plus en plus difficile, c’est un des derniers bastions de liberté, avec lequel des gens on ne peut plus différents peuvent se rapprocher, se connaître. » Telle est la raison d’être de Goulaine Revival.
« On roule dans des madeleines de Proust »
Ce n’est pas Charles Hervoüet, l’une des chevilles ouvrières (avec Benoît Chenet et Florian Bompas) de ce « Goulaine Revival », et par ailleurs professionnel du contrôle technique, qui dira le contraire. A lui de nous aider à conclure :
– Charles Hervouët, on vous connaît déjà avec la même équipe pour le salon Historic Auto à la Baujoire. Pour « Goulaine Revival », comment cela s’est-il décidé ?
– Charles Hervouët : On avait la chance de bien connaître Christophe de Goulaine et on a mûri ce projet pendant un peu plus d’un an. On imaginait une sorte de petit Goodwood, malgré l’absence de circuit qui, hélas, fait que l’on ne peut pas montrer les autos en action. Mais à Goulaine Revival il y a cette ambiance champêtre, festive et décontractée à la fois, et la même ouverture à des marques diverses et à des modèles de toutes les époques. Un joli « panel » de voitures. Ce qu’on veut, c’est fédérer les générations. De nos jours, avec l’accès immédiat par internet, Facebook etc., les jeunes vont de moins en moins dans les clubs. D’où l’idée de faire venir les « youngtimers » (autos des années 70, 80 voire 90). On peut rêver d’avoir une Bugatti 35 ou une Ferrari 250 dans son garage, mais ces autos sont rares et hors de prix, alors on se fait plaisir avec des modèles plus abordables mais qui sortent de l’ordinaire. Jacques Potherat, qui fut une sommité dans le monde des collectionneurs, disait déjà il y a plus de vingt ans : « Si on ne met pas nos gamins dans nos autos, on jour on mourra dedans. » Le jeune de nos jours n’a plus besoin de club, en un clic sur internet il peut rejoindre une réunion de GTI tel jour, telle heure dans sa région. A nous de lui donner envie de la convivialité, de l’aspect social et culturel qui va avec l’intérêt pour les voitures de caractère. Ici nous avons des centaines de véhicules d’époque. Que l’on soit sur une vieille Harley ou dans le baquet d’une berlinette Alpine, on a en commun une passion. On roule dans des madeleines de Proust, en fait. J’ai vu un gamin qui a restauré un break Citroën GS, ce n’est pas ma tasse de thé, je lui ai demandé pourquoi ce modèle, il m’a raconté que c’était lié à des souvenirs de virées en break GS avec son grand-père.«
Goulaine Revival : une jolie idée, une rencontre réussie, qu’on espère voir se répéter, ici ou ailleurs.