Le grand-prix d’Australie ne débute plus à quatre heures du matin comme c’était le cas il y a quelques années, mais à six heures. C’est peut-être l’unique raison qui a poussé certains d’entre-nous à tenir jusqu’au bout, les paupières lourdes, pour voir Lewis Hamilton s’imposer avec une sereine maîtrise au terme d’un grand-prix soporifique. A quatre heures, si la course est ennuyeuse, on sombre devant l’écran, ou on retourne carrément se coucher. A six heures, la journée est lancée, alors on tient, dans l’espoir d’assister à un rebondissement ou un retournement de situation.
Bertrand Allamel
Hélas rien de tel ne s’est produit lors de ce premier grand-prix d’une saison qui s’annonce monotone, et monochrome. Bien sûr, on a vu Vettel monter sur la 3e marche. Agréable et prometteuse confirmation plutôt que réelle surprise. On a vu aussi un jeune brésilien mener sa modeste Sauber à une honorable cinquième place, quoiqu’avec un plateau réduit à treize voitures à la fin du premier tour, la performance soit toute relative. Rien à voir avec ces coups de tonnerre ou ces éclosions de talents qui ont marqué par le passé certaines manches inaugurales. Florilège des meilleures surprises de début de saison des années 60-70.
A Monaco, en 1961, Stirling Moss sur sa Lotus-Climax 18 s’impose devant des Ferrari pourtant archi-favorites, et qui domineront d’ailleurs le reste de la saison, permettant à Phil Hill d’être sacré champion du monde.
En 1967, à Kyalami cette fois-ci, le début du championnat est marqué par une double surprise : Pedro Rodriguez l’emporte sur une Cooper-Maserati T81, devant un étonnant John Love, pilote rhodésien, qui mène la course durant treize tours avec sa Cooper-Climax privée. Un podium improbable complété par John Surtees sur Honda, devant Denny Hulme quatrième, mais néanmoins futur champion du monde avec sa Brabham.
À Kyalami toujours, en 1970, la surprise vient de Jackie Stewart, qui réussit à se hisser en pole-position, pour finir à la troisième place au volant d’une surprenante March 701 qui fait ses premiers tours de roue. Premier grand-prix, première pole, et premier podium pour la voiture conçue par l’écurie d’un certain Max Mosley, à l’ouverture de la saison : les organisateurs actuels paieraient cher pour un tel scénario.
Un an plus tard, toujours en Afrique du Sud, c’est Mario Andretti, troisième pilote Ferrari, qui crée la sensation en remportant sa première victoire devant Jackie Stewart (Tyrrell), alors que tout le monde s’attendait plutôt à voir briller en ce début de saison les deux autres Ferrari, celles de Ickx et Regazzoni.
En 72, le Grand-prix d’Argentine est la première manche de la saison, mais c’est également la première course pour Carlos Reutemann qui signe la pole-position devant son public sur sa Brabham BT 34-1. Une performance-surprise (première course – première pole) que seuls Mario Andretti (en 68) et Jacques Villeneuve (en 96) parviendront à réaliser.
En 1973, en Argentine là-aussi, Clay Regazzoni obtient la pole et mène cette première course de l’année durant les vingt-huit premiers tours avec une vieille BRM 160 complètement obsolète, devant les Fittipaldi, Cevert, et Stewart, pour finalement échouer à la septième place.
Enfin, la plus belle surprise de début de saison de cette période 60-70’s est à mettre au compte de l’écurie du canadien Walter Wolf. Construite sur les bases de l’écurie Williams, la toute nouvelle écurie Walter Wolf Racing réussit, en 1977 lors du Grand-prix d’Argentine, l’exploit de remporter sa première course lors de sa première participation. Pilotée par Jody Scheckter et propulsée par un moteur Ford-Cosworth, la Wolf WR 1 fait sensation d’entrée de jeu, et confirme même son étonnant potentiel avec une victoire à Monaco, puis au Canada.
Illustrations : Video Grand Prix Argentine 1977 @ DR Autres photos @DR
Une remarque en ouverture des commentaires.
En sport automobile, le terme écurie est utilisé en rapport avec l’engagement de voitures et de pilotes sur des courses. Je pense donc qu’ici, il serait plus juste d’écrire « pour la voiture conçue par la firme d’un certain Max Mosley », voire « par l’équipe », l’écurie de Max étant, elle « March Engineering ».
Écrit par : Francis Rainaut | 21/03/2015
Merci Bertrand pour ces images, ces bruits et ce très bon rappel.
Quand vous dites : « Construite sur les bases de l’écurie Williams… », cela veut-il dire que Sir Franck avait « cédé » momentanément son écurie à Walter Wolf?
Car l’année suivante, la Williams FW06 qui ressemble en tous points (à moins que ce ne soit l’inverse) à la WR1 sévissait assez brillamment aux mains expertes du fils de Stan Jones…Une 3e place à Long-Beach pour mémoire (à moins que ce soit en 79) et d’autres accessits…
Écrit par : flugplatz | 21/03/2015
Cher Flugplatz , les années 70 étant celles durant lesquelles notre bande de zozos était le plus impliquée, je me permet de mettre mon grain de sel. 1977 est pour Frank Williams une véritable année de transition. Proche de la faillite en 76 il aura la sagesse de céder ses parts à Walter Wolf. Le nouveau boss demandera à Postlehwaite de concevoir un chassis le WR1. Il le fera avec l’aide d’un jeune ingénieur embauché par Williams l’année précédente. Franck Williams fera courir une vieille March en 77 et préparera la saison 78 en demandant à Patrick Head la conception… Lire la suite »
Postlethwaite (*) oblige, la WR1 est pourtant plus proche d’une Hesketh 308 que d’une Williams FW06…
(*) celui qui donnait comme explication à son arrivée chez Hesketh: ‘They got me drunk’
Écrit par : Francis Rainaut | 21/03/2015
Je n’ai pas du tout la même version que Jean-Paul sur ce sujet:mi 75, Frank Williams rencontre Walter Wolf qui deviendra son ami du moment. Le milliardaire Austro-Canadien se met en frais pour son nouvel ami, finançant un moteur,puis deux… A la fin de la saison,Wolf s’aperçoit qu’il possède la majorité des parts de l’écurie « Williams ». Il décide de prendre les choses en mains,rachète à Lord Hesketh,le modèle 308 C, et l’engage,en 76,sous la nomenclature: »Williams FW.05″. A ce stade,Frank Williams est encore le patron. Les pilotes sont Jacky Ickx et l’italien Renzo Zorzi,rapidement remplacé par Michel Leclère. A la mi-saison,Wolf… Lire la suite »
Merci à Jean-Paul, Françis et Michel pour toutes ces réponses si bien argumentées. Vous êtes de véritables bibles… 🙂
C’est ce qui est d’ailleurs particulièrement appréciable dans ce merveilleux « endroit ». Bonne soirée à tous.
Écrit par : flugplatz | 21/03/2015
« ..entre les mains expertes… » aurais-je dû écrire…
Écrit par : flugplatz | 21/03/2015
Pas mal ta rétrospective,Bertrand. Effectivement,les « sixties » et « seventeen » nous ont réservées de belles surprises,en donnant la vedette à des « outsiders ». Je pense,par exemple,à quelqu’un que tu n’as pas cité: Denny Hulme. « L’Ours »(comme il avait été surnommé!)fut un spécialiste des bons débuts de saison. En 71,avec la « Mc Laren M19 A »,il domine l’épreuve avant que des problèmes de suspension ne le rélègue à la 6° place. L’année suivante,il récidive mais,cette fois avec succès:2° en Argentine, victoire à Kyalami. 1973 : il pilote la nouvelle M.23,construite en un seul exemplaire. Il réalise la « pole »,survole la course à Kyalami avant qu’une crevaison ne… Lire la suite »
La vraie belle surprise, Michel, ce fut la Temporada 1979. Mais Chuuut !
Il ne faudrait pas déflorer le sujet, on attend du lourd. Certes, l’auteur n’était sans doute pas encore né pour vivre cela en direct (ou presque), mais bon…
Écrit par : Francis Rainaut | 21/03/2015