Ligier JS5 GP de Belgique 1976
08/07/2025

Ces F1 qui auraient pu… 2e partie

Nous continuons notre parcours dans ce musée imaginaire des F1 qui ne purent concrétiser leurs qualités intrinsèques.
Pierre Ménard & Olivier Favre

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Shadow DN5-Cosworth, 1975, Les Promesses de l’ombre

Peu de monoplaces ont autant promis et aussi peu tenu que cette Shadow, œuvre du renommé Tony Southgate. Deux pole positions en ouverture de saison, Jarier qui survole la course à Interlagos et la perd à quelques tours de la fin sur une panne stupide, une victoire hors championnat (Pryce à Brands Hatch). Et puis … plus rien ! Hormis quelques bonnes perfs aux essais (une autre pole à Silverstone pour Pryce) et des feux de paille en course. Au final, un seul podium et même pas dix points marqués sur l’année, une misère ! Et un immense sentiment de gâchis.

Ces F1 qui auraient pu…  Shadow DN5 1975
Brésil-Interlagos 1975, Jean-Pierre Jarier sur Shadow DN5 © Motorsport

Elle était diablement rapide, cette beauté noire aux faux airs de McLaren M23. Mais qu’est-ce qu’elle était peu fiable ! Ses pilotes ne l’étaient guère plus, d’ailleurs. Combien de sorties de pistes et d’accidents par excès de confiance ou de précipitation. A Monaco par exemple, où Pryce comme Jarier partent à la faute dès le premier tour. Quant à l’écurie de Don Nichols, elle manquait d’organisation et avait trop tendance à trébucher sur des détails de préparation. Ceux qui distinguent une bonne équipe d’un top team. Et quelle idée d’avoir dispersé des ressources loin d’être excédentaires sur la DN7 à moteur Matra ! Une voiture qui n’avait guère de chances de fonctionner, d’autant que Southgate lui-même n’y croyait pas, et qui, de fait, fut un ratage complet.

Ligier JS5-Matra, 1976, Le Grand bain

Pour ses débuts dans le championnat du monde, l’écurie Ligier avait misé sur une voiture fine et simple à mettre au point. Selon Ducarouge, une monoplace « passe-partout ». C’était essentiel pour une entité découvrant un monde inconnu, dont pas mal de circuits. Jacques Laffite, unique pilote, était motivé comme jamais et qualifia sa monture de « facile et pas vicieuse ». Le châssis héritait de la haute technologie Matra dont beaucoup de techniciens avaient été embauchés dans l’équipe. De sacrés atouts, on le voit. Mais aussi des problèmes liés à l’inexpérience.

Ces F1 qui auraient pu…  Ligier JS5 1976
France-Paul Ricard 1976, Jacques Laffite sur Ligier JS5 © DR

Le temps de comprendre le tracé et de peaufiner les réglages durant les qualifications, les séances touchaient à leur fin et Jacques s’élança trop souvent de la deuxième partie de la grille. Dommage car en plusieurs occasions, il tourna dans les temps des leaders. Le V12 Matra F1 fut aussi un facteur de contre-performances : peu fiable dans les premiers grands prix, il manquait aussi de punch et de puissance par rapport à ses concurrents, Alfa Romeo et surtout Ferrari. Laffite pécha également par naïveté lors de certaines occasions cruciales. Ainsi, en Italie où il avait réalisé la pole, il ralentit trop tôt au drapeau rouge brandi par erreur par les organisateurs, ce que ne fit pas Peterson qui gagna l’épreuve. 

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Lola T4-Climax, 1962, Elle n’a dansé qu’un seul été

Bien que les Lola de Formule Junior n’aient guère été convaincantes, le Bowmaker Racing Team (anciennement Yeoman Credit) de Reg Parnell confie à Eric Broadley la construction d’une F1 pour 1962. Quoique probablement entachée d’une erreur de chronométrage, la pole position de John Surtees dès Zandvoort, course inaugurale du championnat, est plus qu’encourageante. Tout comme la victoire du même Surtees à Mallory Park trois semaines plus tard. L’écurie croit même sentir le doux parfum de la réussite au cours de l’été quand Big John se classe deux fois deuxième aux GP de Grande-Bretagne et d’Allemagne. Mais c’est une illusion et malgré la sortie à Monza d’une Mk4A au châssis révisé, la Lola recule sur les grilles et ne finit plus une course. De son côté, la compagnie Bowmaker est en difficulté et réduit son soutien financier, avant de fermer le robinet en fin d’année.

Ces F1 qui auraient pu…  Lotus Climax T4 1962
Grande-Bretagne-Aintree 1962, John Surtees sur Lola T4 © DR

Première réalisation d’un constructeur néophyte à ce niveau, la Lola Mk4 eut la malchance d’apparaître en même temps que la révolutionnaire Lotus 25 et la BRM P57, meilleure F1 jamais produite par la firme de Bourne. Ensuite, son châssis manquait de rigidité, comme le constata dans les stands de Spa un mécano qui souleva une roue de la voiture sans que les trois autres bougent ! Des tubes supplémentaires furent soudés autour du cockpit pour y remédier, mais on peut gager que le bel été de la Mk4 fut plutôt à mettre au crédit de son pilote. Cette première saison de Lola en F1 reste en tout cas la plus convaincante, ses autres incursions dans cette catégorie allant du médiocre (Embassy-Hill en 1974, Larrousse et BMS 15 ans plus tard) au grotesque (Mastercard en 1997).

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Prost JS45-Mugen Honda, 1997, L’Été meurtrier

Elle s’appelait Prost mais en fait, elle était encore Ligier, cette JS45 : Alain Prost avait repris les rênes de « l’écurie en danger » début 1997 et savait que la future Prost F1 à moteur Peugeot n’arriverait qu’en 1998. Il entamait donc son aventure de constructeur avec cette monoplace héritée, dernière de la lignée Ligier. Sans être exceptionnelle, cette voiture était de bonne facture et Olivier Panis en fit la démonstration dès les premiers grands prix. Bien cornaqué par son patron, il grimpa par deux fois sur le podium et plaça son écurie en position idéale pour la suite de la saison. Las ! Une violente sortie de route au Canada lui brisa les jambes ainsi que l’élan de l’équipe.

Ces F1 qui auraient pu…  Ligier JS45 Mugen 1997
Espagne-Barcelone Catalunya 1997, Olivier Panis sur Prost JS45 © DR

Equipe qui n’avait plus de pilote de référence pour faire progresser la voiture et qui dut attendre que le jeune Jarno Trulli endosse le costume de chef de file et ramène tout le monde dans le droit chemin. Ce qui fut fait dans le dernier tiers du championnat, notamment avec une belle course en tête en Autriche durant 37 tours abrégée par une casse moteur. Mais trop de temps s’était écoulé et il fallait songer à 1998. La JS45 appartenait au passé et les énergies devaient être concentrées sur la prochaine AP01 animée par le V10 Peugeot. Reste que sans cet accident de Montréal, la « Prost-Ligier » aurait certainement pu prétendre à la victoire au gré de circonstances favorables.

March 711-Cosworth, 1971, Si loin si proche

Pour la 711, Robin Herd se montra moins conservateur que pour sa devancière, la 701, qui pourtant gagna un grand prix, elle (mais avec Stewart, ceci expliquant cela). Radiateurs latéraux carénés, freins in-board, l’inspiration venait de la Lotus 72. L’emblème de la 711 était bien sûr son fameux aileron avant signé de l’aérodynamicien Frank Costin, qui dira s’être inspiré des ailes du Spitfire de la Seconde Guerre Mondiale. Cinq podiums en 1971, dont quatre deuxièmes places, la 711 était à n’en pas douter une bonne voiture. Fiable, elle était à l’aise un peu partout, à Monaco comme à Silverstone ou à Monza, même sans sa « pelle à gâteau » dans ce dernier cas. Ronnie Peterson dira d’ailleurs de la 711 qu’elle fut la voiture la plus facile qu’il ait jamais eue à piloter.

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Ces F1 qui auraient pu…  March 711 1971
Espagne-Barcelone Montjuich 1971, Ronnie Peterson sur March 711 © DR

Facile, oui. Mais la 711 était également lourde et pourtant fragile. Moins homogène que la Tyrrell, elle ne commença à fonctionner qu’après que son concept calqué sur la 72 fut dénaturé. En outre, March, qui ne roulait pourtant pas sur l’or et de loin, gaspilla du temps et des ressources avec le V8 Alfa. Quant à Peterson, c’était un fantastique acrobate, mais pas un metteur au point, il pilotait ce qu’on lui donnait. Dès lors, il partait souvent assez loin sur la grille et devait batailler pour remonter vers la tête. Il n’en reste pas moins que sous la pluie à Mosport, Ronnie tint la dragée haute à Stewart. Et à Monza, il s’en fallut d’un centième. Mais voilà, ce jour-là Gethin fit la course de sa vie !

Gordini T16, 1952, Le Grand bazar

Difficile d’évoquer cette marque qui fit tant rêver sans aller à l’encontre de vénérations gravées dans le marbre. Amédée Gordini eut le courage d’affronter les constructeurs de son pays d’origine qui régnaient sur les grands prix. Lâché par sa maison-mère Simca, il conçut pour 1952 une monoplace répondant à la nouvelle réglementation basée sur la Formule 2 2 litres. Jolie et légère, elle disposait d’un vrai moteur de compétition, à l’inverse du bloc extrapolé de la série en 1951. Ce six-cylindres en ligne à deux arbres à cames en tête promettait 175 chevaux, à comparer aux 185 du quatre-cylindres Ferrari qui s’annonçait comme l’écurie à battre.

Suisse- Berne Bremgarten 1952, Jean Behra sur Gordini T16 © DR

Là s’arrête la comparaison car la réalité ramena ce chiffre à 155 et explique, en partie, l’impossibilité pour les monoplaces du boulevard Victor de passer devant celles de Maranello. Les Gordini de Behra, Manzon ou bien Bira entretinrent souvent l’espoir de la victoire, victoire hélas noyée dans le cruel manque de fiabilité des productions de la firme hexagonale. Si l’on ajoute à cela la désorganisation chronique (pour ne pas dire autre chose) du « sorcier » et son manque de moyens récurrent, on comprend pourquoi les voitures bleues n’ont pu damer le pion aux rouges. Sauf à Reims en une occasion. Mais c’était une course hors-championnat et beaucoup d’observateurs se sont demandés comment Behra avait ainsi pu montrer ses échappements à Ascari sur une monoplace notoirement inférieure. 73 ans après, le mystère demeure.

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