F1 2015 : Le billet de Johnny Rives – USA 16

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GRAND VAINQUEUR ET GRAND VAINCU

Un instant de relâchement infime dans son effort de concentration et tout s’est effondré brutalement autour de Nico Rosberg. Tout ? On peut le craindre. Cette erreur minuscule risque d’avoir des conséquences énormes. Elle a compromis bien plus qu’une victoire. Laquelle, aussi belle eut-elle été, serait pourtant apparue comme anecdotique dans cette saison où, à une exception près (le G.P. d’Espagne) où Nico a été dominé par Lewis Hamilton. Le drame, car c’en est un, est que les conséquences de cet instant d’oubli, aussi infime fut-il, paraissaient sur le podium du G.P. des Etats-Unis insondables, infinies. Tandis que Lewis ne maitrisait pas sa joie d’être devenu champion du monde pour la troisième fois, le visage fermé de Nico reflétait un malaise terrible. Pire : un profond mal-être. Comme s’il venait de perdre tout espoir de réaliser un jour le grand espoir qui a été sa raison de vivre jusque là. Un malaise si fort qu’il paraissait inhiber Vettel lui-même, plein de retenue dans ses félicitations à l’heureux vainqueur. Et même Hamilton, qui semblait ne pas oser exulter autant qu’il l’aurait souhaité.

                                                                        Johnny RIVES.

Tout avait pourtant bien commencé pour Nico Rosberg. Ou presque. Au départ, il avait commis l’erreur de se préoccuper plus de la Mercedes d’Hamilton que de la sienne. Au lieu de rester bien en ligne sur la droite, ce qui l’aurait amené en bonne position à l’entrée du premier virage, en haut de la côte, il s’était laissé gagner par ce qui apparaît désormais comme un réel complexe vis à vis de son équipier et rival.

Il avait obliqué sur la gauche pour tenter de contenir Hamilton. Peine perdue. Les deux Mercedes abordèrent le virage sur une ligne intérieure – la plus mauvaise. Hamilton à gauche de Rosberg ne pouvait faire autrement, en réaccélérant, que de s’écarter vers l’extérieur. Voilà comment Rosberg se retrouva sur le bas-coté. Les Red Bull en profitèrent pour s’intercaler en 2e et 3e positions entre les deux rivaux. Commença alors une bataille à quatre d’une grande intensité.

Sur lajohnny rives,classic courses,grand prix des usa f1 2015,austin,texas,lewis hamilton champion piste humide, les Red Bull se montraient aussi efficaces que les championnes du monde. Peut-être Kvyat et Ricciardo étaient-ils favorisés par la puissance moindre (moins brutale ?) de leurs Renault ancien modèle ? Tant et si bien qu’après la première intervention de la voiture de sécurité (SC) pour permettre de balayer la piste là où les espérances des Williams et de quelques autres étaient éparpillées en petits morceaux de carbone, Ricciardo se payant d’audace réussissait là où le fougueux Kvyat venait d’échouer : ravir la première place à Hamilton (15e tour). Lequel, préoccupé par l’usure de ses pneus intermédiaires antérieurs était le premier des meneurs à en changer (18e tour). Ses rivaux l’imitaient un tour plus tard.

Tous repartaient encore en intermédiaires sauf Vettel, le seul des hommes de pointe en slicks (mais des durs !) Il ne s’en portait ni mieux ni moins bien. Désormais Ricciardo menait avec 3 secondes d’avance sur un groupe emmené par Rosberg devant Kvyat, Hamilton, Vettel et Verstapen au moment où Raïkkonen allait fâcheusement caresser les barrières. La piste séchant, Ricciardo tombait bientôt sous les assauts de Rosberg (22etour). A cet instant, les pneus n’étaient pas encore déterminants, Rosberg (intermédiaires) et Vettel (slicks) se disputant le meilleur tour.
Rosberg comptait un avantage supérieur à 10 secondes quand la SC intervenait encore (arrêt d’Ericsson, 27e tour).

Hamilton, qui venait de déborder Ricciardo, se retrouvait dans le sillage de son équipier. Celui-ci maitrisait bien le relancement de la course. Mais la SC intervenait « virtuellement » au 36e tour, suite à l’accrochage Ricciardo-Hulkenberg. Ce dont tous, sauf Hamilton et Vettel, profitaient pour passer en pneus « slicks ». Mais voilà que le fougueux Kvyat allait percuter les barrières (42e tour). Cette fois la SC intervenait concrètement, décidant Hamilton et Vettel à changer de pneus à leur tour (c’était le 3e changement pour Vettel, à qui on monta des slicks tendres cette fois). Du coup, Rosberg récupérait « sa » 1ere place… jusqu’à ce 48e tour, maudit pour lui et béni pour Hamilton. Quand une étourderie l’amenait hors piste juste le temps nécessaire à Lewis pour lui subtiliser le fauteuil de leader et s’envoler vers un triomphe aussi réel que symbolique !

FILS À PAPA. – Si la question ne se posait pas à propos de Keke Rosberg, qui a du vivre avec beaucoup de désappointement la défaite de son fils Nico, on pouvait s’interroger au terme de ce Grand Prix extraordinaire, lequel de Jos Verstapen  ou Carlos Sainz senior pouvait se montrer le plus heureux ? Max et Carlos junior ont en effet accompli l’un et l’autre des prestations splendides pour le compte de l’écurie Toro Rosso. Qui, finalement, aura – à l’usure et grâce à l’opiniatreté et la combativité de ses deux néophytes – pris l’avantage sur l’écurie Red Bull, sœur et rivale. Verstapen n’a pas commis de pêché de jeunesse en ne tentant pas l’impossible pour empêcher Vettel de lui subtiliser une 3e place qui devait pourtant être bien tentante ! Un peu plus en arrière, Carlos Sainz junior a sorti le grand jeu. A dix tours de l’arrivée, on le pointait en 10e position. Mais Maldonado, Button et Ricciardo purent mesurer à quel point ils ne l’intimidaient guère au cours d’un sprint mouvementé dont chacun se sortit heureusement sans bobo !

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Johnny Rives

« Lorsque j’ai été appelé sous les drapeaux, à 21 ans, j’avais déjà une petite expérience journalistique. Un an et demi plus tôt j’avais commencé à signer mes premiers « papiers » dans le quotidien varois « République », à Toulon. J’ai envoyé le dernier d’entre eux (paru le 4 janvier 1958) à Pierre About, rédacteur en chef à L’Equipe. Il m’a fait la grâce de me répondre après quoi nous avons correspondu tout au long de mes 28 mois d’armée. Quand je revins d’Algérie, très marqué psychologiquement, il voulut me rencontrer et me fixa rendez-vous au G.P. deMonaco 1960. Là il me demanda de prendre quelques notes sur la course pendant qu’il parlait au micro de Radio Monte-Carlo. J’ignorais que c’était mon examen d’entrée. Mais ce fut le cas et je fus reçu ! Je suis resté à L’Equipe pendant près de 38 ans. J’ai patienté jusqu’en 1978 avant de devenir envoyé spécial sur TOUS les Grands prix – mon premier avait été le G.P. de France 1964 (me semble-t-il bien). J’ai commencé à en suivre beaucoup à partir de 1972. Et tous, donc, dès aout 1978. Jusqu’à décembre 1996, quand les plus jeunes autour de moi m’ont fait comprendre qu’ils avaient hâte de prendre ma place. C’est la vie ! Je ne regrette rien, évidemment. J’ai eu des relations privilégiées avec des tas de gens fascinants. Essentiellement des pilotes. J’ai été extrêmement proche avec beaucoup d’entre eux, pour ne pas dire intime. J’ai même pu goûter au pilotage, qui était mon rêve d’enfance, ce qui m’a permis de m’assurer que j’étais plus à mon aise devant le clavier d’une machine à écrire qu’au volant d’une voiture de compétition ! Je suis conscient d’avoir eu une vie privilégiée, comme peu ont la chance d’en connaître. Ma chance ne m’a pas quitté, maintenant que je suis d’un âge avancé, puisque j’ai toujours le bonheur d’écrire sur ce qui fut ma passion professionnelle. Merci, entre autres, à Classic Courses. »

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olivier

Merci Monsieur Johnny Rives pour cet article équilibré et objectif, le meilleur que j’ai pu lire en comparaison avec tant d’autres depuis la fin du Grand Prix d’Austin, dimanche dernier. Toutefois, il me semble que, sauf Vettel qui avait chaussé des pneus sticks (soft), la plupart des pilotes avaient des pneus sticks (médium) non des intermédiaires dès leur premier pit stop. On ne saura jamais si Rosberg aurait pu gagner la course à Austin s’il n’avait pas commis son erreur! Hamilton disposait de pneus neufs, il se rapprochait de Rosberg, l’écart n’était plus que de 600/1000ème avec Hamilton au 48ème… Lire la suite »

olivier

Excellente analyse de l’incident du premier virage Johnny ! Comme le dit Rocktau, vous êtes largement au dessus de ce qui s’écrit à droite et à gauche, autrement dit sur les trajectoires de vos « chers » confrères. Sur ce point et les autres, vous leur faites tous l’intérieur. Concernant les fils à papa, au contraire de Rosberg qui n’était pourtant pas loin de rendre une copie parfaite (on ne saura jamais si ses pneus auraient tenu face à « Ham »), c’est vrai que les deux « petits morveux » de la Scuderia Tost ont livré de très très belles batailles et décrochent un magnifique… Lire la suite »

olivier

Merci pour tout. Et d’accord sur tout, concernant les « juniors » – dont votre mot sur Button qui en a déçu plus d’un en ne prenant pas sa retraite! On se demande pourquoi les jeunes (?) sont gourmands de voir s’éclipser les anciens. Et je sais de quoi je parle…
Écrit par : Johnny Rives | 28/10/2015

olivier

Johnny, merci pour cette nouvelle analyse brillante et sensible. Webber ne s’est jamais remis du titre manqué de si peu en 2010,et il ne fut ensuite que l’ombre contrariée de Vettel. Clay Regazzoni s’inclinera en 1974, et il n’y en aura plus alors que pour l’autrichien. Stirling Moss sera un équipier heureux du Maestro en 1955, et il ne connaîtra plus que la seconde place au championnat . Et que dire de Coulthard, Patrese, Reutemann,Berger,et le merveilleux John Watson. Il sera bientot difficile à Rosberg,malgré son évidente vitesse,de ne pas songer à la dernière année de son père en formule… Lire la suite »

olivier

Bravo et merci pour cette fine analyse, cher « CD ». Quel bonheur d’avoir des lecteurs de qualité – vous comme ceux qui s’expriment généralement ici.
Écrit par : Johnny Rives | 28/10/2015

olivier

Tout à fait d’accord avec vous cher CD ycompris de ces rappels des (Brillants?) seconds on peut même y ajouter la fin de la carrière de Piquet senior cela étant Rosberg et piquet pères ont été champion du monde. Pour ce qui est de l’époque je regrette que Rosberg fils dont j’apprécie plus la tenue que celle plus, disons, expressive du champion du monde. On y ajoutera que Rosberg fils aura toujours « buté » sur Hamilton c’est Félicien Marceau qui dans l’homme du roi » disait que certains mesurait ce en quoi il n’avait pas réussi pour avoir toujours été surpassé par… Lire la suite »

olivier

Stirling Moss dans cette énumération de « seconds » ? N’était il pas unanimement considéré comme le meilleur, y compris par ses pairs, après la retraite du Maestro et jusqu’à son accident de Goodwood en 1962 ? A votre liste, en revanche, on pourrait ajouter le plus infortuné de tous, Rubens Barrichello, qui a vu six fois son coéquipier accéder au titre : Michael Schumacher de 2000 à 2004 et Jenson Button en 2009 !
Écrit par : Luc Augier | 29/10/2015

olivier

Il sera dit que l’analyse de Mister CD est d’une belle fluidité, complétant le regard toujours éclairé de Johnny Rives. En définitive, le seul a avoir reussi à sortir de son statut de « second » reste encore le timide Denny Hulme – the « Bear » – en 1967. Il ira d’ailleurs au bout de sa logique en changeant d’écurie dès l’année suivante. Dans une moindre mesure, et dans des circonstances plus tragiques, Phil Hill s’est imposé à Von Trips (mais y avait-il un vrai numéro un ?), ne parlons pas de Graham Hill en 1968. Concernant Coulthard, tout le monde se souvient… Lire la suite »

olivier

Luc, je partage bien sûr votre point de vue sur Rubens Barrichello et le génie de Stirling qui aurait mérité d’être couronné plusieurs fois. Cependant.. Dés les premiers instants chez Mercedes avec le Maestro,que dis-je les trente premières minutes d’essai avoue Stirling Moss,il dit avoir perdu ses illusions face à celui qui était une demi-seconde plus rapide que lui sans forcer alors qu’il avait piloté comme si sa vie en dépendait.. « À ce jour, j’ai cessé de l’affronter. Je suis devenu contemplatif ». Malgré Aintree et ses mystères , et sans doute les uniques dépassements de Moss sur celui qu’il appelait… Lire la suite »

olivier

L’un de mes meilleurs souvenirs : à l’automne 1973, je préparais un numéro spécial de Moteurs consacré aux quatre « Grands » : Fangio, Moss, Clark et Stewart. Bernard Cahier m’avait aidé en organisant à Monza, le soir des premiers essais, un dîner avec Fangio et Stewart. Moss n’avait pas pu venir et Cevert s’était joint à nous. Je passe sur le fil de la conversation, que j’avais à l’époque relatée dans le magazine, mais deux anecdotes me reviennent en mémoire. A propos du GP d’Argentine 1955, Fangio nous avait raconté : « nos pédales de freins étaient si dures que Stirling avait… Lire la suite »