Charade 1970
Circuit de Charade, près Clermont-Ferrand, le 5 juillet 1970
(Toccata pour orgue et échappement harmonique https://bit.ly/3f2oUKA)
S’il n’attire pas l’attention des gendarmes en dépit de son brassard manifestement faux, le quidam aimante en revanche la caméra de Jacqueline Beltoise.
Il inscrit sur le dépoli de la Beaulieu 16 mm son tee-shirt frappé d’une réclame pour Champigneulles qui montre, adjointe à la bouteille, une grande fille blonde dont les formes sculpturales sont lourdement dévaluées par le bide du resquilleur.
« Vise son chapeau ! » jette Thierry Bovy, de l’agence DPPI qui braque son caillou de 1 200 sur ce qui est l’Équipe de la veille pliée en bicorne dont la manchette laissée lisible, MERCKX SURPRE…, évoque le Tour de France.
L’homme fait pitié en tentant de suivre au filé à l’aide d’un misérable Brownie Flash la Matra MS 120 de Jean-Pierre Beltoise négociant le gauche menant au tertre de Thèdes. Soudain.
Ickx ne passe plus ! putain ! hurle comme un seul homme la poignée de happy few qui a investi ce balcon en forêt qu’est Thèdes. Jacqueline délaisse le loustic d’en face, braque au jugé sa Beaulieu sur la tache bleue qui lui offre son train arrière barré des deux réservoirs d’huile.
Une joie intense la parcourt. Charles son frère l’attrape par le cou. Jabouille se tend, les nerfs à fleur de peau. Seul Johnny Rives garde son calme, il griffonne sur son grand cahier.
15e tour. La pierre qu’a avalée aux essais la Ferrari 312 B de Jacky Ickx a fait des ravages jusqu’à une soupape qu’elle a tordue. Le flat 12 fume, lâche prise.
Le duel qui a opposé l’an dernier ici-même les deux hommes n’aura pas lieu.
Beltoise passe devant la ligne de stands accompagné par l’immense clameur du peuple de France communiant à une possible première victoire française en Grand Prix depuis 1958.
JPB est seul, quinze secondes d’avance sur Rindt. L’Autrichien n’a pas mal au coeur cette année mais sa lèvre est blessée, conséquence d’un caillou giclé par les énormes Goodyear G20 de la Matra aux essais.

Pour la deuxième fois Jean-Pierre est en tête d’un Grand Prix.
Tout autour du circuit on échafaude des hypothèses, partout sauf dans le cockpit surchauffé de la MS 120 qui dévale la terrifiante pente de Gravenoire, enfilant les S mortels que dessine la piste faite de routes départementales hissées au statut de circuit international de F1 par une époque d’une audacieuse liberté.
Par places, accrochés au flanc de volcans cent fois millénaires, des spectateurs campeurs hurlent au passage en contrebas de la Matra bleue soudainement en tête. Leurs vivas sont avalés par les modulations phoniques que les deux gros mégaphones projettent jusqu’au Puy de Charade. Elles electrisent hommes et bêtes, levant les poils sur les bras, figeant sur place écureils et martres.
Gravenoire, cette immense courbe à droite, juge de paix du niveau de Burnenville ou des Six-Frères, est passée à fond par Beltoise.
Dans la montée sinueuse vers Champeaux, il checke ses températures et pressions. Water ok, oil ok.
A défaut de caméra embarquée, l’imaginaire travaille à une représentation de ce que JPB perçoit, filant à 220 à l’heure, assis à 80 cm du sol, sur une route que la vitesse rétrécit à la largeur d’un fil de funambule, frôlé par des murailles volcaniques desquelles dégringolent des pierres qui percent les pneus, aveuglent les pilotes.
Murailles auxquelles l’Automobile-club d’Auvergne a confié le soin d’assurer la sécurité en l’absence de rails métalliques.
Personne dans ses rétros quand il rentre ses rapports à l’épingle du Petit Pont. Il enregistre au vol Jacqueline qui le filme à l’entrée de Thèdes, et en remettant les gaz en sortie, il capte un type qui l’accompagne en filé avec un appareil genre Brownie Flash, il a reçu le même pour ses douze ans.
23e tour. Rindt se rapproche. Beltoise fatiguerait-il comme le pensent les Anglos-Saxons à cause de son bras gauche bloqué qui ne fait qu’accompagner le mouvement du volant ?
Rives a depuis le bord de la piste décelé une crevaison lente du pneu arrière droit ; il fait signe au pilote qui lui ne se rend compte de rien.
Remontant sur Paris à fond la caisse au volant de R8 G ou de Simca 1000 Rallye, les spectateurs se calent sur Inter à 20 h. Catastrophe aérienne à Toronto, 110 morts, le Danois Morgan Frey, vainqueur de l’étape du jour, et puis Thierry Roland : https://bit.ly/2NKZvt7
Un demi-siècle plus tard jour pour jour, les humanoïdes du temps renoueront avec leur ersatz de F1, en Autriche, où des employés modèles, lisses comme des savonnettes, auront plus à craindre une mauvaise grippe que les faibles risques induits par des véhicules quasi virtuels.
Image © DPPI, in L’Année automobile 18, 1970/1971 – avec 7 Jours à Clermont et Charade Heroes, à Circuit de Charade.
Les trois dernières lignes sont déplacées et je souhaite à M.VATAN de ne JAMAIS attraper ce qu’il appelle » une mauvaise grippe « .
Fantastiques qualifs hier avec un extra terrestre HAMILTON et 20 pilotes de talent : Impossible de ne pas apprécier et admirer leur talent .
Nos articles sont le fait de personnes dont les réalisations et les parcours nous font honneur.
Nous sommes tous là pour le plaisir de partager notre passion.
Il se trouve que vos commentaires sont en opposition avec cette philosophie.
Vous censurez, critiquez et êtes désagréable avec des gens qui ne demandent rien, n’ont rien à prouver.
Je vous l’ai déjà fait savoir. Je vous informe que tout commentaire s’en prenant aux personnes sera intégralement supprimé du site. Et si vous persistez, vous serez simplement banni.
Au regret qu’un attitude irréfléchie de votre part face de moi un censeur.
????!!!
Pourquoi ?
il faut ne pas connaître Patrice Vatan pour tenir de tels propos ou alors c’est de la bêtise….
Magnifique texte de Patrice Vatan. Certains l’élèveront au rang d’écrivain classique. D’autres se méprendront sur le sens… On fait partie de la première catégorie. Le reflet d’un temps où la course était aussi incertaine qu’acceptée. Par ceux qui la pratiquaient et par ceux qui y assistaient. Je ne parle pas des accidents mais de la fiabilité aléatoire. Des mécaniques, des transmissions, des pneus. Le taux d’abandons était élevé. Gagner ne relevait pas seulement de la voiture ni du talent mais aussi d’une certaine chance. Les français en manquèrent souvent. Beltoise puis Jarier particulièrement en ces années 70 pour la F1.
Comme disait jadis mon prof de français pour nos pensums : » ne vous cantonnez pas au sens propre , élargissez au figuré, entretenez la symbolique pour enrichir votre écrit »…
Jusqu’à présent, on connaissait la police de la pensée : le politiquement correct, le moralement correct, auxquels il faut ajouter depuis quelque temps le mémoriellement correct, qui déboulonne les statuts. Faut-il maintenant faire place à la police du vocabulaire ? L’entreprise l’OREAL a récemment décidé de bannir les mots « blanc », « blanchiment », « clair » de ses publicités. Et maintenant, on devrait s’interdire de dire, sur le ton de la légèreté, que quelqu’un risque d’attraper « une mauvaise grippe ».
Je trouve que l’atmosphère devient lourde, et même pesante, depuis quelque temps.
M. VATAN, continuez à nous donner du plaisir avec vos textes toujours aussi intéressants. Que dire de la (du) critique? c’ est toujours le même, qui n’ aime rien et qui sait tout sur tout et sur tout le monde. Pas d’ autres commentaires.
La liberté d’expression est un bien précieux, censurer est une méthode totalitariste… Il est interdit d’interdire… Comme on disait en 68. Supprimer un commentaire injurieux, raciste, irrespectueux etc… est une évidence. Mr Jego juge quelques mots déplacés, il n’y a pas de quoi fouetter un chat … Les lecteurs de CC en ont pris la mesure, ils n’ont pas besoin de « modérateur » pour cela. Même Mr Vatan j’en suis certain ne s’offusque pas du com de Mr Jego, il sait certainement faire la part des choses lui qui s’amusait beaucoup jadis de son « étroitmousquetaire »!
JPB virtuose sur l’une des pistes les plus exigeantes de l’époque : Patrice Vatan nous permet de revivre ces instants passionnés. Je rejoins M. Jego pour décerner une palme d’extra-terrestre à Lewis Hamilton.
Bonjour à tous, je le redirai à chaque fois que j’en aurai l’occasion, Patrice Vatan est un conteur captivant, et comme en plus il s’efforce de ne pas faire descendre de leur piédestal les idoles de mon enfance que sont JPB et tous ceux qui sont cités ici …
M Vatan écrit bien, ses récits sont passionnants et donnent une idée de l’ambiance d’une époque révolue. Excellent ! More please.