6 janvier 2018

DNF 2017

C’est une tradition : je vous propose à l’aube d’une nouvelle année de rendre un dernier hommage aux grandes figures du sport auto qui ont disparu en 2017.

Olivier Favre

 

En ce millésime 2017, la Grande Faucheuse fut particulièrement active dans les rangs des ingénieurs et patrons d’écurie. Parmi ceux-ci, le décès le plus marquant fut évidemment celui d’Eric Broadley en mai dernier. Classic Courses lui a rendu hommage il y a quelques mois : CC-Eric Broadley. Mais il y en eut d’autres :

  • Tom Tjaarda fut l’un des grands designers automobiles du XXe siècle. Américain d’origine néerlandaise, il accomplit toute sa carrière en Italie, d’abord chez Ghia et Pininfarina, puis à son propre compte. On lui doit notamment les formes de la De Tomaso Pantera ainsi que celles de la première Ford Fiesta.
Tjaarda

Tom Tjaarda

  • Roy Lunn est mort également durant l’été. Parfois surnommé « le père de la GT40 », cet ancien pilote de la Royal Air Force avait débuté sa carrière chez AC puis Aston Martin avant de rejoindre Ford pour y diriger Ford Advanced Vehicles. Il sera ensuite directeur de la recherche et du développement chez Jeep, où il lancera le Cherokee XJ, précurseur des actuels 4×4 et autres SUV qui encombrent les rues de nos villes.
Eric Broadley et Roy Lunn avec John Wyer

Eric Broadley et Roy Lunn avec John Wyer

  • Alan McCall était néo-zélandais mais, installé en Angleterre, il fut d’abord l’un des mécanos de Jim Clark chez Lotus avant de se faire remarquer en concevant les Tui de F3, F2 et Formule Atlantic au début des seventies. Engagé ensuite par les frères Pederzani pour construire une Tecno F1 monocoque pour 1973, il quitta le navire avant même la première course de sa voiture. On le vit ensuite aux Etats-Unis, en Formule Atlantic et en Indycar.
  • Walter Näher était l’un des ingénieurs ayant participé à la conception de la 917. Sa connaissance intime de « la bête » lui avait permis d’écrire il y a quelques années un livre qui fait autorité sur le sujet.
  • En France, nous avons perdu un grand motoriste, Georges Martin. Après avoir débuté sa carrière chez Simca, Martin réalisa chez Matra ce fameux V12 qui mena les protos à deux titres mondiaux et ravit les oreilles des spectateurs durant près de 15 ans.
G. Martin

Georges Martin avec Johnny Servoz-Gavin

Pour faire le lien entre les techniciens et les patrons, évoquons la disparition de Georges Benoît, qui avait commencé comme mécano de Pierre Maublanc tout en ne dédaignant pas le pilotage. Mais son nom est surtout associé aux BMW qu’il engageait dans le championnat de France Production. C’est au volant d’une 3.0 CSi préparée chez lui que Beltoise décrocha le tout premier titre de cette nouvelle formule en 1976.

De l’autre côté de l’Atlantique, ce sont cinq patrons qui ont définitivement lâché les rênes :

  • Originaire de Fort Lauderdale (Floride), Preston Henn avait fait fortune à partir d’un cinéma « drive-in » devenu un immense marché aux puces, le Swap Shop, qui passe pour être la 2e attraction touristique de Floride après Disneyworld. C’est à partir des années 80 qu’il se fait connaître en endurance en tant que propriétaire-pilote engageant des Porsche. Avec un certain succès puisqu’il remporte les 24 heures de Daytona en 1983 et 1985 et les 12 Heures de Sebring (1985), trois victoires obtenues avec, entre autres, Bob Wollek et AJ Foyt. On le voit également au Mans où sa 962 pilotée par Jean Rondeau et John Paul Jr obtient une belle 2e place en 1984.
Preston Henn

Preston Henn

  • Profil similaire pour Bruce Leven, autre concurrent américain dans les courses IMSA des années 80 avec son team, le Bayside Disposal, du nom de son entreprise de collecte et traitement des déchets créée dans les années 60 à Seattle. Avec à la clé trois victoires aux 12 Heures de Sebring en 1981 (Porsche 935 avec Holbert et Haywood), 87 et 88 (Porsche 962 – Mass-Rahal puis Stuck-Ludwig).
Bruce Leven

Bruce Leven

  • Plus connu en Europe, l’énigmatique Don Nichols avait combattu durant la Seconde Guerre Mondiale et la guerre de Corée et participé à la création du circuit japonais de Fuji ; mais il était surtout le créateur de l’écurie Shadow, dont les faits d’armes majeurs sont une victoire en F1 (Autriche 77) et un challenge Can-Am (1974).
Don Nichols

Don Nichols

  • Encore plus « européen » fut Peter Schutz. Appelé par Ferry Porsche pour diriger la marque en 1981, cet Américain dont la famille avait fui l’Allemagne nazie reste connu comme celui qui sauva la 911, à l’heure où à Zuffenhausen on misait sur les modèles à moteur avant.
  • Enfin, Robert Yates était un éminent concurrent du championnat NASCAR (57 victoires et un titre en 1999 avec Dale Jarrett) après avoir commencé son parcours comme mécano et motoriste.
Joe Leonard

Joe Leonard

Puisque nous évoquons la NASCAR, notons aussi la mort de Pete Hamilton, vainqueur des 500 Miles de Daytona en 1970. Et restons aux Etats-Unis pour signaler la disparition de deux pilotes ayant largement contribué à la légende d’Indianapolis :

  • Jim McElreath : Rookie of the year en 1962 (6e), il sauve l’honneur américain en terminant 3e derrière Graham Hill et Jim Clark en 1966, son meilleur classement sur le brickyard en 15 participations entre 1962 et 1980.
  • Joe Leonard : multiple champion des Etats-Unis à moto, il passe ensuite sur 4 roues. Il compte neuf participations consécutives aux 500 Miles, avec deux 3e places (1967 et 1972). Mais on se souvient surtout de lui lors de l’édition 1968. Parti en pole, il fut très près de l’emporter avec la cunéiforme Lotus 56 à turbine qui le lâcha à quelques tours de l’arrivée alors qu’il était en tête. Il dut mettre un terme à sa carrière après un très grave accident en 1974 sur le super speedway d’Ontario.

Maintenant que nous parlons de monoplaces, passons à la Formule 1. Huit pilotes vus au moins une fois en F1 nous ont quittés en 2017. Classic Courses a déjà rendu hommage aux deux plus connus, John Surtees (CC-John Surtees) et Leo Kinnunen (CC-Leo Kinnunen). Les six autres sont, par ordre chronologique :

  • l’Ecossais Ian Stewart (aucun lien avec Jimmy et Jackie) participa à un seul Grand Prix de championnat du monde, à Silverstone en 1953 avec une Connaught. Pilier de l’Ecurie Ecosse, cet homonyme du pianiste des Stones eut plus de réussite en endurance, notamment en 1953 au volant d’une Jaguar C (2e des 1000 km du Nürburgring et 4e des 24 Heures du Mans.
  • l’Anglais Mike Taylor ne disputa lui aussi qu’un seul Grand Prix, à Aintree en 1959 (Cooper). Mais lors de sa seconde tentative à Spa l’année suivante il fut bien près d’être avec Alan Stacey et Chris Bristow le troisième mort de ce terrible week-end où Stirling Moss se blessa lui aussi. Sérieusement atteint, sa carrière prit fin, mais il gagna le procès qu’il fit à Colin Chapman suite au bris de la colonne de direction de sa Lotus 18 lors des essais.
  • Tim Parnell, fils du grand Reg, fit lui aussi ses débuts en championnat à Aintree en 1959, mais il ne parvint à se qualifier qu’à son 2e essai en 1961, sur ce même circuit, avec une Lotus 18 de l’écurie paternelle. Il prendra en 1964 la suite de son père, décédé prématurément, à la direction de l’écurie qui engagera des Lola, Lotus et BRM jusqu’en 1969. Puis il dirigera BRM avec Louis Stanley, dans les dernières années de la firme de Bourne.
Tim Parnell

Tim Parnell

  • l’Italien Massimo Natili prit lui aussi son premier (et unique) départ de Grand Prix à Aintree en 1961, au volant d’une Cooper-Maserati de la Scuderia Centro-Sud. Il peut d’ailleurs prétendre au titre de « plus court pilote F1 de l’histoire » puisque sa boîte cassa dès le premier tour. Hormis aux essais de Monza deux mois plus tard, on ne le vit plus ensuite qu’en Formule Junior et en F3
  • c’est encore et toujours en Angleterre, mais en 1975 à Silverstone, que le Néo-Zélandais John Nicholson disputa son unique Grand Prix de championnat du monde, au volant de sa Lyncar-Ford. Bon pilote, Nicholson s’était d’abord et surtout signalé par ses talents de mécano chez McLaren, avant de s’établir à son compte comme préparateur de moteurs, en particulier les Cosworth DFV de plusieurs écuries F1. Il se tourna ensuite vers les courses de bateaux.
John Nicholson

John Nicholson

  • le Belge Patrick Nève débuta en championnat du monde lors de son GP national en 1976, au volant d’une Brabham-RAM de John McDonald. Engagé par Frank Williams pour la saison 77, il parvint à qualifier sa poussive March en huit occasions, terminant à la porte des points à Monza, son meilleur résultat en F1. On le vit ensuite dans des courses de tourisme jusqu’au milieu des années 80.
Patrick Nève

Patrick Nève

Pour clore ce chapitre, citons ici un pilote F1 de fiction : Brett Sinclair, dans Amicalement vôtre. Que ce soit dans cette série avec son Aston Martin ou auparavant avec la Volvo du Saint, sans parler évidemment des divers avatars de la franchise James Bond, la carrière de Roger Moore, disparu en mai dernier, est intimement liée aux belles et puissantes voitures.

Brett Sinclair et son Aston Martin DBS V8

Brett Sinclair et son Aston Martin DBS V8

Après la F1, passons aux protos et GT, d’abord avec les Britanniques :

  • le plus âgé d’entre eux était John Young. Né en 1927, il fréquenta les courses de club au début des années 50, puis on le vit sur Jaguar D au Mans. Il prit ensuite la direction de l’entreprise familiale, une importante concession Mercedes.

    Noel Cunningham-Reid

    Noel Cunningham-Reid

  • jeune homme bien né, musicien talentueux, excellent tireur, Noel Cunningham-Reid s’acheta une Aston Martin en 1954 et ses résultats le firent entrer en 1957 dans l’équipe dirigée par John Wyer. Avec Tony Brooks, il donna à l’Aston Martin DBR1 sa première victoire et pas n’importe laquelle : les 1000 km du Nürburgring 1957. Sa carrière semblait lancée mais, selon ses propres dires, la course n’était pas une passion pour lui, il n’y était arrivé que par accident. Il cessa donc de courir à 27 ans et se consacra à la gestion de ses terres et à d’autres activités, dans le monde de l’automobile (il importa notamment les Facel-Vega outre-Manche) ou dans l’industrie cinématographique.
  • comptable de formation, Peter Lumsden se fit connaître à la fin des années cinquante en pilotant des Lotus dans les grandes épreuves d’endurance, en particulier au Mans. Il opta ensuite pour des Jaguar E, pilotées avec Peter Sargent. Les deux Peter se classèrent 5e au Mans en 1962, puis acquirent un coupé Lightweight qu’ils firent transformer en version low drag (faible traînée). Malgré une esthétique la classant parmi les plus belles Jaguar de l’histoire de la marque, la voiture n’obtint pas de succès notable face aux Cobra et GTO et Lumsden se retira fin 65.
  • John Whitmore

    John Whitmore

    un an plus tard, c’est John Whitmore qui se retirait, après avoir lui aussi piloté des Lotus Elite (en particulier avec Jim Clark au Mans en 1959) puis, plus tard, des Ford GT40. Mais son palmarès s’orne surtout de victoires en Tourisme, avec des Mini Cooper et des Ford Cortina Lotus, cette dernière lui permettant de décrocher le titre européen en 1965. Il s’orienta ensuite vers la psychologie transpersonnelle (Wikipedia-Psychologie_transpersonnelle) et devint l’un des pionniers du coaching dans le monde des affaires, notamment avec le modèle GROW qu’il développa et popularisa.

 

 

Continuons au rayon des pilotes polyvalents avec trois Français :

Bernard Consten

Bernard Consten

  • Bernard Consten, auquel Classic Courses a rendu hommage en septembre (CC-Bernard Consten).
  • Roger de Lageneste, qui brilla d’abord dans les longs rallyes type Marathon de la Route ou Coupe des Alpes à la fin des années 50, au volant de Peugeot 203 ou d’Alfa Romeo. Il se distingua ensuite aussi sur les circuits en tant que pilote officiel Abarth puis Alpine. Avec la marque de Dieppe il remporta notamment deux fois l’indice de performance au Mans et une magnifique victoire absolue aux 500 km du Nürburgring 1967 devant une meute d’Abarth d’usine.
  • Jannick Auxéméry débuta quant à lui en R8 Gordini, poursuivit en rallyes et courses de côte, avant de se tourner vers la monoplace. Ainsi, il fréquenta les pelotons de Formule Renault et F3 au début des années 70. Il aida ensuite Alain Prost en karting en tant que manager bénévole.

Peu connu chez nous, Horst Kroll avait quitté l’Allemagne de l’Est dans les années 50 et s’était installé d’abord à Stuttgart pour travailler chez Porsche puis au Canada comme agent Volkswagen. Il pilota dans nombre de disciplines (F5000, IMSA, …) au fil des années, avec comme point d’orgue d’une carrière de près de trente ans son titre Can-Am en 1986, à 50 ans. A peine plus connu ici, l’Américain John Hotchkiss traversa plusieurs fois l’Atlantique au mois de juin pour rouler dans la Sarthe. Ses 5 participations aux 24 Heures entre 1977 et 1989 se soldèrent par trois arrivées, dont une 9e place en 1979 au volant d’une des 935 de Dick Barbour.

Puisque l’on parle de Porsche, citons le nom de deux pilotes qui ne pilotèrent presque que des voitures de Zuffenhausen :

  • L’Allemand Ernst Kraus fut l’un des fidèles concurrents du challenge Interserie, avec des spyders 917 vert pomme sponsorisés par les casques Boeri ;
  • Disparu le jour de Noël, le Suisse Claude Haldi participa 22 fois aux 24 Heures du Mans, mais ne fut guère récompensé de sa fidélité (5 arrivées seulement). On vit ce grand polyvalent sur bien des terrains (dont le Monte-Carlo) durant plus de 25 ans et il eut l’honneur d’être pilote officiel Porsche en 1973 (Carrera, 3e de la Targa Florio avec Kinnunen) et en 1987 (961).
Claude Haldi et trois compatriotes : Angelo Pallavicini, Peter Sauber et Marco Vanoli

Claude Haldi et trois compatriotes : Angelo Pallavicini, Peter Sauber et Marco Vanoli

 C’est aussi avec une Porsche que qu’un autre Suisse, Romeo Camathias, obtint ses deux plus beaux résultats en 1977 : deux 2e places à Daytona et au Mugello avec la 935 du Jolly Club partagée avec Facetti et Finotto. Il était le neveu de Florian Camathias, le pilote de side-car tué dans un accident à Brands Hatch en 1965.

Du côté des rallyes, le grand disparu de 2017 est bien sûr Timo Mäkinen, auquel Classic Courses a rendu hommage en même temps que son compatriote Kinnunen. Mais le monde du rallye français a aussi perdu une grande figure en la personne de José Barbara, décédé il y a un an après une carrière longue de 50 ans durant laquelle il pilota plus de 20 voitures différentes, de la Triumph TR4 à la Citroën DS3 R5, et engrangea plus de 100 victoires, dont 10 au rallye du Touquet.

José Barbara

José Barbara

On ne peut terminer cet hommage collectif sans mentionner les journalistes qui ont définitivement posé le stylo, le micro ou l’appareil photo : Christian Moity bien sûr (CC- Christian Moity), mais aussi Bernard Spindler, qui fut longtemps – entre autres – la voix du rallye de Monte-Carlo sur RMC, Jean Lerust et sa gueule de baroudeur et le photographe Daniel Dormoy, un habitué des circuits français pendant près de 50 ans.

Bernard Spindler

Bernard Spindler

Un dernier mot pour saluer la mémoire d’une grande dame qui a certainement connu, grâce à son mari, la plupart des personnages évoqués dans la présente note : Bette Hill, femme de Graham, mère de Damon et grande figure de la course des années 60, s’est éteinte début décembre à 91 ans.

Bette and Damon

Bette and Damon

 

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