François Cevert – 40 ans déjà… 1e partie
Vous êtes dans votre monde « normal » tandis que s’organise une manifestation à la mémoire d’un pilote exceptionnel disparu il y a 40 ans. Vous prenez un train « normal » vers Paris. Puis vous louez une voiture « normale » pour vous rendre à Montlhéry. Avec quelques personnes vous marchez en silence. Dans la direction d’un gymnase « normal » de la périphérie parisienne. C’est aujourd’hui une salle d’exposition.
Le seuil franchi, vous basculez alors dans un espace-temps dont toute « normalité » est exclue. Exposants, visiteurs, objets vous renvoient quarante ans en arrière. Ingénieurs, préparateurs, mécaniciens, pilotes, sponsors, journalistes… ils sont presque tous là. C’est comme si vous les connaissiez : depuis quelques décennies, par media interposés vous avez partagé l’histoire du sport automobile français . Vous avez espéré, regardé, lu les exploits de ces pilotes, Beltoise, Pescarolo, Cevert… dont vous ne pouviez imaginer, après des années de disette, qu’ils parviendraient au plus haut niveau mondial et ouvriraient la voie à toute une génération de talents.
Ce 5 octobre à Montlhery, Christian Dujardin, Michel Croullebois, Jean-Pierre Denis et les bénévoles de l’Association « Autodream » ont réalisé, un exploit : rassembler autour de la mémoire de François Cevert, beaucoup de ceux qui ont partagé son aventure d’homme et de pilote, dont Sir Jackie Stewart lui-même !
Vous trouverez dans cette première partie, le compte rendu factuel de la manifestation. La seconde partie sera consacrée aux interviews recueillis par Pierre Ménard.
Classic COURSES
Des hommes de plus de cinquante ans vous expliquent, les larmes aux yeux, ce que François Cevert représentait pour les enfants qu’ils étaient ; l’archétype du modèle masculin, courage, culture, talent, physique, réussite dans tous les domaines… Des femmes de tous âges sont scotchées devant l’écran qui diffuse le film d’Alain Boisnard. Des hommes aussi et également des jeunes.
Quarante ans plus tard son charisme a toujours la même force, son évocation engendre toujours la même tristesse : le sort a choisi le héros qui fascinait, celui dont tout laissait à penser qu’il serait le premier français champion du monde de Formule 1. Est-ce pour cette raison qu’on ressent une émotion parmi les visiteurs anonymes ou célèbres qui, venus nombreux, parcourent les allées de l’exposition en quête de partage ? Tous ayant plus ou moins les mêmes sentiments quant à l’importance de ce pilote dans l’histoire du sport automobile français et les mêmes questions sà jamais sans réponse sur ce qu’aurait été sa vie après la course…
DES MACHINES …
Les deux Tyrrell sont la propriété de l’américain John Delaine et viennent de chez Hall & Hall ( GB). La Tecno a été amenée d’Italie par Giuseppe Bianchini, auteur d’un ouvrage de référence sur la marque italienne. La Matra 670 C dans son état d’origine, jamais restaurée, vient du Musée Matra de Romorantin et la berlinette Alpine est la propriété d’Hervé Bonnet.
Tyrrell 006 1973
Tyrrell 003 1971
Tecno ELF F2 1971 Victoires à Vallelunga – Hors championnat, puis à Hockenheim et au Nurbürgring – 5e rang fianl au Championnat d’Europe 1971 –
Cette Matra 670 C Originale – jamais restaurée – Beltoise / Jarier, nous rappelle que François Cevert fut très impliqué dans la grande aventure Matra en endurance. L’Alpine 1300S compétition-client de 1966 sur laquelle François Cevert comme équipier de Philippe Burlet, effectua une course en mars 1967 lors du rallye de l’ACO. Retrouvée nue, et à l’état d’épave par un jeune amateur qui fut intrigué par certains de ses équipements et découvrit avec la stupéfaction qu’on peut imaginer qu’elle était d’une part, une Alpine de compétition ET d’autre part celle de François Cevert !
Leyland Worlmaster utilisé par l’écurie Tyrrell de 1969 à 1977 Trois monoplaces et l’outillage ainsi que les pièces nécessaires sur les Grands Prix pouvaient y prendre place. Parmis les chauffeurs utilisés par le Team Tyrrell ; Dany Sullivan qui au début des années 70 finançait ainsi ses débuts en Formule 3.
…DES FEMMES ET DES HOMMES…
Une lancinante inquiétude taraudait peut-être l’esprit des organisateurs à l’ouverture des portes de l’exposition : celle de voir le public déserter les lieux d’une mémoire peut être trop ancienne désormais ? Il n’en fut rien, bien au contraire, photographes, public, se pressaient autour des voitures et des invités (ou inversement ?), à tel point que les organisateurs s’égosillèrent à demander l’évacuation du parvis central pendant un bon moment. Avec une inefficacité qui faisait plaisir à voir.
Une certaine intensité autour des héros de la journée lors des dédicaces du livre de Johnny Rives – Jacqueline Beltoise et celui de Jean PIerre Beltoise…
Sir Jackie Stewart
Lady Helen Stewart
Jacqueline Beltoise – Cevert, Nina Rindt, Jean-Pierre Beltoise, Elie Cevert, Helen Stewart, Michel Croullebois (Autodream), Jackie Stewart, Henri Pescarolo, Christian Dujardin (Autodream)
Madame Nina Rindt et Jean-Pierre Beltoise
Jackie Stewart, Jean-Pierre Beltoise, Henri Pescarolo
Jacqueline Beltoise-Cevert
Eric Bhat et Anthony Beltoise
On a également croisé Mr Georges Martin, le père du V12 Matra, Jean Pierre Jabouille, Mr Meznarie, le fameux préparateur, les frères Knight, Les fils Tyrrell, un certain nombre de journalistes, Manu Zurini, la famille Cevert, la famille Beltoise…
C’est d’ailleurs à cette dernière, en la personne de Michel Beltoise, qu’on doit l’exploit d’avoir préparé d’excellentes -vraiment- côtes de boeuf pour …250 convives ! Inutile de vous dire que faire la queue entre Jackie Stewart et Jean-Pierre Jabouille pour ravitailler au stand Beltoise, a constitué un grand moment pour certains !
…LES FORCES DE L’ESPRIT
Eric Bhat et Loïc Depailler ont ensuite animé un débat autour de ceux qui avaient croisé la trajectoire de François Cevert, à commencer par sa soeur, la toujours émouvant Jacqueline, Jean-Pierre Beltoise et Jackie Stewart, auxquels ont succédé les fils Tyrrell, Henri Pescarolo, Jean Pierre Jabouille….
L’ombre de François Guiter planait sur la manifestation et lors de son intervention, Jackie Stewart lui a reconnu un rôle fondamental dans le sport automobile, non seulement au niveau français, mais également international.
Nous laisserons la conclusion à Sir Jackie Stewart qui, en évoquant François Cevert parla avec la même simplicité, la même humanité, qu’il avait montrées tout au long de la journée : « au cours de ma carrière, 95 pilotes ont disparu, …, je crois que lorsqu’on meurt, le corps disparait mais l’esprit continue à vivre. J’ai souvent des visites de François, de Jim, de Graham, de Ken…C’est parfois très prenant ! (rires). François serait fier de voir tous ces gens venus célébrer sa vie. François n’aimait pas les enterrements, il n’y allait pas. Je pense qu’il ne serait pas allé au sien. Mais je vais vous dire, il est une flamme pour Helen et moi. Cela aura été pour lui un grand jour que Paris, la France, Montlhéry célèbrent tout ce qu’il a accompli. »
Olivier ROGAR
Photos 1 et 2 : Famille Cevert – Beltoise
Autres Photos : Olivier Rogar ( désolé pour les flous)
D’ailleurs Sir Jackie Stewart s’est dit bouleversé devant autant de ferveur et surtout de monde, lui qui disait-t-il pensait venir à une petite cérémonie familiale en souvenir du disparu en ce 6 octobre 2013, jour du 40éme anniversaire de sa disparition….
Le « gamin » assis à la table de conférence entre Jacqueline Beltoise et Jackie Stewart ne serait-il pas Loïc Depailler ?
Oui, il s’agit bien de Loïc Depailler, comme l’a indiqué Olivier Rogar. Loïc arrivait du Bourget où il avait réceptionné Sir Jackie Stewart flanqué de son épouse Helen et de son amie Nina Rindt. Parfait polyglotte du fait de sa carrière – non terminée – sur les circuits américains, Loïc a animé le débat au profit des nombreux anglophones présents dans le public. Il a eu du boulot : les invités titillés par mes questions se sont bien lâchés, le public s’est tordu de rire en écoutant les témoignages. Standing ovations à la pelle, bonne humeur générale. Une bien jolie… Lire la suite »
Merci pour ce premier compte rendu, il vient parfaitement compléter et confirmer ceux que des amis me firent par téléphone. L’un d’eux en live me faisait part de son enthousiasme mais surtout de l’émotion qui se dégageait de cette réunion amicale. Il me disait aussi être passé des larmes au rire et même au fou rire en écoutant les anecdotes de Manou , de Jabouille et de Claude Furiet. Ce même Fufu hier, toujours un peu amoureux de Nina Rindt, me parlait longuement de son allure, de son élégance de son naturel mais aussi du talent d’animateur de notre Fakir… Lire la suite »
Oui, ce fut une sacrée et inoubliable journée. Pouvoir rencontrer tous ces pilotes de légende que j’ai suivis plus ou moins de près depuis de longues années, restera pour moi un moment mémorable. Je regrette de n’avoir pas parler à H.Pescarolo plus que ça! Mais l’émotion et la timidité étaient trop présentes. Je dis un grand merci à ceux qui ont organisés cet hommage. L’atmosphère y était bon-enfant malgré le drame qui nous rassemblait tous en ce lieu.
L’Association des Ecrivains Sportifs a décerné à l’ouvrage « François Cevert pilote de légende » le prix du « Beau livre » 2013. Félicitations à Johnny Rives et à Jacqueline Beltoise-Cevert.
Amicalement.
Comme tous ce 06 Octobre dernier, j’avais à l’esprit cette tragédie qui s’est produite il y a déjà 40 ans. Comme beaucoup, je me souviens précisément des circonstances dans lesquelles nous avons appris ce drame – interruption des émissions de l’après midi, guerre du Kippour, atmosphère pesante et poignante, désolation. J’avais pu l’approcher dans le stand Tyrrell quelques semaines auparavant lors du Grand Prix de France. Je regrette infiniment que aucun média n’ait fait allusion à cette date anniversaire, du moins je n’ai rien lu, ni entendu de tel. Apres ce Grand Prix d’Allemagne que vous évoquez, il me semble… Lire la suite »
En tout cas à Montlhéry il y avait une foule à la fois nombreuse, heureuse et respectueuse, des témoins de grande qualité – ah Nina Rindt ! – pour terminer je laisserais la conclusion à Sir Jackie, « souvent je discute avec Jim, avec François, avec les autres. Leur enveloppe physique est partie mais leur esprit est toujours là ». (pardon pour les erreurs de transcription).
Alain Prost aurait peut être pu avoir un petit mot. Ils se sont connus. François Cevert faisait parti du jury du volant ELF qui a consacré Prost en 1973.