A une époque, on pouvait rencontrer des gens qui vous affirmaient sérieusement avoir « très bien connu Boris Vian ». C’est maintenant un peu pareil pour Ayrton Senna, sauf que les imposteurs en France sont vite démasqués. Seules deux personnalités publiques peuvent se targuer d’avoir été proches du champion disparu : l’ex-directeur technique de Lotus, Gérard Ducarouge, et le journaliste de Libération, Lionel Froissart. Qui peut se vanter, lui, de l’avoir rencontré à la lointaine époque où il ne s’appelait pas encore Senna.
Propos recueillis par Pierre Ménard – Photos : Archives Lionel Froissart
(Cette note fut initialement publiée sur Classic Courses en mai 2014).
PM – CC: Tu vois Ayrton pour la première fois alors que c’est un parfait inconnu ici.
LF : Septembre 1978, championnat du monde de karting au Mans. C’était sa première course en Europe, sa première course internationale hors Amérique du Sud. Il y avait 120 engagés environ et je n’avais évidemment jamais entendu parler de ce Ayrton Da Silva (1). Ils étaient trois Brésiliens, dont lui, ça donnait un petit côté « exotique ». Je l’ai remarqué un matin au moment des essais carburation. Ils étaient nombreux en piste et il avait déjà un style très spectaculaire, malgré le fait qu’on ne cherchait pas la performance lors de ces essais qui étaient avant tout faits pour régler le carburateur. Il faut savoir que lorsqu’on règle un carbu, on conduit d’une main, l’autre bidouillant les deux vis de bas et haut régime. Maintenant ça a changé mais à l’époque c’était comme ça. Au départ des manches, il était le seul à maintenir la main sur le carbu. Quand tout le monde lâchait la main pour éviter d’engorger le carbu, lui il la maintenait jusqu’au premier freinage et là, il lâchait. Son moteur marchait apparemment mieux comme ça et ça le mettait à l’abri d’éventuelles casses. Ce casque jaune qui sortait de la brume du matin mélangé à la fumée des échappements m’a impressionné, je ne sais pas pourquoi. Je l’ai observé durant les manches de qualifications et je suis allé à sa rencontre dans les stands. Il portait un gros blouson rouge bien chaud, parce qu’il fait frais le matin en septembre au Mans. On a échangé quelques mots, malgré le fait qu’on ne parlait pas très bien l’anglais ni lui ni moi. Il parlait bien l’italien, parce qu’il avait été chez les frères Parilla en Italie et parce que sa mère était d’origine italienne. Entre l’italien et l’anglais, on a réussi à se comprendre.
PM – CC : Christian Courtel, qui était ton rédac’ chef à l’époque, m’avait un jour dit que tu les « gonflais passablement » à l’Hebdo avec tes « Da Silva par ci, Da Silva par là ». Tu étais réellement persuadé que ce garçon irait loin ?
Oui, complètement. Et c’est assez inexplicable parce que le piège du kart, à ce niveau de compétition, c’est qu’un tas de gars vont réellement très vite et sont très spectaculaires. Les gens de Elf par exemple, se sont fait piéger comme ça en voulant débusquer la perle rare dès le kart : ils voyaient 10 ou 15 pilotes qui étaient vraiment très impressionnants. Mais moi, je ne peux encore une fois pas l’expliquer, j’ai senti que ce type était différent, au-dessus des autres. En plus les pneus de l’époque devenaient de plus en plus efficaces, les châssis un peu moins, et il arrivait à doubler en passant sur deux roues ! Il était assis très à angle droit, le buste bien droit et les jambes tendues, c’était une position inhabituelle. On voyait qu’il conduisait vraiment avec son corps.
PM – CC : Est-ce que déjà sa personnalité te frappe à ce moment précis ?
Oui, Ayrton avait un côté timide, réservé, mais en même temps il dégageait quelque chose qui inspirait le respect. Je le dis souvent : je l’ai tout de même bien connu, mais tu ne pouvais pas être dans la familiarité avec lui. On pouvait se marrer, raconter des blagues, mais il instaurait de manière assez naturelle une certaine distance, tu vois ? Avec des gens comme Alain [Prost, NDLA] on était plus facilement dans le familier, avec Ayrton, jamais. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas fait des trucs à peine avouables, mais il inspirait le respect de manière naturelle. Il ne jouait pas un rôle, il était comme ça. Un exemple, qui vaut ce qu’il vaut et qui est à des années-lumière, mais quelqu’un comme Mitterrand, même ses proches ne lui tapaient pas dans le dos. Je pense que Charasse a du lui en raconter des bien salaces qui l’amusaient, mais sans pour autant lui taper sur le ventre, tu vois ce que je veux dire ?
PM – CC : Parfaitement. Est-ce que ça peut expliquer son attitude jusqu’au-boutiste dans la quête de la perfection, qui lui faisait garder ses distances pour conserver sa concentration ?
Oui. En dehors de la course, il était un peu plus décontracté. Par contre dans l’univers des Grands Prix, il était d’une concentration extrême et cette distance qu’il instaurait naturellement lui permettait de s’impliquer à fond. Il s’arrangeait d’ailleurs pour ne pas trop se lier avec des journalistes ou des adversaires. Il ne croyait pas à l’amitié entre adversaires. Il avait évidemment de bons rapports avec les Brésiliens, Barrichello, Gugelmin, etc. Mais il s’arrangeait pour qu’il n’y ait pas cette familiarité, cette proximité, entre lui et tous les autres acteurs de la course. Pour éviter que certains ne lui fassent perdre du temps ou pénètrent son cercle intime et perturbent sa concentration.
PM – CC : Est-ce que ça ne pouvait pas être pris comme une certaine forme d’arrogance ?
Oh si, ça a du l’être parfois. Quand tu le connaissais, tu savais qu’il n’était pas du tout arrogant. Il avait au contraire beaucoup de respect pour ses adversaires, mais ça ne l’empêchait pas d’être très dur en piste et de ne pas faire de cadeaux. C’était pas le genre à « faire de prisonniers », si tu veux. Je pense que, dès le kart, il a toujours eu du respect pour ses adversaires, même s’il était vert de voir le niveau de Fullerton ou Wilson. Mais tu sais comme moi que bien plus tard, il était admiratif des six titres mondiaux de Mike Wilson alors que lui n’en avait pas un. Ça, c’est vraiment un manque dans sa carrière. Un peu comme Alain, l’année où il gagne toutes les courses de Formule Renault, sauf la dernière à Imola, parce qu’on lui a saboté sa voiture. Il en parle toujours au point d’en oublier toutes les autres !
PM – CC : Tu le suis quand il passe en Formule Ford puis en Formule 3 ?
Oui, mais c’était plus compliqué parce que ce n’étaient pas des catégories que j’étais censé suivre pour le journal. Mais ça m’est arrivé d’aller le voir en Angleterre. A ce sujet, je suis malheureusement allé le voir quand il devait courir au Formule Ford Festival à Brands Hatch en septembre 1981, et qu’il a finalement décidé de ne pas courir. C’était juste une course de prestige qui ne comptait pour aucun championnat. Lui était parmi les favoris [il avait atomisé les deux championnats de Formule Ford auxquels il s’était inscrit cette année-là, NDLA], sa Van Diemen jaune et noir était prête, et là, on me dit que non, il ne viendra pas, il a décidé de ne plus courir (2) ! C’est quand même sa voiture qui a gagné – c’est te dire – avec au volant un type nommé Tommy Byrne, qui disputerait deux Grands Prix chez Theodore l’année suivante. J’ai vu Ayrton un peu en Formule Ford, un peu en Formule 3, mais beaucoup moins qu’en kart. En revanche, Courtel l’avait vu courir en Formule Ford. Il avait raconté que la première fois où il l’avait vu, il était à une chicane derrière les protections, et il s’était jeté par terre pensant que Senna n’allait jamais pouvoir freiner tant il arrivait vite ! Je l’avais pourtant prévenu que le type était un extra-terrestre !
PM – CC : A quelle époque vos liens personnels se sont-ils resserrés ?
Dès le kart en fait, parce que je faisais pas mal de photos et il aimait bien que je lui file des tirages qu’il donnait ensuite à la presse brésilienne. Un truc qui m’avait marqué, c’est lorsqu’il est devenu champion du monde en 88 à Suzuka. A l’époque, les interviews du vainqueur se faisaient par pays : d’abord les journalistes accrédités du pays hôte, en l’occurrence le Japon. Ensuite, la télé du pays du vainqueur, le Brésil, et puis deux ou trois télés accréditées, anglaise, française, etc. Moi, j’étais là pour France Télévisions, et quand j’entre dans la pièce, Ayrton me désigne à tout le monde en disant : « Voilà le gars qui m’a suivi depuis le kart » ! Je peux te dire que ça m’a vachement touché. Alors qu’il était parfois déroutant dans le paddock : si j’avais un truc à lui demander, il pouvait me faire attendre une heure, voire deux, comme les autres. A ce niveau, je n’avais pas d’accès privilégié. Sauf que j’arrivais à le voir assez longuement en début et en fin de saison pour des sujets « magazine ». Il n’y avait rien d’écrit, c’était comme ça.
PM – CC : Peut-on vraiment être ami avec un champion dont l’égocentrisme est par essence exacerbé ?
Oui, je pense. En dehors des courses, c’était quelqu’un d’assez normal. Ensuite, tout dépend comment on situe l’amitié. Je dirais plus potes, ou copains, qu’amis. Il se trouve que je l’ai connu vraiment tôt, dès le kart. Ça aurait été naturellement très différent si je ne l’avais connu, comme beaucoup d’autres, qu’au moment de son accession en F1.
Tu as la particularité d’avoir été proche d’Ayrton et de d’Alain. C’était pas trop « schizophrénique » comme position durant leurs années de rivalité exacerbée ?
Non, c’est plus quelque chose qui m’amusait qu’autre chose. Pendant la période où ça a été vraiment chaud entre eux, avec Alain j’avais zéro problème, pareil avec Ayrton. En revanche, j’en avais plus avec l’entourage d’Alain. Mais avec Alain, c’était clair : il m’appelait « Ayrton » pour rigoler, parce qu’il savait que j’avais un petit faible pour Senna.
PM – CC : A Estoril en 1993, quand Ayrton apprend la décision d’Alain de se retirer, c’est vers toi qu’il va pour en avoir la confirmation…
Oui. Mais surtout je le vois le lundi suivant Estoril à Cintra chez un de ses amis. Et là, il me demande : « C’est vrai ? Alain arrête » ? Il ne dit pas « L’autre » ou « Le Français », il dit « Alain ». « Comment les gens réagissent en France ? Il ne peut pas arrêter comme ça, pas maintenant ». Il était un peu déboussolé, il savait qu’il perdait son repère. Je me souviens lui avoir rétorqué : « Attends, Alain a fait une grande carrière, il arrête, c’est normal. Et puis tu as Schumacher qui arrive ». Là, il me regarde en faisant un signe à hauteur de son épaule : « Tu comprends, Alain et moi on est là, Schumacher, il est là ». Et il descend sa main de cinquante centimètres ! C’est vrai qu’il avait raison à l’époque, Schumacher n’était pas encore ce qu’il deviendrait plus tard, mais pour lui c’était pas une référence.
En revanche, ce que je ne me suis jamais expliqué, et Alain non plus d’ailleurs, c’est que dès qu’il est arrivé en F1, Senna ait pris comme référence absolue Prost. Il s’en foutait de battre qui que ce soit d’autre, la référence pour lui, c’était Prost. Je pense qu’il avait étudié son parcours, il avait vu qu’Alain avait battu des équipiers très forts. Il y avait bien Piquet mais, comme tout le monde le sait, ils se détestaient, en plus Piquet avait gagné son championnat en 83 avec de l’essence non conforme et ça, ça ne plaisait pas à Ayrton. Bien sûr, Piquet était double champion et Alain pas encore, mais pour Ayrton, il n’y avait pas photo : Alain était bien meilleur pilote que Piquet. Je pense d’ailleurs qu’on ne se rend pas bien compte en France quel pilote fantastique fut Alain. Il a eu des supers équipiers et il les a tous battus. En même temps, je comprends ce que représente Ayrton : avec l’aura qu’il dégageait, il fait partie des pilotes charismatiques et exceptionnels. Comme Clark, comme Fangio. Mais Alain, si on s’en remet au strict plan sportif, c’est injuste qu’il soit si peu considéré.
PM – CC : On a souvent parlé de l’évolution de son état d’esprit par rapport à la course vers 1990, notamment d’apprendre à préserver un bon résultat probable à la place d’une victoire hypothétique. Tu es d’accord avec ça ?
Ben, il a grandi, et je pense qu’il a justement été inspiré par Alain qui était vraiment son opposé absolu dans son approche de la course. A une époque, c’était inenvisageable pour Senna de ne pas démarrer une course à bloc, de ne pas faire tous les tours à bloc et de ne pas terminer à bloc ! Alain avait cette intelligence d’accepter d’être 5e ou 6e dans les premiers tours et de laisser décanter. Ayrton, c’était quelque chose qu’il ne pouvait pas concevoir, il n’était pas construit comme ça. Il lui fallait être en tête, le plus rapide, tout le temps ! Et, oui il s’est inspiré d’Alain et est devenu un peu plus « sage » en acceptant de marquer quelques points plutôt que de risquer d’aller chercher une hypothétique victoire. Mais il n’était jamais très loin de cet état d’esprit de vouloir être devant absolument.
PM – CC : D’une façon tristement ironique, lui qui avait été longtemps catalogué comme un « trompe-la-mort » était véritablement devenu concerné par la sécurité en 1994. A quoi attribues-tu ce changement ?
Pour moi, ce n’est pas un changement : il a toujours été conscient du risque encouru. Simplement il n’en parlait pas parce qu’il n’avait pas encore acquis un statut qui le lui permettait. A Hockenheim à l’abord d’une chicane, il a perdu une roue sur sa Lotus, et quand j’ai évoqué ça en fin de saison lors d’une interview à Angra Dos Reis chez lui, il m’a avoué : « Quand je me suis vu partir en l’air, je me suis dit : ‘ça y est, on y est’ ». Il pensait réellement qu’il allait se tuer parce qu’il est monté à la moitié des arbres et qu’il est retombé lourdement sur la piste, comme Pironi. Il a toujours été conscient qu’il pouvait se faire très mal dans une voiture. Seulement, il acceptait d’aller un peu plus loin que les autres dans la prise de risque, même s’il était un fervent défenseur de la sécurité. Mais à ce niveau, il n’y a pas de types inconscients ou « trompe-la-mort ». Il ne faisait pas n’importe quoi, ça c’est sûr. Sinon, il serait mort avant. Mais le pire est qu’il ne se tue pas sur une prise de risque !
PM – CC : Alain Prost me disait qu’Ayrton se sentait mal à l’aise chez Williams. Etait-il déçu d’avoir tant désiré intégrer cette écurie pour en découvrir finalement une réalité qui lui correspondait moins, ou peu ?
Il s’apercevait que le pilote n’était pas considéré comme il aurait du l’être. Alain l’avait prévenu : en 1993, alors qu’il domine largement son coéquipier anglais, même lui n’est pas chouchouté. On est chez Williams. Chez McLaren, ils étaient tous les deux comme des coqs en pâte, Alain chez Ferrari – du moins la première année – était le messie. Là, ils arrivent dans une écurie où ils ne sont que des « employés » parmi tant d’autres. Et comme disait Frank Williams : les plus connus de leurs employés qui leur coûtent le plus cher ! J’avais fait un portrait de Frank il y a une dizaine d’années et dans son bureau, il n’y avait aucune photo de pilotes, que des maquettes d’avions de chasse, sauf une : Senna ! Et ce qui est significatif, dans cette écurie où les pilotes ne sont pas les mieux considérés, c’est que toutes les Williams depuis la mort de Senna portent un petit « S » discret sur le museau.
PM – CC : Tu confirmes qu’à Imola, où on ne le voit sourire sur aucune photo, son esprit était accaparé par les événements qu’il était en train de vivre (Barrichello, Ratzenberger) ?
Alors là, les avis divergent. Certains disent qu’il ne voulait pas courir, moi je n’y crois pas une seconde. Préoccupé, il l’était forcément : la voiture ne lui convenait pas, Barrichello s’était blessé, Ratzenberger s’était tué, il n’était pas dans un état d’esprit formidable, ça c’est sûr. Mais il voulait courir et avait même prévu de prendre un drapeau autrichien dans sa poche. Je ne crois pas à la thèse qui veut qu’il ait songé sérieusement à ne pas courir. Le docteur des circuits, Syd Watkins, lui avait dit : « Tu es triple champion du monde, tu es riche, laisse tomber ». Et il avait répondu : « Je ne peux pas, la course c’est ma vie ».
PM – CC : Pour terminer, ma question piège, que je pose à tous ceux qui l’ont connu : si tu n’avais qu’un seul souvenir à te rappeler d’Ayrton ?
Pfou… il y en a tellement… je vais t’en donner deux, tu choisiras. En Hongrie une année où il venait de gagner, ou d’être sur le podium je ne sais plus, il croise dans les escaliers Giorgio Piola, le dessinateur, qui l’arrête un peu brutalement pour lui demander quelque chose. Je ne sais pas comment c’est arrivé, se sont-ils mal compris, toujours est-il que Senna s’est senti agressé et n’a pas bien répondu à Piola. Le ton est monté et Piola lui a sorti un truc en rapport avec sa mère. Et là, Ayrton est devenu dingue et j’ai du les séparer ! C’était son côté impulsif, il était très chaud bouillant. Et dans le genre Dr Jekyll et Mister Hyde, il y a ce Grand Prix de Grande-Bretagne 1993. Il est dans les stands avant le départ où il ne laissait à personne le soin de préparer son casque. Il aimait le faire lui-même. Il cherche son casque, ne le trouve pas, se retourne et voit Bianca, sa petite nièce, fille de Viviane et sœur de Bruno, coiffée du casque ! Je me dis : « Aïe, ça va ch… », parce que le cérémonial du casque, c’était sacré. En fait, il lui a retiré le casque avec beaucoup de douceur, lui a donné une petite caresse sur la tête et a commencé à préparer le casque en y mettant les tyres-off, etc. Puis il monte dans sa voiture, il regarde sa sœur et lui fait un petit signe de la main. Et les premiers tours du Grand Prix, ça a été une boucherie : Ayrton a pris un meilleur départ qu’Alain, et pendant trois tours, il lui a fait toutes les horreurs du monde ! La Williams était plus rapide que la McLaren, mais il lui a claqué toutes les portes au nez à plus de 280 km/h. Alain manque perdre sa Williams à un moment, on pense qu’il a passé Ayrton et l’autre surgit devant son nez, c’était vraiment un truc de fous ! Voilà, Ayrton pour moi, c’était ça : ce contraste entre la gentillesse, la douceur absolue, et une violence, une agressivité totale en course. Ce qui montre au passage ce qu’il était capable de faire dans une voiture et jusqu’où il était prêt à aller. Pour terminer, je voudrais souligner le fait que c’est la rencontre professionnelle la plus forte que j’ai pu faire, et je mesure à présent pleinement la chance que j’ai eu d’avoir des rapports assez privilégiés avec lui.
(1) A ses débuts, Ayrton courut, logiquement devrions-nous dire, sous son vrai nom, Da Silva. Ce n’est qu’en 1982 qu’il adopta définitivement le nom de sa mère, Senna.
(2) Une fois ses deux championnats de Formule Ford 1600 gagnés en 1981, Senna avait du céder à la pression de son père qui considérait la course comme un « passe-temps formateur en vue d’une carrière commerciale » et qui désirait que son fils rentre définitivement au Brésil pour entamer l’apprentissage qui le verrait un jour reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Ayrton resta quelques mois dans cette situation inconfortable avant de déclarer à son père qu’il ne pouvait tout simplement pas abandonner la course. Et il fut au départ du championnat de Formule Ford 2000 en 1982.