Motos à Monaco
21 mai 2020

Les motos courent aussi à Monaco !

Ah, le Grand Prix Historique de Monaco ! Les années paires, un rendez-vous formidable pour tous les passionnés de sports mécaniques. Car on n’y trouve pas seulement des autos de course de toutes formules et de périodes diverses. On peut y admirer – et y entendre – des motos de course aussi. Du moins, une fois tous les dix ans… La première, c’était en 2008. Les motards ont remis le couvert en 2018. En souvenir de l’unique Grand Prix disputé ici sur deux-roues, il y a plus de soixante-dix ans. Une aventure passionnante et méconnue.

Jacques Vasal

Vous pourriez aussi aimer :

Grand Prix Historique de Monaco 2018 1/2
Grand Prix Historique de Monaco 2018 2/2

Motos à Monaco, parade commémorative du GP de 1948 Copyright inconnu.

Une première en onze ans

Tous les livres d’histoire de la course automobile vous le diront : le 16 mai 1948, après onze ans d’interruption, le Grand Prix de Monaco renaît. Le jeune Prince Rainier III donne le départ de la course de Formule 1, disputée sur 100 tours du circuit urbain de 3,180 km. Elle sera remportée, au terme d’une lutte âpre et spectaculaire, par l’Italien Giuseppe (dit « Nino ») Farina, sur une Maserati 4 CLT, devant Louis Chiron, le « régional de l’étape », sur une solide mais lourde Talbot-Lago T 26. Une 1500 cm3 à compresseur devant une 4,5 litres « atmosphérique ». Le podium est complété par le Suisse Emmanuel de Graffenried, sur une déjà ancienne Maserati 4 CL. Pointe le bout de son nez, 4e à l’arrivée, Maurice Trintignant sur Simca-Gordini. Un futur double vainqueur à Monaco (1955 sur Ferrari et 1958 sur Cooper-Climax).

Motos à Monaco
Stands Monaco @ Olivier Rogar
Motos à Monaco
Brough Superior @ Olivier Rogar

Ce que les livres d’histoire de la course automobile ne disent pas, c’est que quelques heures plus tôt, ce même 16 mai, se disputait un Grand Prix Motocycliste en 500 cm3. On ne parlait pas encore, en ce temps-là, de « Moto Grand Prix » et même, on précisait la cylindrée des machines. Il y avait des catégories 125 cm3, 175 cm3, 250 cm3, 350 cm3 et, catégorie dite « reine », 500 cm3. Sans oublier les side-cars. C’est en 1949 que le Championnat du Monde de vitesse (pour les pilotes) allait être créé par la FIM, Fédération Internationale Motocycliste. Le MCM (Moto Club de Monaco), fondé lui en 1946, venait d’adhérer à la FIM.

Cet article qui pourrait vous intéresser :  Il y a cinq ans, Jean-Pierre Beltoise... ( 2/7)

Mais une dernière pour les motos

Ce jour de mai 1948 à Monaco, la fête aurait pu, aurait dû être belle, avec un affrontement entre les meilleurs spécialistes des marques anglaises (Norton, Velocette, Triumph, BSA, Brough Superior) et ceux des voisines italiennes (Benelli, Bianchi, Gilera, Moto Guzzi), éventuellement arbitré par les tenants des grandes marques françaises (Terrot, Koehler-Escoffier, Gnome Rhône, Magnat-Debon) ou suisses (Motosacoche). L’affaire se solda par une victoire de l’Italien Aldo Brini (Gilera Saturno), devant son compatriote Francesco Gambi (Norton) et Georges Monneret, notre « Jojo » national, sur Velocette. Las ! Durant cette course, les chutes furent nombreuses et l’une d’entre elles, hélas pour le Britannique Norman Linnecar, fut mortelle. Le Prince Rainier en fut, dit-on, particulièrement affecté, au point de décider que les motos ne courraient plus en Principauté.

Motos à Monaco
Wayne Gardner – Moto Guzzi Condor

Mais les pilotes et amateurs de motos historiques, eux, se souviennent et témoignent. Parmi les collectionneurs, dont une majorité d’Italiens et de Britanniques (on ne s’en étonnera pas), quelques Français se font plaisir aussi. On remarque, comme en automobile, un ancien Champion du Monde en invité d’honneur : l’Australien Wayne Gardner, titré en 1987 et en 500 cm3 sur Honda, qui s’essaye ici au guidon d’une Moto Guzzi « Condor » de 1937. Les monocylindres (Norton Inter, Velocette KTT, Gilera Saturno, Moto Guzzi « Dondolino ») sont la majorité, mais quelques bicylindres (Triumph) viennent relever la diversité technique… et sonore.

Motos à Monaco
Triumph @ Olivier Rogar

Moto Guzzi V8

Le prix de la rareté revient à la Moto Guzzi V 8 amenée par l’Italien Antonio Maria Frigerio. Certes, cette machine n’aurait pu courir en 1948 puisqu’elle a été construite en… 1957.

Cet article qui pourrait vous intéresser :  Il est libre, Mike (2/2)
Motos à Monaco
Moto Guzzi V8 @ Olivier Rogar
Motos à Monaco
Moto Guzzi V8 @ Olivier Rogar
Motos à Monaco
Moto Guzzi V8 @ Olivier Rogar

Mais on pardonnera volontiers cet anachronisme, car la Guzzi à moteur 8 cylindres en V de 500 cm3 fut un sommet de la course motocycliste des années 50, quand les multicylindres italiennes (Gilera et MV Agusta à 4 cylindres et donc, parfois, Guzzi V 8), profilées en 1957 par leur lourd carénage intégral (qui fut interdit par la suite), damaient le pion aux « grosmonos » britanniques, Norton Manx (en 350 et 500 cm3), AJS 7 R (350 cm3) et autres Matchless G 50 (500 cm3).

Moto-Revue-Octobre-1949
Moto-Revue-Octobre-1949

Un futur coureur automobile de renom, le Niçois Jean Behra, avait débuté en 1948 comme coureur motocycliste, notamment sur Moto-Guzzi. Un de ses jeunes admirateurs, le Français Jean-Pierre Beltoise, allait plus tard l’imiter, en utilisant la course motocycliste, d’un abord bien moins coûteux, pour débuter dans le métier, apprendre les circuits, les réglages, la préparation mécanique, avant de briller sur 4 roues. Encore un futur vainqueur à Monaco (1966 en Formule 3 sur Matra, 1972 en Formule 1 sur BRM).

Jean-Pierre-Beltoise
Jean-Pierre-Beltoise – Matchless 500 @ Collection JPB

Tazio, John et Mike

Tazio Nuvolari
Tazio Nuvolari @ DR

En Italie, déjà avant la guerre, d’autres illustres pilotes avaient emprunté ce chemin : Tazio Nuvolari (vainqueur du GP de Monaco 1932 sur Alfa Romeo « P 3 »), Achille Varzi (idem en 1933, mais sur Bugatti 51), Alberto Ascari (ancien pilote d’usine à moto sur Bianchi, avant de devenir Champion du Monde en 1952 et 53 sur Ferrari 500 F 2).

Bernd Rosemeyer
Bernd Rosemeyer @ DR

En Allemagne aussi : Bernd Rosemeyer en fut un brillant exemple. Et chez les Britanniques, comment oublier les exemples de John Surtees et de son ami Mike Hailwood ? Le premier fut sept fois Champion du Monde entre 1956 et 1960 (quatre fois en 500 cm3, trois en 350 cm3), sur MV Agusta.

John Surtees
John Surtees @ DR

Et « Mike the Bike » le fut neuf fois, sur MV Agusta d’abord, lui aussi, les dernières fois sur Honda. Alors que « Big John » avait, en 1967, rejoint la firme japonaise pour courir sur la RA 301 de Formule 1. Les deux histoires sont donc étroitement liées.

Mike Hailwood @ DR

John Surtees était aussi attentif aux avancées de la firme allemande BMW, qui excellait en auto comme en moto. Et pas seulement, comme on le croit trop souvent, dans les side-cars. Surtees possédait dans sa collection la BMW 500 cm3 « Kompressor » avec laquelle Georg Meier avait remporté le Tourist Trophy sur l’Ile de Man en 1939. « Big John » entretenait des liens étroits avec la firme bavaroise dans les années 60, notamment avec l’ingénieur Apfelbeck, qui développa une culasse spéciale utilisée sur le moteur BMW de Formule 2 (1600 cm3), que Surtees fit adapter par son ami Eric Broadley sur des châssis Lola de Formule 2. Et cela avec succès.

Cet article qui pourrait vous intéresser :  Jarama 1970, la séparation

Motos, autos : complicité technique

Si l’on ajoute, du côté technique, que les ingénieurs de Norton, qui conçurent et développèrent le très beau monocylindre double-arbre des modèles Manx, inspirèrent Tony Vandervell, leur fournisseur de coussinets, pour créer le 4-cylindres, 2,5 litres, Vanwall de Formule 1; que ceux de Honda, à commencer par Nakamura et Irimagiri, passèrent des extraordinaires moteurs de motos à 6 cylindres de 250 cm3 (à la sonorité déchirante, inoubliable), 4 cylindres de 350 et 500 cm3, et même 5 cylindres de 125 cm3 et bicylindres de 50 cm3, à la création du 1000 cm3 4 cylindres de Formule 2 équipant les Brabham en 1966, et à celles du 1500 V 12 de F 1 la même année, puis du 3 litres V 12 des RA 300 et 301, on voit qu’il y a là plus qu’une filiation, un cousinage, une complicité technique et sportive.

Et donc, un grand merci aux organisateurs monégasques de nous avoir donné l’occasion de repenser à tout cela, même s’il ne s’agissait que de « démonstrations » et non de courses, à une époque où sévissent les « chapelles » de toutes sortes, y compris dans le sport…

Motos à Monaco
Gilera @ Olivier Rogar

D’autres articles à découvrir :

Vous avez apprécié cet article ? Partagez-le !

Facebook
Twitter
LinkedIn
Email

Visitez notre boutique en ligne :

Vos commentaires les plus récents :

  • Jean-Paul Orjebin sur Depailler par Depailler: “Prise à Anderstop en 1975, je vais t’en envoyer quelques-unes inédites.Déc 3, 08:50
  • Olivier FAVRE sur Depailler par Depailler: “Je mettrais bien une pièce sur Anderstorp, à cause de la forêt au loin (les stands de ce circuit n’étaient…Déc 2, 15:38
  • Olivier FAVRE sur Depailler par Depailler: “Oh oui, cette approche nous plaît ! N’hésitez pas à remettre ça, quand vous voulez. J’aimais beaucoup votre père et…Déc 2, 15:35
  • Marc Ostermann sur Depailler par Depailler: “Très bel interview de Loïc, merci Eric Bath !Déc 2, 15:05
  • JANVIER MICHEL sur Depailler par Depailler: “Bravo Loïc, et merci Éric BhatDéc 2, 12:22
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notifier de
guest

3 Commentaires
le plus ancien
le plus récent le plus populaire
Inline Feedbacks
View all comments

Contribuez à Classic-Courses

Pour raconter l’histoire de la course automobile, il nous faut du temps, de la documentation, des photos, des films, des contributeurs de tous âges et des geeks qui tournent comme des F1 !

Nous soutenir

Pour que notre aventure demeure bénévole et collaborative et que nous puissions continuer à écrire nos articles au gré de nos envies, en toute indépendance.