27 mars 2013

Alain Ducoté – Locomotives à vapeur et peinture à l’huile (*)

Il est un des pilliers de Avignon Motor Festival, nous l’avons rencontré il y a deux ans. Son talent et l’épaisseur de sa vie n’ont d’égales que sa courtoisie et sa finesse. Après le compte rendu publié en début de semaine, la reprise de cette note faite il y a deux ans nous parait constituer une belle illustration du volet artistique de cette manifestation. 

Classic COURSES 

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Paris – Nice 1928 – Madame Versini – Bugatti

 Il est des propos qui vous enlèvent. En contemplation devant une Bugatti, j’entends quelqu’un dire que l’esthétique est ici plus importante que l’efficacité. Je lève la tête et me voilà engagé dans une discussion sur la forge à froid…

Je viens de rencontrer le peintre niçois Alain Ducoté.  Il me guide vers le stand central du Festival et me présente quelques uns de ses tableaux. Son parcours n’est pas classique, mais Ducoté est avant tout une personnalité. Un honnête homme. Elégant dans son attitude comme dans son verbe, modeste et attentif.

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Mécanicien de ligne.

Son grand père était fondeur d’art, son père sculpteur et lui peintre.  Belle lignée qui pour vivre de ses talents dût parfois embrasser une profession aux revenus plus réguliers. Monsieur Ducoté père devient en 1929 mécanicien de route de la PLM qui gère les transports ferroviaires entre Paris Lyon et Marseille. Conducteur de locomotive à vapeur !

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Alain Ducoté entre en 1950 aux Beaux Arts à Nice, y passe quelques années mais subit à son tour l’irrésistible attraction de la « bête humaine ». Devenu lui aussi mécanicien de route, il mène les plus belles et plus puissantes locomotives à vapeur qui aient circulé dans notre pays, les Pacific 231 et Mountain 241 P.

L’aventure s’arrête en 1968. C’est lui qui est aux commandes du dernier convoi à vapeur sur la ligne Paris-Vintimille. L’abstraction fut-elle électrique, n’est pas dans sa culture de  compagnon. Il renonce à devenir un automate au service d’une machine. Plus de rapports affectifs. Retour définitif à la peinture.

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Peintre. 

Il nous reçoit dans sa belle et vieille demeure au dessus de Nice. Les oliviers y sont plusieurs fois centenaires, les sommets aigus, la route « sportive ». Un monde où l’on construit sa vie sans la consommer.

Peintre paysagiste, son oeuvre est dominée par une lumière du sud souvent adoucie par des ciels de traine. L’influence bien comprise des grands Maîtres est présente. Provence, Nice, Corse constituent ses terrains de prédilection.

Paysages sereins, marines y domineraient si notre hôte n’avait pas découvert le sport automobile en 1950. La proximité de Monaco lui permet d’assister au Grand Prix et d’approcher les Farina, Ascari, Fangio… il restitue avec beaucoup d’acuité les sensations de vitesse ressenties à l’intérieur des autos par les pilotes et à l’extérieur par les spectateurs. Deux espaces temps parallèles fusionnent en des scènes expressionnistes saisissantes.

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Course de côte de la Turbie 1925 – Robert Benoist – Delage

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Le Mans 1950 – Louis Rosier – Talbot

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 Mille Miglia 1933

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Pan Americana 1953 – Fangio – Lancia D26 – Rosier – Talbot Lago

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Monaco 1955 – Castelotti – Lancia D50 – Trintignant – Ferrari

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Mille Miglia 1955 – Stirling Moss  – Mercedes 300 SLR – Maglioli Ferrari LM

 

Orfèvre.

Alain Ducoté est fasciné par la vapeur, rejoignant en cela nombre de constructeurs automobiles du début de cette grande aventure. Bollée, Serpollet, Bugatti qui s’intéressa à toutes les énergies et Gabriel Voisin, qui évoque à plusieurs reprises dans ses mémoires (1) son potentiel illimité.

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Il se lance ainsi dans la création d’une maquette de locomotive à vapeur. Le mot maquette est un euphémisme en l’espèce. L’objet est de la dimension du personnage. Qu’on en juge, 23 années, plus de 15 000 heures de travail – mais peut on appeler cela travail ? – ont été consacrées à ce chef d’œuvre. 245 kgs d’acier usiné, embouti, forgé telle est la Moutain 241 …241 comme 2 essieux porteurs, 4 essieux moteurs, 1 essieu porteur. Son échelle au 1/10 lui confère la  modeste  taille de 2, 90 mètres…

Le Directeur des études de la SNCF le conseille, l’accompagne dans ses calculs de thermodynamique des fluides, de résistance des matériaux car la bête est fonctionnelle. Capable de 25 km/h avec une charge de 1500 kgs….

Que dire face à cela ?  Travail de foi, œuvre d’artiste, les adjectifs sont dénués de sens, il s’agit ici de dépassement.

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Si je ne craignais de m’égarer sur des voies qui ne sont pas celles des stands, j’évoquerais pour l’histoire, une autre locomotive à vapeur. Faite en 1916 en France et destinée au Tsarevitch, le fils de Nicolas II.

On se doute qu’elle n’a jamais pu parvenir à son malheureux destinataire.

Alain Ducoté a pu l’acquérir et la restaurer il y a longtemps. Elle tient bonne compagnie à la Mountain 241.

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Orfèvre 2

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Lorsqu’il esquisse son roadster sur un modèle de la fin des années 40, le projet d’Alain Ducoté est  déjà mûrement réfléchi. Il n’y aura pas de retouches, pas d’autres plans. Il passe à l’acte directement pour 2000 heures de passion. Une Triumph GT6 sert de banque d’organes pour un moteur, sa transmission et le caisson central de la coque. Notre homme a du matériel et du goût.

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Suspensions indépendantes avant et arrière, double triangulation, rotules uniball, carrosserie en acier formée à la main et rivetée ; les détails méritent d’être vus, comme ce démultiplicateur d’embrayage à l’élégance « classique ».

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 Tableau de bord en aluminium bouchonné, vraie grille de boite, un plaisir à contempler.

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La Ducoté – Triumph, reçue aux Mines es – qualité, développe 140 chevaux, pèse 850 kilogrammes.  Un rapport poids puissance très actuel qui donne beaucoup de plaisir à son mécanicien de route. Ce dernier n’omet d’ailleurs jamais de porter ses lunettes de fonction lorsqu’il la pilote sur les routes du Turini ou de Sospel !

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Les belles rencontres donnent une âme à nos passions. Alain Ducoté porte ce qu’il entreprend à une autre dimension, dans laquelle il évolue simplement, naturellement, entouré de sa famille et de ses petits enfants. De ses amis aussi, parmi lesquels Alphonse Boudard (2)et Louis Nucéra (3)ont particulièrement compté.

C’est à ce dernier, que nous laisserons le mot de la fin : (4) « De ses observations, de ses ferveurs sacrées qui remontent à la prime jeunesse, de son penchant à prendre son temps dans une période de hâte et de désirs sitôt assouvis, sitôt obsolètes, de son imagination, il tire de grands enrichissements. »

Olivier Rogar

Photos @ Laetitia Rogar

 

Les œuvres d’Alain Ducoté sont en exposition permanente : Galerie Montouti

40, rue de France 06000 NICE 04 93 87 33 34 – http://www.galeriemontauti.com/index.html

 

(1)     : Mes mille et une voitures – Editions du Palmier. http://www.editions-palmier.fr/

(2)     : Romancier . http://fr.wikipedia.org/wiki/Alphonse_Boudard

(3)     : Romancier. Prix interallié 1981.  http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Nucera

(4)     : Chronique évoquant Alain Ducoté, parue dans Valeurs actuelles

 

(*) : Publié précédemment sur Mémoire des stands

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