4 juillet 2016

F1 2016, Autriche. Eviter le drame … ou le ridicule ?

Les dates qui, dans l’Histoire, constituent les principaux points de repère de son déroulement sont le plus souvent celles des grandes batailles – Alesia, Marignan, Waterloo, Verdun, Stalingrad… C’est un peu pareil dans l’histoire du sport automobile. A ce titre, le dernier tour du Grand Prix d’Autriche 2016 restera fameux par un  nouveau règlement de comptes « fratricide » (est-ce le mot?) entre Nico Rosberg et Lewis Hamilton. Ils nous en avaient donné une première version au G.P. de Belgique 2014. Plus récemment ce fut  au tout début du G.P. d’Espagne. Ils ont récidivé sur le Red Bull Ring de Zeltweg en soulevant  encore plus de commentaires que précédemment – car cette fois c’est en jouant la victoire dans le sprint du dernier tour que leur rivalité a atteint son paroxysme. Ce nouvel épisode ne peut pas laisser sans réaction l’état-major de Mercedes. Il est grand temps, sans aller jusqu’au président Dieter Zetsche, que Toto et Niki prennent leurs responsabilités. Et intiment à leurs pilotes, au prochain acte de rivalité, une hiérarchie à respecter impérativement. A Zeltweg, sentant pointer l’orage, le bon sens aurait été, en vue de l’arrivée, d’indiquer aux deux pilotes de rester sur les positions acquises. Le drame eut été évité. Le ridicule également.

                                                                  Johnny RIVES.

Quand, posté au bord d’un circuit, voire bien calé dans son canapé, on assiste à un tel événement, la première réaction est de juger. De prendre parti pour l’un ou l’autre des deux pilotes impliqués. Bien qu’il soit impossible de se mettre à leur place, c’est ainsi que l’on réagit. Dans l’affaire de Zeltweg, à tête reposée, on pourrait se dire que, tout bien pesé, Rosberg aurait dû s’incliner de bonne grâce devant le retour d’Hamilton. Ses pneus étaient à l’agonie, il ne pouvait décemment plus tirer tout le parti de sa machine pour résister. En acceptant cette fatalité, il se serait classé 2e et aurait limité au maximum sa perte sur son rival. Mais allez réagir comme ça lorsque, comme tout autre pilote digne de ce nom, vous êtes un compétiteur ! Impossible !

2016_autriche_ham_ros_crash

Nico a donc obéi à sa pulsion naturelle : faire tout et plus encore pour éviter la défaite… et surtout la victoire de son adversaire n°1. Cela l’a poussé à perdre bien plus que s’il avait raisonné avec sagesse. Il a freiné à l’intérieur, dans le virage fatal. Cela n’a pas empêché Hamilton de venir à sa hauteur par l’extérieur. A sa hauteur et même un poil plus. Nico, emporté par son élan, a largement manqué la corde. Avait-il freiné si tard pour expliquer un tel écart ? Ses freins étaient-ils à ce point défaillants ? Ses pneus autant privés d’adhérence ? On nous permettra d’en douter. Notre impression est qu’il a voulu embarquer Hamilton au large pour réaccélérer en meilleure position que lui et conserver son avantage. Manque de chance son aileron avant a touché l’autre Mercedes (preuve qu’elle avait un peu d’avance sur la sienne) entraînant de tels dégâts que ses chances furent anéanties non seulement de se classer 1er, mais même 2e – car Verstappen et Raïkkonen étaient à l’affut derrière les deux Mercedes. Pour eux ce fut une aubaine.

https://www.youtube.com/watch?v=kHug10hYOQE

LE PROBLÈME DES PNEUS

Jusque là, Rosberg avait accompli une merveille de course. Pénalisé de cinq places sur la grille de départ – comme Sebastian Vettel et pour la même raison (changement de boîte de vitesses) – il s’était attaché à brillamment combler ce handicap règlementaire initial. Tout comme Vettel, d’ailleurs. Tandis qu’Hamilton, qui avait enfin réussi un bon départ, contrôlait la course sans la dominer outrageusement pour épargner ses pneus, Rosberg et Vettel se frayaient un passage vers l’avant aux dépens des héros des qualifications, Hulkenberg et Button. Ceux-ci avaient défrayé la chronique samedi en jouant opportunément avec une capricieuse averse. Mais la réalité de la course ramenait dimanche leurs F1, Force India et McLaren, à leur juste valeur.

C’est alors que les pneus provoquèrent un premier coup de théâtre. Après dix tours seulement, plusieurs pilotes estimèrent judicieux d’en changer. Dont Rosberg. Ici, l’on touche à une aberration que les législateurs de la F1 devront nous expliquer un jour : cette année les équipes doivent choisir leurs pneus plusieurs semaines avant chaque Grand Prix. Sans avoir la moindre idée de la température qui règnera lorsqu’ils les utiliseront. Place est largement ouverte au hasard. Pour l’Autriche, beaucoup avaient retenu en priorité des gommes « super tendres », et même « ultra tendres », offertes par Pirelli. En se basant sur leur expérience des années précédentes. Manque de chance, le revêtement du Red Bull Ring a été refait à neuf et il s’est avéré dès les premiers essais beaucoup plus abrasif que précédemment. D’où les changements de pneus précoces. Confortablement installé en tête, Hamilton avait réussi à ménager les siens, ce qui n’était le cas ni de Rosberg ni de Vettel  – contraints de batailler pour surmonter leur handicap.

Résultat : Rosberg plongea à la 15e place après son changement de roues. Vettel, qui s’était qualifié avec des « super tendres » et non des « ultra tendres » comme les Mercedes, fit le pari d’emmener les siens plus loin. Hamilton en changea au 22e tour, laissant la première place à Raïkkonen qui en changea au 23e, offrant la première place à Vettel glorieusement revenu en tête depuis sa 9e place sur la grille. Une ondée menaçant, Sebastian tenta de retarder au maximum son changement de gommes. Mal lui en prit. Usé à la corde, un de ses pneus se désintégra en pleine ligne droite, le réduisant au KO technique.

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Safety car, multiplication des arrêts au stand. Quand la course fut relancée (31e tour) les Mercedes menaient la danse, Rosberg devant Hamilton dont l’arrêt avait été anormalement long. Restait plus de la moitié de la distance à couvrir. Cela les contraignit à un nouveau changement de pneus : des « tendres » (donc les plus durs) pour Hamilton au 54e tour. Des « super tendres » (donc plus fragiles) pour Rosberg. Hamilton s’en émut : son rival avait des pneus plus performants, pourquoi ? La réponse était simple : il n’y en avait pas d’autres ! Ainsi chaussé, Rosberg partit à la poursuite de Verstappen que les circonstances avaient placé en tête. Il le déborda, comme Hamilton le fit derrière lui. Mais ses pneus, plus performants et plus fragiles se dégradèrent… On connaît la suite.

VERSTAPPEN EN MAÎTRE

Ce G.P. d’Autriche va peut-être entraîner un certain désordre également chez Red Bull. Car Verstappen y a manifesté une maîtrise supérieure verstappenà celle de Ricciardo. Ce dernier n’avait pas été servi par la stratégie de son équipe au GP d’Espagne, où au lieu de lui échoir – s’il n’avait pas été arrêté pour un inutile changement de pneus – la victoire avait souri à Verstappen. L’Australien avait eu sa revanche à Monaco (2e derrière Hamilton tandis que Verstappen avait été éliminé sur accident). Mais au Canada le jeune Max (18 ans) l’avait dominé. A Bakou Ricciardo ne confirma sa position de leader d’équipe qu’avec une petite seconde d’avance. A Zeltweg il en a concédé 26 à son jeune équipier – qui a finalement manqué la victoire pour bien peu de choses. Et qui tend, course après course, à postuler pour devenir prochainement le leader de l’équipe Red Bull. Cela ne va pas dissiper le malaise que, malgré son sourire, l’on entrevoit dans le regard de Ricciardo.

GROSJEAN ET WEHRLEIN

On a revu avec plaisir Romain Grosjean connaître à Zeltweg la même réussite qu’en tout début de saison. Il y a fourni une prestation de qualité avec une constance sans faille, émergeant au fil des tours d’un peloton où figuraient des flèches de gros calibres : Perez, Alonso, Button et autres Sainz. Outre un excellent niveau de performances, Grosjean se fait remarquer par une utilisation optimum de ses pneus. A Zeltweg, son arrêt pour en changer ne pouvait pas être plus opportun puisqu’il coïncida avec l’intervention de la « safety car » due à l’accident de Vettel. Après quoi, il a conduit sur le fil sans l’ombre d’une faute pour arracher une 7e place de belle facture.pascal_wehrlein_2

Autre performance relative de grande qualité : celle de Pascal Wehrlein. Ça n’est pas la première fois que ce jeune espoir (21 ans) attire les regards. Là, l’abandon de Perez (freins défaillants) dans l’avant dernier tour lui a offert une 10e place inespérée mais méritée. Avec le si précieux point qu’elle rapporte au championnat. Bien que lié à Mercedes par contrat, pourquoi Wehrlein (dont la maman Mauricienne est  francophone) n’intéresserait-il pas l’équipe Renault qui aura des ambitions plus élevées en 2017 ? Pour les accomplir il lui faudra des pilotes d’un autre gabarit que les actuels…

Illustrations @ DR

 

 

 

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