Comminges

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Le circuit de Comminges vaut le détour qu’a fait Johnny Rives. Tous les charmes de Midi-Pyrenées y sont réunis et la perspective d’un nouveau musée ne fait qu’ajouter à l’attrait des lieux.

Classic COURSES

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Trente neuf voitures « anciennes » – dont de nombreuses « culs pointus » – ont participé au Rallye des Stations Thermales récemment organisé par l’Ecurie automobile du Comminges. Le Comminges est un nom qui résonne familièrement aux amateurs de l’histoire de la course automobile. Cette région incluant la ville de Saint-Gaudens s’est en effet enorgueillie pendant des décennies de l’organisation de Grands Prix sur un circuit qui connut ses heures de gloire.

L’idée en était venue, en 1922, à un certain Eugène Azémar, prof de philo au collège de Saint-Gaudens. Sa stratégie était d’associer les sports mécaniques (alors en plein essor) à diverses activités touristiques pour doper l’intérêt que pouvait exercer sa région – le Comminges. Le premier Grand Prix du Comminges eut lieu en 1925. Il se déroula sur un circuit routier de 27,6 km jusqu’en 1932. Ce tracé fut, en 1933, réduit à des proportions plus raisonnables en se limitant à un tracé de 11 km sur lequel se distinguèrent des pilotes d’envergure : René Dreyfus, grand as français des années précédant la guerre, s’y distingua à maintes reprises tant sur Bugatti que sur Delahaye. Et avec lui d’autres célébrités de l’époque : Jean-Pierre Wimille, Philippe Etancelin ou encore Raymond Sommer – tous grands champions dont la mémoire est perpétuée à Saint-Gaudens où des avenues portent leur nom.

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Départ du GP du Comminges 1932, les tribunes en béton depuis cette année (1932) et le circuit de 27,6 km utilisé pour la dernière fois.

René Dreyfus  Bugatti (troisième à droite dans la montée) fut longtemps leader de la course devant Jean Pierre Wimille  Bugatti et Freddy Zehender  Maserati. Dans le dernier tour un orage très localisé sur les tribunes provoqua deux incidents majeurs (heureusement sans gravité pour Dreyfus et Wimille… Dreyfus dérape face au public pour éviter un attardé en travers dans la trajectoire, tape un acacia qu’il sectionne se retourne, est projeté en l’air et se retrouve flanqué sur le sol légèrement blessé. L’arbre de Dreyfus devint légendaire puisque l’accident se produisit devant des milliers de spectateurs ! Jean Pierre Wimille passe sur l’endroit de l’accident et se retrouve en tête, il lui arrive la même chose juste avant le virage de Beaurivage à 1km de là… les deux pilotes sont évacués dans une clinique locale avec des bosses et contusions diverses ! Freddy Zehender se retrouve donc à sa grande surprise vainqueur du Grand Prix !

La cérémonie se déroule, Freddy n’ouvre pas le champagne  puis file vers la clinique, il frappe à la porte, sont là Dreyfus et Wimille avec des pansements !!!  Freddy ouvre le champagne pour le partager avec ses infortunés compagnons. ( Récit de René Dreyfus à Michel Ribet qui nous l’a transmis) .

L’une des caractéristiques du circuit du Comminges était d’être doté de gradins extraordinaires aménagés sur les flancs d’une hauteur surplombant le circuit, à l’entrée de Saint-Gaudens. Des gradins si fameux qu’ils ont été classés – et existent donc toujours. C’est sous les yeux d’un nombreux public massé sur ces gradins en béton que Charles Pozzi, le futur importateur de Ferrari en France, conduisit à la victoire sa Delahaye 145 12 cylindres dans le G.P. de l’A.C. de France 1949 – ouvert pour la dernière année aux voitures de Sport, puisque dès l’année suivante, avec la création du championnat du monde, le G.P. de l’A.C.F. devait être réservé aux monoplaces de Grands Prix. Pozzi succédait à Louis Chiron (Talbot), vainqueur en 1947 après l’abandon de Villoresi (Maserati) qui eut sa revanche en 1948.

En 1952, une série de courses fut mise sur pied sur l’ensemble du territoire français, calquée sur les Grands Prix du championnat du monde, donc ouverte cette année là aux F2. Il s’agissait des Grands Prix de France, au nombre de huit qui attirèrent les principales équipes de course de l’époque : Ferrari, Gordini et HWM. Elles engageaient trois voitures chacune, auxquelles s’ajoutaient quelques pilotes privés de qualité. Les circuits choisis étaient Pau, Marseille, Montlhéry, Reims, Rouen, les Sables d’Olonne, Saint-Gaudens et La Baule.

Cette série de Grands Prix généreusement dotée de 60 millions de francs connut un succès considérable. On garde généralement en souvenir la mémorable victoire de Jean Behra à Reims, qui réussit l’exploit sur sa Gordini de battre les Ferrari officielles. Mais dans l’ensemble, celles-ci se montrèrent intraitables et s’imposèrent largement. Sur le circuit du Comminges – qui avait été ramené à   4,4 km – la victoire n’échappa pas à Alberto Ascari. Ayant endommagé sa Ferrari lors d’un accrochage avec Trintignant, Ascari poursuivit sa course au volant de celle de son équipier français André Simon, franchissant victorieusement l’arrivée au pied des fameux gradins.

Le tandem italo-français Ascari-Simon figure donc au palmarès du G.P. de Saint-Gaudens 1952 devant Nino Farina (Ferrari) et John Heath (HWM).

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En 1954, le circuit du Comminges accueillit des épreuves de moindre envergure – le Grand Prix étant réservé aux Monomill, de petites monoplaces conçues et construites par DB. Il fut gagné par Claude Storez, un des grands espoirs français qui hélas devait périr cinq ans plus tard sur le circuit de Reims au volant d’une Porsche.

 

La catastrophe du Mans (1955) remit en cause la sécurité en course et bien des circuits n’en réchappèrent pas. Le Comminges y survécut cependant une année encore : en 1956 il fut le théâtre de la première des courses en circuit du Tour Auto. Stirling Moss (Mercedes 300 SL) s’y mit en évidence en battant le futur vainqueur du Tour, de Portago (Ferrari 250 GT).

 

Après quoi ce fut le grand sommeil pour ce haut lieu de la course. Jusqu’à ce qu’en 1975 un quatuor de jeunes passionnés (Michel Ribet, Alain Saint-Ignan, André Fourment et Francis Monnot) se mette en devoir de redonner vie à un passé auquel ils étaient attachés. C’est eux qui mettent sur pied le Rallye des Stations Thermales ouvert aux voitures historiques évoqué au début de ce récit. Après avoir réussi à faire classer les fameux gradins du circuit du Comminges, ils vont bientôt inaugurer un musée (EAC en collaboration avec la municipalité de St – Gaudens et la CCSG)  ouvert à la gloire de ce circuit fameux qui a participé à la réputation d’une riche région pendant des décennies. On souhaitait leur rendre hommage à travers ces quelques lignes.

Johnny RIVES.

Photos @ DR Ecurie Automobile du Comminges

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Johnny Rives

« Lorsque j’ai été appelé sous les drapeaux, à 21 ans, j’avais déjà une petite expérience journalistique. Un an et demi plus tôt j’avais commencé à signer mes premiers « papiers » dans le quotidien varois « République », à Toulon. J’ai envoyé le dernier d’entre eux (paru le 4 janvier 1958) à Pierre About, rédacteur en chef à L’Equipe. Il m’a fait la grâce de me répondre après quoi nous avons correspondu tout au long de mes 28 mois d’armée. Quand je revins d’Algérie, très marqué psychologiquement, il voulut me rencontrer et me fixa rendez-vous au G.P. deMonaco 1960. Là il me demanda de prendre quelques notes sur la course pendant qu’il parlait au micro de Radio Monte-Carlo. J’ignorais que c’était mon examen d’entrée. Mais ce fut le cas et je fus reçu ! Je suis resté à L’Equipe pendant près de 38 ans. J’ai patienté jusqu’en 1978 avant de devenir envoyé spécial sur TOUS les Grands prix – mon premier avait été le G.P. de France 1964 (me semble-t-il bien). J’ai commencé à en suivre beaucoup à partir de 1972. Et tous, donc, dès aout 1978. Jusqu’à décembre 1996, quand les plus jeunes autour de moi m’ont fait comprendre qu’ils avaient hâte de prendre ma place. C’est la vie ! Je ne regrette rien, évidemment. J’ai eu des relations privilégiées avec des tas de gens fascinants. Essentiellement des pilotes. J’ai été extrêmement proche avec beaucoup d’entre eux, pour ne pas dire intime. J’ai même pu goûter au pilotage, qui était mon rêve d’enfance, ce qui m’a permis de m’assurer que j’étais plus à mon aise devant le clavier d’une machine à écrire qu’au volant d’une voiture de compétition ! Je suis conscient d’avoir eu une vie privilégiée, comme peu ont la chance d’en connaître. Ma chance ne m’a pas quitté, maintenant que je suis d’un âge avancé, puisque j’ai toujours le bonheur d’écrire sur ce qui fut ma passion professionnelle. Merci, entre autres, à Classic Courses. »

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Philippe Robert

C’était donc cela ces étranges tribunes en béton sur la route des vacances (celle des Landes en l’occurrence). …merci Johnny de ce témoignage.

marc

Merci pour cette ballade historique remarquablement partagée par un écrivain historique .