Carlos Reutemann (1942-2021)

La Ferrari 412T fit quelques tours du circuit Oscar Galvez de Buenos Aires à vive allure sous les applaudissements nourris des spectateurs. Puis elle rentra aux stands, où son pilote se saisit d’un drapeau argentin et revint sur la piste pour une boucle supplémentaire, l’étendard national haut brandi sous les vivats de la foule extatique. Nous étions en avril 1995 pour le Grand Prix de Formule 1, et ce pilote n’était là que pour la parade : le gouverneur de la province de Santa Fe avait répondu avec enthousiasme à l’invitation de Jean Todt de venir tourner sur une monoplace de la Scuderia Ferrari, sur laquelle on avait exceptionnellement « stické » un numéro 11. Comme au bon vieux temps où Carlos Reutemann disputait le championnat du monde pour l’auguste maison, soit dix-sept ans auparavant.
Malgré l’âge, le gouverneur Reutemann prouva ce jour-là que son coup de volant était, sinon intact, du moins crédible. Et afficha ouvertement un plaisir immense à conduire ce qui se faisait de plus excitant en matière de voiture de course. Puis, il évoqua sans détour ses sentiments, dont celui – toujours bien tenace – de l’amertume de ce sacre envolé pour un malheureux point face à Nelson Piquet en 1981 lors de la dernière manche à Las Vegas, alors qu’il avait mené la danse durant toute la saison (1). Mais il pouvait se retourner avec fierté sur son passé : dix saisons à piloter pour les plus grandes écuries avec 12 victoires à la clé, ce n’était pas donné à tout le monde !
Carlos Reutemann fut une des figures marquantes de ces années soixante-dix, et début des quatre-vingt. Il était celui qui devait succéder dans l’amour du public argentin à l’éternel Fangio. Il avait le charisme, le talent, les compétences techniques. Une gueule, une prestance comme on n’en fait plus ! Il brillait en Formule 1, sa spécialité, mais savait aussi partager un baquet : son parcours en endurance fut bref – Ferrari en 1973, Alfa Romeo en 1974 – mais ponctué de quelques podiums. Il tâta également du rallye. A ses tout débuts dans les années soixante sur les pistes poussiéreuses de la pampa, mais aussi plus tard à un haut niveau, sur Fiat et Peugeot. C’est d’ailleurs lors du Rallye d’Argentine 1985, disputé sur une 205 T16 officielle avec une belle 3e place à la clé, que Todt et Reutemann avaient tissé des liens qui autoriseraient dix ans plus tard les retrouvailles évoquées plus haut.
De toutes les écuries qu’il a fréquentées, c’est finalement chez Ferrari qu’il fit le plus étalage de ses belles qualités de pilote. Notamment en 1978 en enlevant quatre grands prix au volant d’une 312T3 conventionnelle face aux intouchables Lotus 79 à effet de sol. Lors d’une interview pour feu le magazine Automobile Historique, l’ingénieur Mauro Forghieri se rappelait avec délice sa collaboration avec le bel Argentin : « C’était un très bon pilote, il faut le répéter […] Pour moi, le passage de Carlos reste un bon souvenir. C’était un homme très bien, possédant un niveau culturel intéressant. C’était un gentleman, il venait d’une famille de haut niveau. Avec lui, on pouvait parler de voiture, mais aussi d’autres choses. Avec d’autres, on ne pouvait parler que de voiture et d’avion, vous voyez ». Cette belle entente justifiait certainement que Carlos Reutemann répondît favorablement à Jean Todt en 1995 à Buenos Aires. Adios Carlos.
NOTE (1) Pour essayer de faire court, Reutemann commit l’erreur fatale en début de saison 1981 de gagner le grand prix du Brésil devant son coéquipier champion du monde en titre chez Williams, Alan Jones, clairement désigné par contrat comme numéro 1. L’Argentin se mit alors à dos la quasi-totalité de l’équipe, qui ne fit pas grand-chose pour l’aider en fin de parcours dans sa quête de la couronne mondiale, Jones étant pourtant hors course à ce moment-là.
Pierre Ménard
J’ai toujours eu beaucoup de respect pour « Lole ». De la classe, de l’allure, du talent, il fait indéniablement partie des quelques pilotes pour qui ne pas avoir été champion du monde constitue une injustice. Il méritait bien un hommage sur CC.
Merci pour ce bel hommage à Reutemann , « one of the truly greats » .
Sûr, beaucoup d’excellents pilotes auraient mérité un titre mondial.Mais le nombre de saisons F1 n’ont pas été suffisantes pour cela!… Un titre est la conjonction des efforts d’une équipe entière avec en plus le coup de pouce de la réussite. Les qualités d’un pilote ne se circonscrivent pas à l’obtention d’un titre. Ce serait injuste en effet de ne tenir compte que de cette consécration. Tant d’autres paramètres entrent en jeu…
sympa le geste de Ferrari envers son ancien pilote
Après l’accident survenu à Niky Lauda en 1976 au Nurburgring lors du Grand Prix d’Allemagne, la direction sportive de l’écurie Ferrari engagea Carlos Reutemann. Cette décision provoqua la colère de Niky Lauda. Le champion du Monde autrichien retrouva une motivation décuplée pour gagner à nouveau des Grands Prix et reprendre son titre en 1977. Il quitta la Scuderia Ferrari sans regrets deux Grands Prix avant la fin de la saison. Il partit rejoindre en 1978 l’écurie Brabham Alfa Romeo de Bernie Ecclestone.
Comme Brésilien e supportant de Pace, des frères Fittipaldi et Piquet, j’était comme un « énemie » de Reutemann.
J’était a Interlagos/1972, Rio/1978 et Rio / 1981 et, pour ma tristesse, c’était l’enemie le vainquer.
Mais Reutemann etait vite, trés vite, digne des champions. Un remarquable champion argentin.
C’est remarquable que Alan Jones, champion en titre, était sans volant pour 1982, ce qui confirme: Reutemann était le plus vite.
Il y a aussi une histoire (vrai ou faux) de la Guerre des Isles Malvinas qui a trompé les carrières de beacoup des argentins la au 1982.
En 1976 les deux Carlos couraient sur les Brabham BT45 Alfa Romeo. Autos agressivement belles. Peu fiables néanmoins. Leurs pilotes avaient des « gueules ». Pace et Reutemann. L’un s’en est allé tutoyer les étoiles dès le début 1977… l’autre est passé chez Ferrari. Étant tellement impressionné par l’accident de Niki Lauda puis son retour miraculeux, je voulais, souhaitais, priais pour qu’il reste celui qu’il avait été. Et je ne pouvais accepter le rôle que la scuderia entendait confier à Carlos. Il était devenu l adversaire de Lauda. Donc le mien. Nous avons néanmoins fait la paix Carlos et moi. Lorsque Lauda… Lire la suite »
Bonjour ,
Si ma mémoire de ces années là est bonne , et si les CR dans Sport auto de l’époque sont justes :
La voiture était fiable ; c’est le moteur ALFA ROMEO qui ne l’était pas du tout . Il tenait bien en protos mais n’avait pas sa place en F1 , comme un autre V12 d’ailleurs : celui de MATRA .
Reutemann en Ferrari 1976: le normal de la Scuderia. Le champion en titre écarté, échangé par Reutemann.
Il ságit d’un faux pas de l’argentin.
Carlos contre Carlos, Brabham 1974 / 1976 a affirmé la competence du Lole.
Carlos Reutemann fut un des leaders de son époque en F1 et remporta de nombreuses courses. Comme beaucoup de commentaires ce qui me vient immédiatement à l’esprit ce n’est pas tant sa victoire au Nürburgring en 1975 à la suite des ennuis de Depailler et Lauda et à laquelle j’ai assisté ou encore son autre victoire en Angleterre en 1978 après avoir dépassé Lauda gêné par Giacomelli attardé, mais c’est surtout son arrivée à la Scuderia dans une ambiance délétère à Monza en 1976.
J’ai bien connu Carlos Reutemann en étant commissaire de Piste International pendant sa carrière en F.1, Lole ( son surnom d’enfance ) était un grand pilote, je l’admirais beaucoup, douze victoires en F.1 en 146 G.P. et 6 pole positions , 45 podiums . Carlos était un homme sympathique , il en imposait par un physique de beau ténébreux ! Je pense qu’il courait au moral , il fallait qu’ il se sente soutenu par son entourage et surtout par son Team se qui ne le fut pas malheureusement pour lui .