3 juin 2017

Eric Broadley 1928-2017

Eric Broadley vient de disparaître à l’âge de 88 ans. Les lecteurs de Classic Courses connaissent bien l’importance de ce monsieur dans l’histoire de la course automobile de la seconde moitié du siècle dernier, je ne reviendrai donc pas sur les étapes de sa longue carrière. D’autant qu’on les trouve détaillées dans les nombreux articles qui ont fleuri sur le Net depuis sa disparition.

Olivier Favre

Lola Poster CC

Plus subjectivement et tout à fait arbitrairement, je me contenterai de de souligner ce qu’évoque pour moi le nom « Lola » et celui d’Eric Broadley :

D’abord, « Lola » est certainement l’un des plus beaux noms qu’on ait pu trouver pour baptiser des automobiles. Simplicité, exotisme, sensualité, facilité de prononciation, ce prénom hispanique tient un peu d’une évidence pour identifier des voitures de course légères, rapides et bien conçues, en un mot efficaces.

Lola Hill Indy 66

Lola, c’est avant l’arrivée du rouleau compresseur Porsche, la seule marque qui ait réussi – avec Stewart en 1971 – à briser l’hégémonie des McLaren dans le challenge Canam.

Lola FilipinettiLola, c’est une implication tous azimuts en 50 ans d’existence et une production pléthorique : atteignant dès 1975 le chiffre de 1 000 voitures produites, Lola fut longtemps le premier constructeur mondial de voitures de course. Pendant 40 ans il y eut des Lola sur tous les circuits, dans toutes les catégories et sur tous les continents.

Eric Broadley, justement, était d’abord un constructeur avant d’être un compétiteur, au contraire d’un Colin Chapman ou d’un Ken Tyrrell. Le plus important pour lui était de concevoir des châssis, quelle que soit la catégorie, en suivant la demande du marché et en s’entourant d’ingénieurs de haut vol, dont certains s’émanciperont et marqueront eux aussi de leur nom l’histoire de la course : Tony Southgate, John Barnard, Patrick Head, Ralph Bellamy.

Cette prorité à la conception et à la commercialisation explique qu’il y ait eu peu de Lola directement engagées par l’usine. Ce n’était pas forcément nécessaire, la qualité des voitures de Slough (puis Huntingdon) ayant convaincu des clients de renom qui assuraient la présence de Lola sur les podiums. Mais c’est aussi rétrospectivement un peu dommage, quand on songe à certaines voitures bien nées qui n’eurent pas le développement qu’elles auraient mérité. Le meilleur exemple étant la Lola T280 de 1972, qui était au niveau des Ferrari mais qui fut handicapée par les faibles moyens de Jo Bonnier.

Lola HillLola, ce sont des victoires presque partout, sauf en F1. La toute première tentative en 1962, avec John Surtees, passa pourtant tout près du succès. Et la Honda F1 victorieuse à Monza en 1967 devait beaucoup à Broadley. Lola Dalmas 1987 MexicoMais ensuite, durant plus de 30 ans, Lola revint en F1 à peu près tous les 10 ans (avec Graham Hill en 1974, avec Carl Haas en 1985 puis Gérard Larrousse en 1987 et BMS-Scuderia Italia en 1993) et toutes ces tentatives en tant que fournisseur de châssis furent des échecs. Mais des échecs relatifs à côté du désastre complet que fut la dernière incursion, cette fois en tant que constructeur à part entière : le très court épisode Lola Mastercard de 1997 peut prétendre au titre de déroute la plus totale (et la plus rapide !) de l’histoire de la F1, qui en connut pourtant un paquet.

Spa Classic 2017Lola, ce sont quelques superbes voitures qui font encore le bonheur des spectateurs aujourd’hui. Car que seraient les courses historiques sans Lola ? Lola T600Je pense en particulier à la T70, surtout dans sa version coupé MkIIIB, et aux multiples déclinaisons – 2 litres ou 3 litres – du très élégant dessin initié avec la barquette T282 de 1973. A mon sens, et hormis les Ferrari 312 PB longues de 73, on n’a jamais fait plus agréable à l’œil en matière de barquettes Sport.

A contrario, il y eut aussi (mais c’est un avis personnel qu’on peut ne pas partager) quelques Lola d’une laideur extraordinaire, en particulier la T600 de 1981 et les T610 Groupe C de l’année suivante. N’oublions pas non plus que la Lola Mk6 de 1963 fut le prototype de la Ford GT40, autre voiture intemporelle que l’on ne se lasse pas de voir (et d’entendre !) dans les manifestations historiques.

Je ne sais pas comment ils s’appellent (les lolistes ?), mais tout comme il y a des inconditionnels de Porsche, de Ferrari ou de Jaguar, les fans de Lola existent. Lola 1973 Magny-CoursJ’en connais un : il connaît son sujet sur le bout des doigts et collectionne les Lola au 1/43, en particulier celles vues au Mans. Et il a de quoi s’occuper : depuis la toute première vue dans la Sarthe, la Mk1 de 1960, ce ne sont pas moins de 149 Lola (en comptant les De Cadenet) qui ont disputé la classique mancelle jusqu’en 2013 ! Hormis Porsche, Ferrari et Aston Martin, aucune autre marque ne peut se prévaloir d’une telle fidélité aux 24 Heures. Et on pourait y ajouter bien d’autres châssis (Nimrod-Aston Martin, ACR, Nissan,…) qui étaient issus de l’usine de Huntingdon.

Saluons donc comme il se doit le dernier départ d’Eric Broadley, en le remerciant d’avoir fourni tant de bonnes voitures à Reg Parnell, John Surtees, John Mecom, Sid Taylor, Ulf Norinder, Jo Bonnier, Roger Penske, Georges Filipinetti, David Piper, Carl Haas, le comte Van der Straten, Martin Birrane, Graham Hill, Parnelli Jones, Alain de Cadenet, Teddy Yip, Pat Patrick et tant d’autres … .

Lola Bonnier

Illustrations :

Poster : © Pierre Ménard – commande particulière

Photos (DR) :

Lola T90 – Graham Hill – Indianapolis 1966
Lola T212 Filipinetti – Targa Florio 1971
Lola T370 – Graham Hill – 1974
Lola T87/30 – Yannick Dalmas – Mexico 1987
Spa Classic 2017 (© O. Favre)
Lola T600 – Le Mans 1981
Magny-Cours 1973
Lola T70 Bonnier – 1000km de Spa 1969

Pour tout savoir sur Lola : http://www.lolaheritage.co.uk/history/story.htm

 

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