27 janvier 2015

DNF 2014

Ils nous ont quitté en 2014, Classic COURSES leur rend hommage.

Olivier Favre

DNF – Did Not Finish, c’est l’abréviation bien connue qui émaille les tableaux de résultats édités en anglais. Eux n’ont pas terminé l’année 2014, jetons un coup d’œil dans le rétroviseur pour les saluer une dernière fois.

1070055446DNF 2014 : Commençons par le sommet de la pyramide, la F1 : l’année a bien évidemment été marquée par les disparitions de Jack Brabham et d’Andrea de Cesaris (334 GP à eux deux !), qui ont fait l’objet de notes spéciales sur CC . Mais trois autres pilotes ayant pris le départ d’au moins un Grand Prix nous ont quittés plus discrètement, soit par ordre chronologique d’entrée en lice dans le F1 Circus : Tony Settember, le riche Américain qui dépensa beaucoup d’argent dans la cuisante (més)aventure Emeryson-Scirocco (7 GP en 1962-63), Al Pease, le Canadien qui s’aligna trois fois au départ de son Grand Prix national, de 1967 à 1969, avec une Eagle de plus en plus dépassée, au point qu’il fut disqualifié en 1969 pour « excès de lenteur » etJonathan Williams, le plus italien des Anglais (avec Mike Parkes quand même), qui ne disputa qu’un seul Grand Prix (Mexique 67), mais au volant d’une Ferrari. Williams fut aussi l’un des pilotes-cameramen de la Porsche 908 qui filma les images « on board » des 24 h du Mans 1970 pour le film de Steve McQueen.

3429470205La F1, ce ne sont pas que des pilotes, il faut aussi rendre hommage à tous ceux – ingénieurs, mécanos, team-managers, … – qui œuvrent dans l’ombre pour que la grille de départ soit remplie. Disparu l’été dernier, Len Terry travailla pour une bonne trentaine de marques ou d’écuries, mais c’est chez Lotus, sous la direction d’un Chapman avec qui les rapports étaient souvent orageux, qu’il dessina deux voitures légendaires de 1965, la 33 championne du monde et la 38, victorieuse à Indy. C’est aussi lui qui conçut l’une des plus belles F1 de l’histoire : l’Eagle-Weslake de 1967. Autre figure des années 60, le Néo-Zélandais Eoin Young fut un intime de Bruce McLaren et contribua à lancer la marque éponyme, avant de se tourner vers le journalisme. Il écrivit aussi plusieurs biographies de pilotes des antipodes, tels Hulme et Amon. Young avait été précédé de quelques mois par l’un de ses compatriotes historiens, David McKinney, dont les ouvrages sur la Maserati 250 F font autorité. Dans un contexte plus contemporain, le chef-mécanicienNigel Stepney, disparu dans un accident de la route en mai dernier, était un élément-clé de la dream team Todt-Schumacher, après avoir travaillé chez Lotus et Benetton. Pour son malheur, il était sorti de l’ombre en étant au centre d’une sombre affaire d’espionnage technique en 2007.1382252801

2801747311Disparu dans les premiers jours de 2014, Brian Hart était connu avant tout comme ingénieur et motoriste. Après s’être fait une réputation en F2 dans les années 70 (3 titres européens avec des Ford préparés en 1971 pour Peterson et 1972 pour Hailwood, puis un Hart dans la Toleman de Henton en 1980), il devint la solution en F1 dans les années 80 et 90 pour les écuries de second plan ne pouvant s’offrir un moteur au nom d’un grand constructeur. Brian Hart fut aussi pilote en F2 à la fin des années 60, tout comme le Suisse Walter Habegger, qui fermait la marche du peloton le 7 avril 1968 à Hockenheim et qui nous a quittés en novembre, quelques mois après son compatriote Jürg Dubler, que l’on vit aussi en F2 (en 1970), mais qui fut surtout un pilier de la F3, dont il narra les belles années dans un livre remarquable,« Les années fabuleuses de la F3-1000cc ». 1290036080On vit aussi l’Italien Carlo Giorgio en F2, mais il fut surtout un grand animateur de la F3 italienne, dont il fut champion national en 1973. Puisque nous sommes maintenant en F3, signalons les décès deBarrie Maskell, très présent dans les courses anglaises de la fin des sixties, et de Michel Maisonneuve, qui pilota l’Elise entre 1989 et 1991 et fut aussi deux fois vice-champion de France de Formule Renault et deux fois vainqueur de la Porsche Carrera Cup France, en 1989 et 1990.

1580236248Les sept participations de Michel Maisonneuve aux 24 Heures du Mans nous amènent à l’endurance, spécialité où se distinguèrent plusieurs autres disparus de l’année.

443367953Décédé en décembre à 91 ans, le Normand Roger Masson participa 10 fois aux 24 Heures du Mans et on se souvient de lui d’abord pour son exténuant demi-tour de circuit à pied en 1957 : poussant sa Lotus tombée en panne sèche au bout des Hunaudières, il réussit à revenir au stand après une heure et demie d’efforts. Un exploit physique, mais une manœuvre qui fut ensuite interdite, car beaucoup trop dangereuse.

Disparu en septembre à 94 ans, l’Américain Richard « Dick » Thompson, surnommé le « Flying dentist » (le métier qu’il exerça durant toute sa carrière d’amateur éclairé), fit beaucoup pour la renommée sportive de la Corvette (5 fois champion SCCA de 1956 à 62) et participa à de nombreuses épreuves sport-protos dans les années 60, le plus souvent dans des écuries américaines (Cunningham, Cobra, …). Equipier de Jacky Ickx lors de la première victoire du pilote belge aux 1000 km de Spa en 1967 (Mirage M1), il eut la chance de se sortir indemne d’un gros crash au Mans l’année suivante, quand l’accélérateur de sa Howmet à turbine d’hélicoptère resta coincé.

2404443486882931672Mort également nonagénaire (92 ans), Pierre Noblet, industriel du Nord, forma une paire emblématique avec Jean Guichet, au volant de Ferrari GT qui terminaient souvent très près des protos, par exemple au Mans en 1962. Quinze ans plus tard, c’est une paire italienne que l’on vit beaucoup en Groupe 2 (BMW le plus souvent) et Groupe 5 (Porsche, mais aussi l’éphémère Ferrari 308 GTB silhouette) : Facetti-Finotto. Martino Finotto est mort en août. Quand il faisait des infidélités à Facetti, il avait pour coéquipier un autre Italien, disparu en avril : Giorgio Pianta, que l’on vit au Mans en 1981 (Lancia Beta Monte-Carlo) mais qui fut surtout pilote d’essai et team-manager chez Fiat, Lancia et Alfa-Romeo. Il joua notamment un grand rôle dans la mise au point des 131 Abarth et Lancia 037. En passant le Channel, on rappellera le décès de Tony Birchenhough, pilote et promoteur de l’écurie Dorset Racing Associates, que l’on vit au Mans à la fin des années 70 avec des Lola 2 litres.

Restons chez sa gracieuse Majesté pour évoquer la mémoire de certains de ses « motor racing subjects » :

3356443165Après avoir été pilote, Tony Crook dirigea la firme Bristol. Brian Lister était le créateur des impressionnantes Lister-Jaguar de la fin des années 50. John Crossle produisit depuis 1957 en Irlande du Nord une impressionnante lignée de formules de promotion qui permirent à nombre de pilotes (dont Watson, Mansell, Irvine) de débuter en monoplace. Et Graham Warner dirigea le Chequered Flag, une écurie emblématique des sixties et seventies, dont l’engagement alla de la Formule Junior au rallye, en passant par les GT et même la Formule 1. Mais le temps des écuries privées était déjà révolu et cette brève incursion (fin 1974 avec une Brabham BT42 pour Ian Ashley) fut un échec complet.1699940837

284020159Un (grand) pas de plus vers l’Ouest et nous abordons l’Amérique où le « motor racing world » a perdu Gary Bettenhausen : 21 participations à Indy (une 3e place en 1980). Il était le fils de Tony Bettenhausen, mort lors d’une séance d’essais à Indy en 1961 et le frère de Tony Junior, également pilote et décédé en 2000 dans un accident d’avion. Un pied à Hollywood, l’autre dans la course, l’acteur James Garner, est également décédé l’été dernier. Célèbre pour son premier rôle dansGrand Prix, il avait aussi fondé le teamAmerican International Racers qui engagea des Lola T70 en 1968-69 (2eplace aux 24 h de Daytona 1969 pour l’équipage Leslie-Motschenbacher). Enfin, la course américaine a aussi perdu le Vénézuélien Emilio di Guida, qui fut récemment le coéquipier de Sébastien Bourdais en catégorie Grand Am.

31457559843396338450Revenons en Europe, sur les routes cette fois : trois figures des courses de côte ont fait leur dernière ascension en 2014 :l’Allemand Herbert Stenger, plusieurs fois champion d’Europe de la Montagne, le Suisse Kurt Buess et le Français Jean Rocher, plus connu sous le pseudonyme de « Thiam ». De son côté, le rallye a perdu un grand monsieur en la personne de Björn Waldegård (cf note CC). Mais aussi Jean-François Fauchille, le coéquipier historique de Jean-Louis Clarr, qui remporta plus tard le Tour de Corse (1986) et le Monte-Carlo (1988), les deux fois avec Bruno Saby comme pilote.

3178355433Restons en France pour évoquer les disparitions de plusieurs figures du sport automobile hexagonal de l’après-guerre : Jean Caillas, alias « Jicey », était un ingénieur-inventeur passionné de vitesse, qui construisit notamment deux monoplaces F2 au début des années 50.Georges Quéron était célèbre pour ses Dauphine protos et ses nombreuses courses au Volant de Jidé. Michel Fabre était une figure incontournable du karting, dont il fut double champion de France, mais aussi importateur des châssis Tecno et découvreur de talents, parmi lesquels Alain Prost. Jacques Barberot, dit« Panic », était un amateur multicartes (côte, rallye, rallycross, historique, …) très présent dans les années 70 et 80. Pierre-Yves Gérard était triplement pilote : de chasse, de ligne et de course, avec l’Orion de Formule Renault dans les années 80. Quant à Philippe Gurdjian, il avait abordé la course comme patron d’une agence de pub et pilote amateur (vainqueur en GT au Mans avec Bob Wollek en 1977), avant de s’investir ensuite dans le championnat de France de Production, puis dans l’organisation des Grands Prix aux côtés de Bernie Ecclestone.

4018619234Puisque Tonton Bernie nous amène aux gros sous, évoquons le sponsoring : on a à juste titre très largement commenté la dispa
rition de François Guiter, « Monsieur Elf » (y compris sur CC), mais un peu avant lui était parti « Monsieur Martini » : l’Allemand Hans-Dieter Dechent est l’homme qui a introduit la marque d’apéritifs dans le sport automobile. Et qui a aussi laissé le souvenir de quelques livrées originales (la 917 « hippie », la 917 « cochon rose »), pas forcément au goût du Comte Rossi d’ailleurs !

Terminons ce tour d’honneur en rappelant la mémoire d’un « béhèmiste », le team-manager Dieter Lamm, l’une des têtes du team Schnitzer (avec son frère Charly et Herbert Schnitzer), et d’un Alfiste, le pilote belge Jean-Marie Lagae, 2e des 24 Heures de Spa 1965.

Illustrations (DR) : dans l’ordre, Brian Lister, Tony Settember, Jonathan Williams, Len Terry, Eoin Young, Brian Hart, Jürg Dubler, Roger Masson, Dick Thompson , Martino Finotto, Giorgio Pianta, John Crossle, James Garner, Jean-François Fauchille, Georges Quéron, Michel Fabre, Hans-Dieter Déchent.

 

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