27 décembre 2014

Christian Bedeï

Ravi de savoir Christian Bedeï récompensé par des professionnels connaisseurs. Christian est un modeste ; il avait oublié de prévenir les copains. Du coup, on se sent obligé de le féliciter en public, quitte à le faire rougir !

Jacques Vassal

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Ayant eu la chance de travailler avec lui pendant onze ans (1989-2000) àAuto-Passion, puis quelquefois par la suite (notamment pour Chorus, le trimestriel de la chanson), je puis dire qu’il a changé en profondeur le regard que, simple rédacteur, je portais sur les sujets à traiter (autos, musées, collections, courses), voire sur les personnes interviewées (pilotes, ingénieurs, artistes, artisans, collectionneurs…). Avant lui, un seul m’avait fait « voir » mes sujets différemment : Jean-Pierre Leloir, avec les chanteurs et les musiciens, du temps de Rock & Folk et deParoles et Musique. Et Leloir était une « pointure » !

IMG_1297.jpgMais revenons à Christian et à nos aventures de presse automobile. Quand on nous prête une auto, même de course, à essayer, il ne faut pas se prendre pour un pilote. Plus modestement, être un conducteur correct et rendre en bon état les autos qu’on nous confie, dont certaines sont hors de prix et rarissimes. Sortie de route ou même tôle chiffonnée absolument interdite ! Il s’agit de mettre en valeur les beautés ou les particularités d’un modèle, avec des aspects techniques et des élans esthétiques. Christian a toujours le chic pour trouver le bon endroit, le bon décor, le bon angle, sans parler du choix (quand on l’a !) de l’horaire des prises de vues. Mes meilleurs souvenirs avec lui aux objectifs et moi aux manettes : la Bugatti EB 110 S qui avait couru les 24 Heures du Mans 1994, une auto fabuleuse que j’ai eu le bonheur de conduire, sur la piste de Lohéac, puisqu’elle avait rejoint la collection de Michel Hommell. Une autre fois, une barquette Ferrari 225 S de 1952, sur une route tortueuse de l’arrière-pays niçois. Le V 12 résonnait joyeusement entre les flancs rocheux et je prenais garde à ne rien toucher, tout en donnant satisfaction à l’opérateur !

Et puis une Chevrolet Corvette à carrosserie spéciale, une berlinette Scaglietti (trois exemplaires construits), aux allures de Ferrari 250 GT, que nous avons sortie d’un garage parisien puis menée à une cinquantaine de kilomètres à l’est de la capitale, pour trouver un terrain… d’entente entre la bête à gros V 8 sur-vitaminé, les appareils de Christian et la sécurité routière. Soit un espace bitumé et SANS circulation, où je pouvais placer ladite bête en appui sans rien faire de dangereux.

Et le souvenir le plus cocasse peut-être : ce jour-là, je n’étais ni pilote, ni même conducteur, mais plutôt chauffeur, celui d’une ZIL 114 (limousine soviétique de 6,30 m de long et au V 8 de plus de 7 litres de cylindrée), que nous avons dû extraire d’un niveau – 7 de parking à la Défense et emmener à travers Paris jusqu’à la place du Colonel Fabien, devant le siège du Parti Communiste Français, moi à la direction assistée (de la ZIL, hein, pas du PCF !), déguisé avec vareuse et casquette de l’Armée Rouge, ressemblant vaguement (on s’en est aperçu après) à… Joseph Staline.

C’est le cas de le dire avec la ZIL : certains jours nous n’en menions pas large ! En tout cas, nous avons réussi à ne jamais casser une voiture et c’est l’occasion ici pour remercier publiquement tous les propriétaires ou collectionneurs qui nous ont, un jour ou l’autre, fait confiance en nous prêtant ces merveilles. Elles étaient, certes, assurées, et même ré-assurées par le journal pour le Jour J, mais quand même…

Autre chose : les interviews. Là encore, Christian a toujours su mettre à l’aise le « client » ou la « cliente » du jour. Quand d’autres poseraient d’un air gêné ou compassé, il les fait sourire en bavardant avec le rédacteur, placé hors-champ à côté de l’opérateur. Grâce à quoi nous avons eu les meilleures expressions de Roy Salvadori dans son appartement de Monaco, de Carroll Shelby dans l’atelier d’un ami près du circuit du Mans, de Mario Andretti au paddock juste avant les dernières 24 Heures du Mans qu’il allait disputer, Jack Brabham et Tony Brooks en goguette à Venise (eh oui !) au milieu d’autres vieilles gloires, dont Phil Hill, Jackie Stewart sur le stand Ford au Salon de Genève ou encore Jean Blaton (alias Beurlys) chez lui en Belgique, entouré de sa collection. Cet homme vraiment charmant nous a offert à chacun une Ford GT 40 jaune (au 1/43e !) pour nous remercier de nous être intéressés à lui et à sa carrière de pilote. D’autres rencontres, moins prestigieuses, sont aussi passionnantes : ainsi d’un collectionneur en Normandie, ou d’un mécanicien amoureux des beaux moteurs.

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A chaque fois, Christian trouve l’ouverture… Ainsi, dans la chanson, je l’ai invité à « tirer le portrait » dans trois occasions plus récentes, la dernière en 2009, pour Chorus (revue hélas disparue depuis) : d’abord avec l’écrivain politique Jacques Attali, puis avec le linguiste Alain Rey. Ces deux fois, il s’agissait de leur faire parler de la place de la chanson dans leurs vies. Bref, de les prendre à contre-courant de leur spécialité habituelle. Christian a su dans chaque cas rendre gai ce qui était plus sérieux a priori, toujours avec sa technique éprouvée depuis nos aventures avec les Shelby, Salvadori, Brabham et consorts. La dernière fois (à ce jour), c’était avec une chanteuse bien connue, Jane Birkin, et une autre qui l’est devenue depuis, Emily Loizeau. Elles se rencontraient grâce à nous pour la toute première fois. Chacune des deux était intriguée par l’autre, en empathie, mais quelque peu sur ses gardes à l’idée de promouvoir son nouveau disque. Toujours « zen » et décontracté, discret et jamais intrusif (là encore, je me suis rappelé Jean-Pierre Leloir), Christian a encore trouvé la bonne carburation, les belles expressions et les instants choisis.

Au fond, la seule chose que je ne partage pas avec Christian (qui n’est pas Bordelais pour rien), c’est son amour du ballon ovale : mais que voulez-vous, nul n’est parfait !

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